« Tous les Maliens pressés », dixit le commandant de la CCR
De façon absurde et incroyable, les accidents de la circulation routière se multiplient de plus en plus dans nos villes. Des efforts sont faits pour réduire cette insécurité, mais apparaissent insuffisants. Pour preuve, rien qu’à Bamako, de janvier 2017 à nos jours, on a recensé 504 cas d’accidents, qui ont occasionné 607 victimes, 597 blessés et 10 morts.
Depuis des années, Bamako est devenue un véritable dépotoir de véhicules communément appelés « France au revoir ». A ces automobiles, s’ajoutent d’une part, les motos-taxis à 3 roues et d’autre part, les motos Djakarta qui inondent Bamako et les capitales régionales. La route tue et nul n’est à l’abri d’un choc dans la circulation. A tout moment, on entend la sirène des ambulances et des véhicules de secours des sapeurs pompiers. Comme annonçait un confrère, « la circulation routière à Bamako est devenue la circulation « mortière ». Et pourtant, cette situation n’est pas le fait du hasard. Quelles sont réellement les causes profondes de cette routière? Pour plus d’éclairages, nous avons mené notre petite enquête pour situer les responsabilités. Aussi, faut-il rappeler que les policiers chargés de sensibiliser les usagers et de réglementer la circulation routière sont souvent parmi les victimes de ces accidents de circulation.
L’Adjudant-chef de police, Adama Daou, est chef de poste de police de la Circulation Routière. De son constat, il a soutenu que 80% des cas d’accidents de la circulation routière sont dus au fait humain. A ses dires, ce facteur résulte de l’inobservation des règles de conduite et surtout de l’intolérance des usagers. Avant d’ajouter que « les gens sont pressés. Les priorités sont connues. Mais dans les ronds-points, on mélange l’engagement et la priorité. En l’absence des feux tricolores, l’engagement prime sur la priorité. C’est tous ces paramètres qui expliquent souvent les collisions. Il y a aussi des faits mécaniques, par exemple le système de freinage qui peut lâcher. Cependant ces cas sont minimes par rapport au fait humain ».
Approché pour le même motif, le Commandant de la Compagnie de Circulation Routière de Bamako, Commissaire Principal Abdoulaye Coulibaly estime que les causes des accidents de la circulation sont nombreuses. Dans son commentaire il a indiqué que : « Il y a plusieurs facteurs qui expliquent les accidents. Il y a l’état des routes, qu’on appelle les infrastructures routières. Il y a aussi l’état des véhicules. Et enfin, il y a le facteur humain. C’est ce dernier facteur qui explique en grande partie la quasi-totalité des accidents de la circulation. 70 à 75% des accidents résultent du comportement de l’individu. Ce comportement peut influer sur plusieurs manières. Aujourd’hui, bon nombre de jeunes s’adonnent à la consommation de stupéfiants et de l’alcool. Ce sont des choses qui sont interdites pendante la conduite. Beaucoup de chauffeurs de transport en commun en consomment en longueur de journée. Parce que pour eux, c’est synonyme du volume de travail. Mais très souvent, c’est synonyme d’accidents. L’alcool est surtout consommé pendant les weekends, la nuit, ou à la veille des fêtes de réjouissance. Vous verrez qu’il y a beaucoup de jeunes qui consomment l’alcool au volant. On constate aussi que des individus ne circulent pas à des vitesses modérées. Sinon, il ya certaines parties de la route et certaines configurations du terrain qui obligent les usagers à conduire à vitesse modérée. Tous les Maliens sont pressés. On est vraiment impatient dans la circulation. Au lieu de se patienter un petit instant pour que l’autre passe, on klaxonne incessamment. En plus des excès de vitesse, souvent certains véhicules ne répondent pas aux visites techniques. Des véhicules sont dans des états de vétusté totale. Les pneus sont usés. Le système de freinage ne répond pas totalement. Des vitres sont dans des états lamentables qui brouillent la visibilité du conducteur. Beaucoup de véhicules ne sont pas équipés d’essuie-glaces. Cela peut créer des accidents surtout pendant l’hivernage. A tout cela s’ajoute la cohabitation des engins à 4 roues et les motos. 80% des cas d’accidents sont dus à cette cohabitation. Tous ces facteurs font qu’il y a beaucoup d’accidents à Bamako. Il faut reconnaitre que depuis un certain temps, nous menons une campagne de sensibilisation. Nos éléments effectuent des patrouilles motorisées pour éviter que les usagers s’adonnent à des violations flagrantes relatives à la circulation routière. N’oublions pas les gros porteurs, surtout les camions benne qui transportent du sable. En témoigne l’accident odieux qui a eu lieu l’autre jour au niveau Care-Mali juste avant l’entame du pont. C’était un camion rempli de sable qui circulait à une vitesse non modérée. Le système de freinage a lâché. Le chauffeur a perdu le contrôle de l’engin qui s’est finalement renversé sur deux taxis, faisant deux morts sur place et deux blessés légers. En plus ces gros porteurs pensent que qu’ils ont toujours la priorité sur la route. Nous devons énormément faire attention. Usagers et conducteurs, nous devons nous protéger en tout lieu et en toute circonstance. Chacun de nous doit avant tout, songer à sa propre sécurité. Même si le port de la ceinture de sécurité n’est obligatoire en ville sur de courte distance, mais il est bon d’en faire usage, parce que personne ne peut évaluer l’impact des accidents. Le port de la ceinture de sécurité peut éviter que la personne soit injectée du véhicule. Cela n’est pas à négliger. On doit se familiariser avec cette mesure. Or, 95% des Maliens n’attachent pas leur ceinture. Cela est une réalité. Ceux qui ne connaissent pas l’importance de la ceinture de sécurité disent que ce n’est pas la peine de la porter. Il y a aussi le facteur casque. On enregistre beaucoup de traumatismes aigus qui sont liés au manque du port du casque lors des accidents. Lorsque vous portez le casque, du coup, vous protégez votre vie. Quand vous perdez la vie, c’est un grand vide qui va s’installer derrière vous. Il est prudent que les motocyclistes songent à se protéger en portant les casques. Souvent aussi, les motocyclistes ne circulent pas sur les pistes cyclables qui leur sont dédiées. Ils préfèrent circuler sur les voies des automobiles que. Ces pistes cyclables ont été exclusivement dédiées aux motocyclistes pour prévenir les accidents. Faisons aussi attention aux panneaux et ayons du respect pour les piétons qui traversent les routes. Dans les pays civilisés, les piétons sont considérés comme les premiers citoyens. Je lance un appel aux usagers d’être courtois avec les piétons. Tous les matins, nous avons tous les problèmes pour faire arrêter les véhicules afin de donner le passage aux piétons, veulent traverser la chaussée, il faut donner la priorité à ceux-ci. A ces lots, il faut ajouter les supports à trois et les autres insécurités de transport, c’est-à-dire le transport des marchandises qui font que le conducteur ne peut pas avoir la maitrise de son engin. Nous demandons aux usagers de ne pas porter des objets qui dépassent le gabarit de leur moto. Si on respecte ces consignes, je pense qu’on va réduire considérablement les accidents de la circulation ».
En somme, avant d’accuser qui que ce soit, nous devons savoir que l’homme est son principal ennemi dans la circulation routière. Aussi, nous devons inverser la tendance de l’incivisme. C’est à ce seul prix que les efforts consentis par l’Etat pour lutter contre l’insécurité ne seront pas vains.
Par Jean Goïta