Le petit élevage domestique est devenu un phénomène courant à Diéma, comme d’ ailleurs partout au Mali. Selon les statistiques, près de 90% des maisons disposent des enclos dans leurs cours en milieu rural. On est réduit à des hypothèses sur les raisons qui ont poussé l’homme à élever des animaux. Sans doute, les motifs utilitaires, aujourd’hui prédominants sinon exclusifs, ont-ils toujours existé : l’animal domestique est une source d’énergie, un moyen de transport, un fournisseur de nourriture, de vêtements et de ressources pécuniaires en temps de disette. Mais il convient de se souvenir que les vieilles civilisations ont vu bien autre chose dans l’animal.
L’Égypte a sacralisé les bovins ; le culte des animaux y prit des proportions extraordinaires, avec les sépultures somptueuses des taureaux Haphis (ou Hâpî, Apis) à Memphis. Dans la mythologie grecque et romaine, les dieux se font bergers, les bêtes nourrissent les dieux ; l’animal domestique reste animal de sacrifice et emblème sacré. Il subsiste encore, en dehors de la civilisation industrielle, quelque chose de cette attitude religieuse ou superstitieuse à l’égard du bétail. Le cas le plus remarquable est celui de l’Inde où des bovins sacrés vivent tant bien que mal aux portes des temples. Si l’on n’adore pas le bœuf, chez nous, on le révère et l’entoure de tous les soins. Malheureusement de nos jours cette pratique ancestrale si elle n’est pas accompagnée d’un suivi rigoureux peut être source de nombreux ennuis de santé. En effet les animaux défèquent un peu partout dans les maisons. Ces défécations, si elles ne sont pas nettoyées fréquemment, attirent des mouches qui favorisent à leur tour la transmission des maladies. Malgré ces inconvénients la pratique, à Diéma, garde somme toute, quelques avantages.
On utilise les déchets d’animaux dans la préparation des champs à l’approche de l’hivernage et pour du fumier dans le maraîchage. Ces animaux qui font partie du patrimoine familial sont aussi un élément de richesse. Ils peuvent également contribuer à améliorer l’alimentation de la famille. C’est pourquoi Boubacar Diallo, notable, est favorable à la pratique. Il élève dans sa maison, des moutons, des ânes et des chèvres. Il ordonne aux enfants de nettoyer quotidiennement la cour de la maison toujours envahie de détritus. Ils mettent de côté ces crottes d’animaux. Les crottins d’âne par exemple, sont pétris dans le banco qui servira d’enduit de fortification des murs de la maison, le mélange fortifie le banco et l’empêche de se fendiller si on le met sur le mur. Son épouse a un petit jardin dans la cour, elle dit que les crottes de chèvre sont de bons fumiers, qui favorisent surtout la croissance des plantes de menthe.
Ce petit élevage n’est pas que bénéfice. « La plupart de nos maladies sont causées par le manque d’hygiène. On vit avec nos animaux, ce n’est pas normal. En Europe tu ne verras jamais ça », s’énerve Fousseiny Diarra, émigré en séjour à Diéma, en claquant les mains. « Celui qui se hasarde à garder ses animaux ailleurs, les voleurs le dépouilleront », craint Moumouni Diarra, maraicher embarrassé par le manque d’eau dans son verger. Ahmed Sissoko d’ajouter « Dans les campagnes, il y a assez d’espace. Les maisons sont vastes, le problème de parcage ne se pose pas » « Quand les animaux sont parqués dans la maison, ils sont beaucoup plus en sécurité », lance vigoureusement un homme d’une cinquantaine d’années. Mady Diané, éleveur « On n’a pas besoin d’être instruit pour savoir que la saleté est dangereuse pour la santé, qu’elle rend malade. Tout est une question de principe. Il est temps que nous nous débarrassions de nos mauvaises habitudes. Moi, je suis éleveur, mais je ne transforme jamais ma maison en parc. Mes troupeaux sont avec mon berger » « Pendant l’hivernage, avec les déchets d’animaux, la maison devient trop dégueulasse. Mon oncle garde des vaches dans la cour de sa maison. Les bêtes défèquent n’importe où. S’il pleut, j’évite de lui rendre visite pour ne pas avoir la nausée. Mais lui-même ça ne lui dit rien, si tu le vois manger au milieu de ces bouses de vaches, tu n’en reviens pas », explique Hamadi Diarassouba. Baba Ly, lui aussi pense qu’il faut garder des bêtes à la maison pour conjurer le mauvais sort. « Dans ta maison, il faut toujours s’arranger à avoir au moins un animal ; Ainsi si un malheur veut frapper un membre de ta famille, la bête devient la source expiatoire. Moi quand je suis tombé malade, tout le monde disait que j’allais mourir, mais mon bélier « Bal-bal » est mort un matin, depuis je me suis remis de la maladie» Assa Tounkara, ménagère, confirme : « un jour, le gros bélier de ma voisine était revenu du pâturage avec les autres animaux. Tous se sont rués vers l’abreuvoir, mais le bélier s’est effondré, il ne se relèvera plus jamais. Alertée par les enfants, la propriétaire arriva et secoua l’animal qui ne bougea pas. La dame était profondément affligée par la disparition de ce qu’elle qualifiait de trésor précieux. Je lui ai dis de s’en remettre au sort, que le malheur qui devait arriver n’arrivera certainement plus jamais. Divination ou science infuse, le malheur tant redouté n’a pas eu lieu et elle finit par se résigner ». Bréhima Coulibaly, électromécanicien, donne son point de vue « De nos jours, les familles sont nombreuses, les maisons sont débordées. Là où on doit parquer les animaux, on construit des chambres Seuls les chevaux restent à la maison, on envoie tous les autres animaux en brousse, où ils trouvent de l’herbe en abondance » Moussa Kéita, n’ y voit pas d’inconvénient « S’il y a de l’espace dans la maison, il faut le faire », lance-t-il. Comme on le constate les avis sont partagés sur l’élevage domestique. Mais l’attachement de l’homme à l’animal dans son environnement immédiat reste constant. Pour que l’élevage à domicile soit abandonné, il faut renforcer la sensibilisation des populations pour un changement de comportement. C’est à ce prix que la santé des populations sera mieux préservée. Il faut inciter les éleveurs à aller vers la construction de parcs plus modernes. Pour ce faire l’implication des autorités, des ONG et des associations serait d’un apport capital.
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