Des produits alimentaires périmés sur le marché : Tous en danger

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    Les populations mangent mal. Et même très mal. Elles sont aidées en cela par la commercialisation de produits impropres à la consommation qui envahissent le marché malien. La pauvreté endémique, l’ignorance, l’avidité et bien d’autres manquements  favorisent la prolifération des produits alimentaires non conformes. Face à cette menace sur la santé publique, l’action publique demeure toujours inefficace.

    Ce que dit la loi
    La loi est claire, il est interdit de vendre des produits périmés, c’est-à-dire ayant dépassé leur date limite de consommation (DLC). Les contrôles sont effectués par la Direction Nationale du Commerce et de la Concurrence (DNCC) à travers la division législation et concurrence. La découverte d’un ou deux produits périmés dans les rayons d’un magasin n’entraîne généralement pas de sanction. Mais  plutôt, un simple rappel à l’ordre. Et quand ce sont des lots entiers, l’addition peut s’avérer salée pour l’enseigne. Un manquement à la loi est passible d’une contravention de troisième classe qui peut aller de 200.000F à 10 millions de nos francs. Des injonctions administratives peuvent également être prononcées contre les enseignes récidivistes allant d’1 à 5 ans d’emprisonnement ferme selon l’ordonnance N 007-025 P-RM du 18 juillet 2007.

    La pratique, assez répandue, de vendre des produits à perte à l’approche de leur date de péremption est quant à elle légale. Pareil  pour la vente de produits qui ont dépassé leur date limite d’utilisation optimale (DLUO).

    Les produits alimentaires non conformes sont des dangers permanents pour la santé publique. Les marchés maliens sont inondés de produits alimentaires de toutes natures dont une bonne partie provient de la contrebande. Sur certains de ces produits la date limite de consommation (DLC) et la date limite d’utilisation optimale (DLUO) sont déjà expirées.

     Et, pour les liquider, les vendeurs n’hésitent pas à utiliser des subterfuges comme la modification des dates de péremption. Il s’agit de marchandises écoulées à des prix défiant toute concurrence, mais qui ne constituent pour autant une si bonne affaire. Ce commerce pour le moins douteux, et qui devrait être rigoureusement contrôlé, menace sérieusement la santé des consommateurs. Des marchands ambulants, et même certains commerces fixes, vendent en effet des aliments en conserve, notamment des boîtes de concentrés de lait et des jus de fruits de contrebande, ainsi que différentes  charcuteries et de sucreries, à vil prix ! 
    Ce n’est pas pour autant une si bonne affaire pour les consommateurs. Surtout que pour la plupart de ces produits, la date limite de consommation expire dans les jours qui suivent.
    Monsieur Oumar Idriss Berthé chef de la division législation et concurrence indique : « il existe en effet une éventualité que la date limite de consommation soit modifiée afin d’abuser  du consommateur ». Avant d’indiquer : « le travail se fait sur le terrain. Mais il faut reconnaître que le social dans notre pays est un gros handicap quant à la lutte proprement dite sur le fléau. S’y ajoute, le personnel qui est très restreint. Car, pour une ville comme Bamako qui compte environs 80 marchés, la division législation et concurrence ne compte que 120 agents. Ce nombre est trop peu pour effectuer un travail digne de ce nom ». Il poursuit : « pour le contrôle de qualité, rien de sérieux ! Pourtant, un commerce aussi douteux devrait être sérieusement contrôlé. Il y va de la santé des populations. Mais, ces dernières sont-elles assez informées des risques de la consommation de produits périmés ? »
    Selon le docteur Doumbia Abdou, président de l’ordre des pharmaciens du Mali, les produits pharmaceutiques sont des poisons. Ces produits deviennent un danger pour la population lorsque les conditions de conservation, de transport et la date de péremption ne sont pas respectés : « plusieurs catégories de produits pharmaceutiques deviennent inefficaces pour la santé de l’homme, lorsque le corps humain est habitué à la prise de produits prohibés ou qui ne respecte pas les trois conditions citées ci-dessus. Et les microbes étant, déjà, habitués à ces médicaments, résistent pour finir avec les produits en question. Du coup, le patient se voit exposé à ces microbes qui sont hostiles aux médicaments », explique-t-il. Avant de préciser : « il dira que c’est la raison qui a poussé l’OMS à demander le retrait de certains médicaments sur le marché. Tel que la chloroquine qui a été classé inefficace dans le traitement du paludisme. Tout comme la chloroquine et l’amoxiiline qui seront très bientôt retirés du marché pour la même cause ».

    Pour cette raison, le Docteur  exhorte la population à acheter les produits pharmaceutiques dans les officines de pharmacie pour se mettre à l’abri des maladies que ces produits périmés et mal conservés occasionnent chez les consommateurs.

