Dr Moussa Sanogo, Pdg de la pharmacie populaire du Mali (PPM) : « Le projet des entrepôts est un impératif et une nécessité » « Beaucoup de services publics outrepassent le contrat-plan pour travailler avec des gens qui ne sont pas toujours dans les normes»

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Créée en 1960, la Pharmacie Populaire du Mali est l’une des rares sociétés d’Etat qui a résisté aux intempéries de la faillite. Après une traversée du désert, la société sort petit à petit de sa crise. Dotée d’un cadre juridique qui lui permet de concilier une mission de santé publique avec des activités de nature commerciale, au niveau international et national, la structure amorce depuis l’arrivée aux affaires de Dr Moussa Sanogo, un élan de modernisation sans précédent. Période hivernale oblige, le PDG de la PPM  a bien voulu nous accorder une interview sur les dispositions prises par la société pour faire face à l’épidémie du paludisme. Mais et surtout, il nous a parlé des difficultés que rencontre la structure et aussi du projet de grands entrepôts qu’il compte réaliser. Son crédo, c’est de sensibiliser à travers une  communication efficace  pour renforcer la visibilité de ce fleuron du département de la Santé et de l’hygiène publique. Faites bonne lecture de son interview exclusive.

La Lettre du Peuple : En cette période hivernale marquée par la montée de l’épidémie du paludisme, quelles sont les dispositions prises par la PPM pour combler  les attentes en termes de dotation médicamenteuse ?

Dr Moussa Sanogo : Le Mali fait partie des pays qui font face à un fléau lié aux maladies infectieuses, particulièrement le paludisme surtout en période de saison pluvieuse.  La Pharmacie Populaire du Mali, de par sa mission, est la centrale d’achat, de distribution de médicaments essentiels et des dispositifs médicaux sur toute l’étendue de la République du Mali. Dans ce cadre, nous devrions mettre sur place une organisation particulière pour faire face à cette période très sensible, et d’alerte pour pouvoir  anticiper des problèmes de santé qui vont survenir pendant cette période. La maladie qui est particulièrement pointée du doigt, c’est le paludisme. C’est une maladie endémique chez nous, surtout en saison pluvieuse. Elle  touche fortement les zones rurales et aussi  la population jeune, notamment les enfants, mais également  les femmes enceintes avec lesquels le taux de mortalité est très élevé. Le Mali dispose d’un Programme National de Lutte contre le Paludisme, avec des partenaires qui interviennent comme l’USAID, PSI, le Fonds Mondial, et aussi le gouvernement de la République du Mali, pour rendre disponibles les médicaments utilisés dans le cadre du traitement contre cette maladie, mais aussi pour mettre sur place des dispositifs qui permettent de détecter des cas. Ce qu’on appelle les Tests de Détection Rapide, élaborés, fabriqués par des firmes reconnues. Ces procédés permettent, très rapidement de poser un diagnostic, de savoir si la personne souffre du paludisme ou pas et aussi de pouvoir avoir une idée  du nombre de germes que l’individu porte. Il s’agit là de pouvoir donner un traitement qui puisse soigner. Donc la Pharmacie Populaire du Mali, avec l’ensemble des partenaires techniques et financiers, le ministère de la Santé, le Programme National de Lutte contre le Paludisme, travaillent à rendre disponibles ces médicaments  antipaludiques. Particulièrement, ce sont des traitements à base d’artesiminin, qu’on appelle les combinaisons thérapeutiques à base   d’artesiminin (CTA). Il y a aussi la quinine qui est utilisée par endroit. Ces médicaments, en plus  des TDR, sont commandés, stockés et distribués par la PPM sur l’ensemble du territoire du pays. Ces médicaments  sont distribués conformément à un plan de distribution des produits qui est fourni à la PPM par la direction du Programme National de Lutte contre le Paludisme. C’est-à-dire qu’ils envoient une liste de produits que la PPM doit commander auprès des fabricants agrées au niveau international de l’OMS. Ce sont des produits certifiés dont la qualité ne souffre d’aucun problème. Ces produits achetés sont stockés dans des entrepôts dans des conditions que cela requiert, et sont  aussi transportés par les moyens logistiques de la PPM, à travers nos véhicules pour aller les donner jusqu’au dernier km sur le territoire national. Cette capacité d’anticipation est rendue possible par l’appui financier, et de la direction du Programme National de Lutte contre le Paludisme, mais aussi du gouvernement du Mali à travers la direction des Finances et du Matériel du ministère de la santé. A ceux-ci s’ajoutent des partenaires techniques et financiers  qui interviennent directement pour acheter certains produits et les mettre à disposition pour le compte du Programme National de Lutte contre le Paludisme ou pour le compte de certaines populations cibles auprès desquels la pharmacie populaire transporte ses produits  pour les rendre sur les sites d’utilisation. Ces sites peuvent être des établissements publics de santé pour que les professionnels de santé, médecins, infirmiers puissent  s’en servir en vue de poser un bon diagnostic et apporter un traitement adéquat. Je voudrai ajouter que la lutte contre le paludisme n’est pas que seulement une lutte à base de traitements médicaux. C’est aussi des mesures préventives qui consistent  à assurer l’hygiène de notre milieu, c’est-à-dire l’hygiène de l’environnement en le gardant propre et sain. C’est de faire débarrasser notre environnement des eaux stagnantes, mais aussi des instruments qui puissent empêcher les moustiques de se développer pour pouvoir porter atteinte à notre santé. Il y a aussi l’utilisation des produits désinfectants et  détergents. En ce qui concerne les produits désinfectants et détergents, la  PPM a travaillé pour les rendre disponibles. C’est des produits qui sont utilisés dans le système de santé sur la demande de la direction nationale de la santé, à travers sa division hygiène et assainissement conformément à un plan de distribution, pour les rendre disponible sur l’ensemble du territoire national.  A l’instant, nous disposons d’une quantité importante de ces produits  détergents que ce soit des produits utilisés dans la désinfection de l’eau, des produits utilisés dans le cadre de la dératisation  ou des insectes nuisibles qui occupent notre environnement, mais aussi des produits usés tout simplement, pour faire en sorte que ces moustiques et autres germes ne puissent pas intégrer notre environnement de vie et nous infecter. Ces produits désinfectants sont aussi distribués comme les médicaments pour être servi parfois dans les établissements de santé, mais aussi dans les familles. Au delà de ces traitements médicaux, ces tests de diagnostics et produits désinfectants, il y a  la prophylaxie. On s’organise en fonction des situations nouvelles qui se présentent pour pouvoir apporter le soutien nécessaire, l’expertise nécessaire et assurer notre présence sur l’ensemble du territoire, de Bamako à Gao, de Gao à Tombouctou, de Tombouctou à Kayes, pour que les Maliens là où ils se trouvent, puissent disposer des produits de qualité. Nous savions que sur notre marché, d’après les études, 1/3 des produits pharmaceutiques qui circulent dans les pays en développement, sont des mauvais produits. Nous donnons l’assurance et la garantie que les produits que nous rendons disponibles dans le cadre de lutte contre la maladie,  sont des produits de bonne qualité, soumis à des contrôles de qualité sur place mais aussi à l’extérieur du pays pour pouvoir s’assurer que ces produits ne présentent pas de conséquences ou de danger pour la santé publique. Nous avons une mission de santé publique. Nous sommes une structure  étatique  dédiée à cette mission.

