Discours d’ouverture de Mr le ministre de la justice, Garde des Sceaux à l’occasion de la conférence des parquets

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    Monsieur le Secrétaire Général du Département de la justice,

    Messieurs les directeurs des services centraux dudit département ;

    Monsieur l’Inspecteur en chef des Services judiciaires ;

    Messieurs les procureurs généraux près les cours d’Appel ;

    Madame et messieurs les procureurs de la République près les Tribunaux de Première Instance ;

    Mesdames et messieurs,

    Malick Coulibaly, ministre de la justice, Garde des Sceaux

    Permettez moi d’adresser mes vives et chaleureuses félicitations aux nouveaux promus dans les fonctions de chefs de parquet en même temps mes encouragements les plus vifs à ceux qui ont gardé leurs postes. A tous, je formule des vœux de réussite dans l’intérêt bien compris des populations.

    Monsieur le Secrétaire Général,

    Madame, Messieurs

    Lorsque des procureurs se retrouvent, la tentation est grande de se livrer à un concours d’art oratoire. Je vous invite à résister à cette tentation. J’imagine déjà M. le Procureur Général Bagayoko dans ses envolés lyriques.

    Je voudrai commencer par une anecdote impliquant Churchill. Une fois Premier ministre, Churchill demanda de lui faire l’état des lieux de la nation. Un conseiller lui fit savoir qu’en Angleterre tout est à terre à part la justice. Churchill s’exclama : si la justice n’est pas à terre, tout devient possible  et l’Angleterre se relèvera.

    Cette anecdote magnifie à suffisance la place de la justice dans un pays en crise. Et vous savez mieux que moi que notre pays a touché les profondeurs abyssales. Djely Bazoumana Cissoko nous avait prévenu  « jamana tè niagami kaa tè mi nan kan ».

    Monsieur le Secrétaire Général,

    Madame et Messieurs,

    Vous percevez alors l’opportunité sinon l’urgence d’une conférence des parquets destinée à donner à notre justice le souffle nouveau dont elle a besoin pour être à hauteur de mission. Par la même veine, vous saisissez mon intérêt inestimable pour les présentes assises.

    Monsieur le Secrétaire Général,

    Madame, Messieurs,

     La justice doit être une étoile. Ainsi, à la manière de l’étoile qui ne brille que lorsqu’il fait nuit, la justice est plus visible lorsque les ténèbres l’ont emporté.

    Un Procureur Général a pu l’affirmer avec justesse et pertinence : « un meilleur accomplissement du service public de la justice exige un pacte de confiance sans faille entre le citoyen et la magistrature du Ministère Public. Ce pacte hélas est aujourd’hui en péril. S’est instillé un terrible venin : celui de la suspicion, suspicion  sur notre liberté de conscience, suspicion sur les motifs et mobiles de nos décisions d’action publique dans les affaires sensibles à raison des personnalités ou intérêts en cause».

    Pour restaurer la confiance et l’estime perdues, je vous instruis, en ma qualité de poursuivant en chef, d’observer scrupuleusement les règles et directives qui suivent. En clair, j’ai une feuille de route à vous délivrer.

    Elle s’articule autour de cinq axes majeurs :

    la garantie effective des droits et libertés ;

    la lutte acharnée contre l’insécurité foncière ;

    la lutte implacable contre l’insécurité routière ;

    la lutte incisive contre la corruption et la délinquance financière ;

    la lutte contre l’impunité.

    Je m’empresse de vous dire que cette énumération ne suggère aucun ordre de priorité.

    Pour garantir les droits et libertés, il vous faudra veiller à l’application stricte des prescriptions légales : la liberté demeure la règle, la détention l’exception. La durée et les conditions de privations ou restrictions de liberté ne sont pas une invite ; mais bien un impératif.

    Ainsi, le réflexe de la garde à vue ou du mandat doit disparaître et les durées légales doivent être religieusement respectées.

    Les malversations foncières doivent être pénalement combattues. Aujourd’hui, des prédateurs fonciers, avec l’aide de leurs complices tapis dans l’administration, ont décidé de dépouiller riches et pauvres de leurs terres. Ils brisent des foyers et des vies.

    La terre n’appartient plus à l’Etat. Des titres fonciers sont crées sur des terres à l’insu des populations qui les occupent  depuis des siècles.

    Tenez, un agent immobilier a pu se faire établir des Titres Fonciers portant sur 783 hectares à l’insu des populations riveraines.

    Après les Etats Généraux sur le foncier, le moment est venu de sévir.

    Mobilisez vos services contre l’insécurité routière. On est aujourd’hui en droit de se demander s’il existe un Code de la Route au Mali avec des infractions assorties de sanctions.

    Churchill disait : « en Angleterre, tout est permis, sauf ce qui est interdit. En France, tout est permis même ce qui interdit. En URSS tout est interdit même si ce qui est permis ».