    Il explique : « la consommation par exemple des anti-inflammatoires occasionnent des maladies telles que les insuffisances rénales, les hépatites et la cirrhose de foie qui sont des maladies très dangereuse et mortels pour celui qui en souffrent. Le cas aussi du paracétamol donne les démangeaisons de la peau ». Aussi, notre spécialiste soutient que tout produit exposé au soleil n’a plus d’effets. Alors, il en appelle au bon sens de tous. Certes, souligne-t-il, le social reste le fondement de nos sociétés, la santé n’a pas de prix.

    Et d’ajouter que la répression au niveau national est très difficile, et même pour la commission nationale de lutte contre les médicaments prohibés et périmés. A cause dit-il, des moyens très limités que l’Etat accorde à cette structure.
    Par ailleurs pour lutter contre ce fléau, trois axes doivent être explorés. A savoir la disponibilité, le coût du produit et surtout la sensibilisation sur les dangers et méfaits de ses produits.
    Au Mali, une semaine est spécialement consacrée à la lutte contre ce fléau à partir de la deuxième semaine du mois de novembre de chaque année.
    Selon Oumar Idriss Berthé chef de la division législation et concurrence, la grande problématique  au Mali, c’est que dans notre représentation sociale, un produit n’est nocif que s’il a des effets immédiats. Alors que dans les faits, les substances chimiques contenues dans les produits alimentaires peuvent entraîner des conséquences sur la santé à moyen ou à long terme.

    Aujourd’hui, il est démontré que la prolifération des maladies cancérigènes et cardio-vasculaires est en partie liée à la mauvaise alimentation.

    Tout compte fait, il y a très peu de saisine sur le plan national. Car cette opération se fait de deux manières : le contrôle auprès des consommateurs et celui, quelques fois, effectué par la division.

    Produits locaux en question
    Les jus locaux conditionnés dans des bouteilles de boissons sucriers ou eau minérale ramassées dans la rue sont vendus pêle-mêle dans les rues de Bamako et partout dans le pays. Ces bouteilles sont faites en plastique, une matière poreuse. Cela veut dire que la surface du plastique est rugueuse. Elle retient donc dans ses alvéoles, les substances qu’elles contenaient. Ce qui fait que le « bissap » ou d’autres produits locaux conditionnés dans ce type de bouteilles contiennent des substances toxiques à petite dose. Donc, plus on consomme ces produits conservés dans de pareilles conditions, plus on absorbe des doses toujours plus importantes. Aussi, dans la préparation de ces jus, les femmes utilisent souvent des substances faites à base de saccarine ou de safranine.

    La saccarine est  un édulcorant de synthèse accepté par l’Union européenne dont le seuil autorisé est de 75 mg/L. Mais dépassée, la concentration, devient cancérigène. Or, dans la pratique, ces doses ne sont pas respectées dans la fabrication de jus.

    Ces produits de mauvaise qualité disponible sur le marché malien, ont un impact important sur la santé publique et la productivité, d’autant plus que les personnes actives victimes de ces maladies perdent leur travail et sont à la charge de leurs proches.

    Il faudra  une volonté politique pour que la qualité des produits alimentaires soit une priorité. Mais, les choses sont beaucoup plus compliquées. La surveillance des produits alimentaires est rendue plus difficile par la complexité de leur fabrication. Avec les procédés chimiques, il est possible de faire de la contrefaçon des jus de fruits.

    Douane et service d’hygiène en panne
    Les organes de contrôle de qualité et d’importation des produits font parler d’eux dans le mauvais sens. Ils ne fonctionnent pas correctement. La Douane est le service habilité à procéder à des contrôles de recevabilité des produits importés, et le Service d’hygiène fait le suivi dans les boutiques, les marchés et autres lieux de vente. Mais, à ce niveau également, il y a un problème. Surtout pour le contrôle de la qualité des produits importés.

    L’Etat du Mali est souvent mal placé pour mener ce genre de combats parce qu’il évite d’être attaqué par  l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour protectionnisme. Ces exemples illustrent parfaitement l’absence de contrôle adéquat au niveau des frontières du Mali où les agents n’effectuent que de simples contrôles documentaires. Même si la Douane exige la déclaration d’importation des produits alimentaires (Dipa) qui est l’élément de recevabilité des produits importés. Si ce document n’est pas joint à la marchandise, la Douane ne peut pas donner un « bon à enlever ».