La Lettre du Peuple : Un des grands chantiers de la PPM qui vous tient à cœur c’est  la construction des grands entrepôts. Pouvez-vous nous en parler ?

Dr Moussa Sanogo : La Pharmacie Populaire du Mali est une société très ancienne qui a existé au moment de l’indépendance de notre pays. Elle existe depuis 1960. C’est une société qui  a 57 ans. C’est une vieille société qui a servi et qui continue à servir. Mais, il se trouve que de nos jours, il y a un besoin de moderniser le fonctionnement de cette société et de pouvoir adapter ses capacités de stockage, de conservation, de distribution par rapport au volume de l’offre qui existe en ce moment. En termes très simple, à la création de la PPM, la population du Mali n’atteignait pas les 5 millions de personnes. Aujourd’hui, nous sommes plus de 16 millions d’habitants. La population a été multipliée par trois ou quatre. La demande est devenue plus forte. De nouvelles problématiques de santé publique sont apparues. Les exigences sont devenues importantes. Pourtant,  en mars 1998, à Libreville, lors de la 3ème rencontre des ministres de la Santé des pays africain de la zone franc et pays associés sur la politique du Médicament, il a été décidé de « poursuivre la politique de restructuration des centrales d’achats publiques en vue d’accroitre leur autonomie financière et de gestion pour assurer la pérennité  des systèmes de recouvrement des coûts… ». Au regard de tous ces impératifs,  il y a le besoin de travailler à augmenter les capacités de stockages de nos produits. A l’instant, nos capacités de stockages sont dépassées, au point que nous louons des magasins à Bamako et à l’intérieur du pays pour stocker nos produits. C’est des coûts qui nous reviennent excessivement chers. En même temps, cela ne nous permet pas d’expérimenter toutes les mesures que nous sommes en train de mettre en œuvre dans le cadre de l’assurance qualité. Le stockage obéit à des règles, la conservation  également. Au delà même des produits qui sont utilisés dans le cadre  des traitements, nous avons beaucoup d’autres produits dont l’utilisation  demande  une condition particulière de conservation. Il faut beaucoup plus de chambres froides. Nous avions depuis un certain temps pris des dispositions  pour les rendre disponibles dans toutes les régions y compris à Bamako. Il y a des médicaments qui doivent être gardés à des températures basses et qui respectent les normes.