    J’ai envie de dire que sur nos routes, tout est permis même ce qui est interdit. Vous devez être aux côtés de la police judiciaire pour faire constater les infractions et veiller à la sanction des auteurs. Dans la lutte contre l’insécurité routière, je vous invite à privilégier les peines d’amendes. En plus de l’aspect sanction, l’amende a l’avantage de pourvoir les caisses de l’Etat en ressources précieuses. De ce point de vue, vous devez tapez dans le portefeuille des délinquants chaque fois que la loi le permet. Et surtout il vous faut tout mettre en œuvre pour recouvrer les amendes prononcées.

    La lutte contre la corruption et la délinquance financière ne peut pas attendre. Il est en effet tentant de penser qu’avec la crise, le traitement implacable de la délinquance financière n’est pas opportun. Bien au contraire, c’est parce qu’il y a crise, donc difficultés financières et économiques, qu’il faut épargner le dernier denier de l’Etat.

    Les prédateurs de deniers publics doivent avoir peur – sévissez !

    La lutte contre l’impunité doit mobiliser toutes les énergies. Des Parquets de Bamako, j’attends des résultats tangibles dans les dossiers de l’agression du Président de la République, des événements du 30 avril et du 1er mai (affaire des bérets), des meurtres du Campus Universitaire et de l’agression des journalistes dont la dernière en date fut celle perpétrée contre le Doyen Saouti Haïdara. Dans tous ces dossiers et dans bien d’autres, il vous faudra du courage et de la détermination pour faire triompher la vérité. Nul innocent ne doit souffrir de notre frilosité. Nul coupable ne saurait bénéficier de notre inaction. Le Mali et le Monde nous regardent. Nous n’avons pas le droit de faillir.

    Aussi, Madame et Messieurs, dans vos actions de tous les jours, lorsque des faits peuvent avoir un écho certain dans l’opinion, prenez en main la communication. N’oubliez jamais, à ce sujet, de rappeler que les personnes poursuivies bénéficient de la présomption d’innocence.

    Messieurs les Procureurs Généraux,

    Madame, Messieurs les Procureurs de la République,

     Vous remarquerez aisément que la tâche est des plus ardues et les moyens des plus limités. Mais pour paraphraser Soundjata KEÏTA, « l’amour que nous avons pour le Mali, nous rendra les choses toujours faciles ».

    Substitut, je commençais toujours mes premières réquisitions par cette prière : « Que DIEU nous confère la sagesse de percevoir ce qui est bon pour la justice. Qu’il nous donne le courage de le défendre et la volonté de le mettre en œuvre ». Qu’il soit permis au Garde des Sceaux de formuler la même prière  « Que DIEU nous confère la sagesse de percevoir ce qui est bon pour la justice. Qu’il nous donne le courage de le défendre et la volonté de le mettre en œuvre ». Amen !

    J’ai commencé mon propos avec Churchill. Je voudrai terminer avec lui. Cet esprit éclairé affirmait : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté». Je ne cède pas à un angélisme militant ; mais nous devons voir de l’opportunité dans nos difficultés. Faisons vivre l’optimisme pour que vive un Mali éternel, uni, démocratique, juste, respectueux des droits de l’Homme.

    Je vous remercie !

     

     La Rédaction de Maliweb.net

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    4 COMMENTAIRES

    1. Bravo je peux témoigné que le changement est en marche ….. Que tous les ministres fassent de même, feuille de route claire et nous jugerons au résultat… Que DIEU vous ASSISTE Mr le Ministre…

    2. Les maliens attendent de savoir qui st les agresseurs de Dioncounda et où st les bérets rouges, voilà ce qu’on te demande au lieu de faire du folklore

    3. Merci M. le ministre pour ces propos aimables et pleins d’espoir pour les justiciables et pour l’instauration de l’Etat de droit.
      Jusque là le chemin emprunté par vous, est très adroit et éclairé, que le tout puissant vous épaule à réhausser l’image de la justice malienne! Amen!
      Vous aviez engagé recemment de grandes réformes dans les juridictions monsieur le ministre et les maliens vous regardent et suivent mais aussi attendent les résultats comparables au dégré de changement voulu.
      Monsieur le ministre, cette transition est non seulement une chance pour vous mais également pour la justice malienne de se redresser car rare sont les gardes de sceaux qui ont pu avoir une marge de manoeuvre libre pour exécuter leur programme de réformes. je pense notamment à M.GARBA TAPO, mon professeur et Me Hamidou Diabaté.
      C’est pour vous dire que le changement c’est maintenant ou à jamais monsieur le ministre croyez-moi.
      Sur les différents axes proposés je retiens un seul dont la mise en oeuvre permettra sans doute à positiver votre bilan. Il s’agit de la lutte contre l’insécurité foncière au mali.
      A défaut d’avoir le temps nécessaire pour mettre en oeuvre vos différentes propositions, je vous exhorte à vous atteler à resoudre cette endemie qui envahit notre capitale ainsi que l’intérieur du pays.

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