    Quant au contrôle de qualité des produits, elle ne relève pas de la Douane mais plutôt au ministère du Commerce pour les produits alimentaires ou au ministère de la Santé, notamment la Direction de la pharmacie pour les médicaments.  La Douane apporte alors son soutien aux départements concernés par les produits importés et des produits spécifiques comme l’huile dont l’importation est régie par des normes internationales.
    Si l’importateur est en possession de déclaration d’importation de produit alimentaire en « bonne et due forme », la Douane se trouve dans l’obligation de lui délivrer « un bon à enlever ».
    Si l’on conçoit que les services compétents des ministères concernés, comme celui du Commerce, n’ont pas les moyens d’effectuer un contrôle efficace de qualité des produits importés, ils saisissent de facto le laboratoire nationale de la santé qui procède à une analyse minutieuse des produits incriminés. La Douane peut être encline à délivrer un « bon à enlever » pour des produits non propres à la consommation.

    Le contrôle de routine des produits dans les lieux de vente reste tout aussi peu effectif. Le Service d’hygiène dont le rôle consiste à vérifier la qualité des produits en se basant surtout sur la date limite de consommation et la date limite d’utilisation optimale est très démuni. C’est une structure qui ne dispose pas de véhicule pour ses agents sur le terrain. « Même si un agent constate une infraction, il ne peut pas confisquer les produits faute de moyens de transport. Pis, il existe des réseaux spécialisés dans le reconditionnement de produits non conformes. Ces gens importent des produits en « fin de vie » qu’ils reconditionnent en changeant les dates de péremption. Ou bien encore, ils manipulent tout simplement les chiffres qui figurent sur la boîte afin d’allonger la date de péremption de plusieurs mois », indique le chef du Service d’hygiène.

    Au marché de Dabanani, il y a des personnes spécialisées dans le reconditionnement de sacs de lait en poudre périmé. Leurs procédés consistent à transvaser le lait périmé dans de petits emballages. Si le consommateur est averti et s’il a le réflexe de vérifier la date limite de consommation, il pourra aisément remarquer que le produit en question sera périmé dans un bref délai s’il ne l’ait déjà.
    Défaillance de l’Etat, ignorance ou fatalité des populations

    Aujourd’hui, on parle de transformation des produits alimentaires. Mais, encore faudrait-il respecter les normes. Ces dernières sont ignorées par les populations. Or, chaque couleur renvoie à une identification précise. Le défi est alors grand. L’Etat doit s’engager à mener une lutte efficace contre les produits non conformes. Les consommateurs de leur côté doivent être plus regardants surtout sur certains produits vendus à des prix très bas. C’est le cas des canettes de boisson vendues à 250 francs au lieu de 400 francs. Une orientation majeure, afin de prendre toutes les mesures appropriées et contrôler les produits à tous les niveaux, n’est pas à l’ordre du jour.

    Le recyclage des produits périmés reste un autre problème tout aussi sérieux. Pour mettre fin à la prolifération des produits alimentaires non-conformes, il faudra la mise en place d’une « politique rigoureuse de contrôle de la qualité des produits alimentaires ». Au cas contraire, le risque de détérioration de la santé publique reste très élevé.

    Les populations gagnées par l’ignorance ou plongées dans une fatalité coupable ne prennent pas la peine de réfléchir. Pourtant, le coût des soins médicaux qui résultent de la mauvaise alimentation est exorbitant. Surtout pour les maladies chroniques comme le diabète, les maladies cardiovasculaires ou le cancer.

    Le cas de médicaments contrefaits est plus grave. « Quand on prend l’exemple d’un antibiotique contre la tuberculose avec des doses inférieures à celles requises, on risque de rendre l’agent pathogène plus résistant. Il se multiplie et donne naissance à ce qu’on appelle des mutants résistants. Donc, il devient difficile, voire impossible de soigner le patient de manière simple », explique le docteur Doumbia Abdou, président de l’Ordre des pharmaciens. Là, ajoute-t-il, on est obligé de passer à un « traitement alternatif de seconde ligne », qui est beaucoup plus cher que le traitement conventionnel. Mais quand la dèche fait sa loi, tous les produits sont bons ! Même s’il faut en souffrir après?
    Pour certains consommateurs, manger épicé permettrait de faire disparaître tous les risques. Ce que démentent les spécialistes: « ajouter des épices va masquer le goût, mais les conséquences seront les mêmes pour l’organisme ».

    La solution est-elle de faire bouillir les aliments ? « Plus on va loin dans le phénomène de cuisson, plus les bactéries vont disparaître. Mais ce n’est surtout pas une parade pour consommer ce genre de produits », précisent les experts. Reste la question des boîtes de conserves. Plus que la DLUO, c’est l’aspect extérieur qu’il faut prendre en compte. Toute trace de dégradation de la conserve, telle que la déformation, la rouille ou le bombage de la conserve, peut révéler une altération du produit. Dans ce cas, il est préférable d’éviter d’en consommer le contenu.
    Paul N’guessan

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