De plus en plus, nous sommes orientés vers des chambres froides et  des réfrigérateurs qui peuvent mêmes aller à des températures négatives. C’est des températures qui peuvent aller à -20°c. Par exemple, c’est des conditions qui sont exigées pour les réactifs et certains types de produits notamment des produits utilisés dans le cadre de la lutte contre le VIH. Le projet des entrepôts s’impose à nous. Ce n’est pas simplement une volonté, mais c’est un impératif et une nécessité. Les réalités nous l’imposent si nous voulons continuer à rendre un service de qualité. Nous nous sommes engagés dans une voie de production de service de qualité, mais aussi dans une perspective d’amélioration continue. C’est pourquoi, nous avons fait le pari et l’ambition de réaliser ces entrepôts modernes sur différents lieux du territoire. On en fera à Bamako. On en ferra dans les régions de Kayes, de Koulikoro et de Mopti. C’est pour aller à une décentralisation de notre activité en ayant de grands pôles de stockages de produits, des entrepôts, de l’équipement de manutention, des chambres froides adaptées, de l’air conditionné,  un système robotique de stockages des produits et de leur identification, une plate-forme  informatique qui puisse aller à une traçabilité, mais aussi à pouvoir assurer une bonne tenue des stocks. C’est aussi de pouvoir par le biais d’échange d’information, procéder soit à des dépannages  à différents endroits du pays ou par exemple, quand on a une rupture des produits au niveau des magasins à Bamako, qu’on puisse visionner immédiatement l’entrepôt qui sera construit à Mopti, s’il y a des stocks et les rapatrier à Bamako, vis versa. C’est un projet qui est beaucoup avancé. Cela va être une innovation pour le Mali, mais pour aussi beaucoup de pays d’Afrique francophone. C’est une technologie assez particulière qui va permettre sur 5 000 m2 de disposer des aires qui correspondent  à des exigences et à des normes qui sont requises lorsqu’on veut  travailler dans le cadre  de l’achat, de la distribution, de la conservation des médicaments. C’est une technologie qui est beaucoup plus expérimentée dans les pays anglophones et qui va nous permettre de révolutionner carrément notre mode de fonctionnement. Ces séries d’entrepôts modernes dénommés WIB vont nous aider à sécuriser notre système de fonctionnement tout notre circuit à pouvoir ouvrir des services de qualité à nos populations, mais aussi répondre aux attentes de nos différents partenaires techniques et financiers, de nos autorités tutelles et politiques

La Lettre du Peuple : Quelles sont les difficultés majeures auxquelles vous êtes confrontés dans l’accomplissement de votre mission ?

Dr Moussa Sanogo La Pharmacie Populaire du Mali comme beaucoup de sociétés anciennes qui existent ou qui sont fermées ont résisté dans le temps tant qu’elles peuvent. Vu la réalité de l’environnement des affaires, le changement et la modernisation s’imposent à nous. Alors, dans ce cadre, il y a des difficultés auxquels on est confrontées. Il y a des difficultés d’ordre structurelles qui brisent des habitudes et imposent  des changements de comportement dans l’adaptation au processus de modernisation du métier. J’ai un sentiment de satisfaction qui m’amène à penser et à affirmer que le personnel suit la  dynamique d’ensemble. Nous avons un engagement collectif  de faire de notre société une référence au Mali et dans la sous-région.  Il faut travailler à améliorer la gestion et la gouvernance afin de pouvoir générer des ressources qui puissent nous permettre d’aller à des investissements, à moderniser davantage ce que nous faisons. Cette stratégie nous permettra  à renforcer nos capacités. Beaucoup d’efforts sont faits. On a le processus de formation continue établi. On a renforcé le parc logistique en achetant de nouveaux véhicules. On a aussi effectué des réhabilitations sur certains de nos locaux. Il y a des  réaménagements qu’on a effectués.  Du matériel nouveau en termes de chaines de froid ont été installés. Le domaine de l’information est en pleine croissance. Nous avons un logiciel informatique qui nous permet de visualiser en temps réel notre stock. Dans le domaine de l’assurance qualité, il y a  des procédures standard qu’on essaie d’expérimenter au fur et à mesure. Nous faisons aussi un focus particulier sur notre département industriel qui fabrique des médicaments. La PPM ne fait pas qu’acheter seulement, mais elle fabrique et distribue les médicaments. Pour ce faire, nous avons un département galénique qui est en pleine rénovation pour  aller vers une industrialisation, une production de masse et à des prix raisonnables qui puissent permettre de satisfaire la population.

Parmi une des grosses difficultés auxquels nous sommes confrontés, c’est le phénomène de la vente illicite des médicaments.  On retrouve les médicaments un peu partout. Ces médicaments ne pas parfois de bonne qualité et provenant de firmes agrées. Ces médicaments ne passent pas tous par le circuit officiel. Alors que, nous, nous sommes dans le circuit officiel. Nous sommes un instrument de l’Etat. Nous payons des impôts. Nous payons des taxes. Nous avons un financement essentiellement sur nos propres ressources. Un tel fonctionnement exige qu’on soit dans un environnement des affaires  qui nous protège aussi au regard de la légalité. D’autres qui évoluent en dehors de légalité contribuent à affaiblir notre capacité à donner une réponse adéquate à la demande nationale. Ces autres structures évoluant dans l’illégalité contribuent tout simplement à faire baisser  notre chiffre d’affaire.  En plus du problème de la vente illicite des médicaments qui constitue un fléau, il y a encore des difficultés pour des services publics  à venir s’approvisionner au niveau de la Pharmacie Populaire du Mali. Nous sommes une société d’Etat avec la particularité d’être lié par un contrat-plan à l’Etat qui fait de nous, le fournisseur privilégié. Comme un plan, c’est une convention  qui vise à orienter dans un cadre triennal, l’activité économique, sanitaire et sociale de celle-ci  dans un sens conforme  à la politique  de l’Etat et du Gouvernement. C’est un acte juridique qui ressort à l’effet, il est obligatoire tant à l’égard des parties signataires que vis-à-vis des tiers qui y sont représentés. Les conventions légalement formés, tiennent  lieu de loi à ceux les ont faites. La parole donnée doit être respectée, les prévisions contractuelles ne doivent pas être  déjouées.  Une fois le contrat conclu, par sa force obligatoire, il échappe à la fantaisie individuelle et aux caprices du temps. De ce fait, on a mission de rendre disponibles les médicaments et dispositifs médicaux conformément aux lois qui nous ont créés. Mais on constate de façon  générale qu’il y a beaucoup de services publics qui outrepassent le contrat-plan pour travailler avec des gens qui ne sont pas toujours dans les normes. Or, cette disposition réglementaire qui nous créée demande aux structures publiques de passer par la PPM prioritairement. Quand je parle de structures publiques, ce n’est pas seulement les structures publiques de santé, mais ce sont les services publics de façon générale. Il y a l’armée, l’INPS, les EPA ; les EP, les Ecoles et Universités. A l’égard de toutes ces structures, le contrat-plan a une véritable force exigée par cette convention particulière. Dans la pratique, beaucoup vont ailleurs sans passer par notre centrale d’achat des médicaments.  Cela n’aide pas et ne permet pas à la PPM de jouer pleinement sa mission. Notre rôle est de satisfaire toute la population et tous les services publics. Quand nous avons cette sollicitation, ça nous  permet de bien fonctionner, à faire aussi un chiffre d’affaire et servir au mieux la population.

La Lettre du Peuple : Pour y faire faire à ces défis, quelles sont vos attentes ?

Dr Moussa Sanogo : Nous avons besoin de l’accompagnement des pouvoir publics, des politiques, des communicateurs, de la population générale. En un moment, l’accompagnement de l’Etat tout court. Le changement de comportement nécessite une sensibilisation.   C’est aussi un travail de tous les jours, pour qu’ensemble nous nous apprécions et jugions  la qualité du service rendu dans une approche constructive afin de donner pleine satisfaction à nos populations. C’est pourquoi, la société a été créée depuis 1960. On a senti un besoin et une nécessité sociale. On a senti une utilité tout simplement. La PPM doit fonctionner et répondre aux attentes de départ qui ont prévalu à sa création.

Interview réalisée par Jean Goïta

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