Crise politico-militaire au mali: La solution ne réside plus dans la loi

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L’erreur fondamentale des protagonistes de la crise politico-militaire malienne est de vouloir la résoudre par des artifices légaux alors que la légalité a trouvé en notre pays un cimetière de luxe.

Commençons par l’Accord-cadre du 6 avril 2012. Ce texte que chacun semble prendre pour la règle d’organisation des pouvoirs de transition est frappé d’illégalité. Il n’est ni une loi  (aucun député malien ne l’a voté), ni un décret (aucun président de la République ni aucun Premier ministre ne l’ont signé), ni une norme quelconque de l’ordre interne malien car ses seuls signataires (la CEDEAO et le CNRDRE) n’avaient pas qualité légale pour représenter le Mali. Alors, l’Accord-cadre est-il un traité international ? La réponse est encore une fois négative. En effet, aux termes des articles 114, 115 et 116 de la Constitution du 25 février 1992, c’est le Président de la République qui négocie les traités, lesquels  n’entrent en vigueur qu’une fois ratifiés par le parlement puis publiés, sous reserve de leur application par toutes les parties prenantes. Or l’Accord-Cadre n’a été ratifié par aucun député et son application par les signataires laisse à désirer. L’illégalité de l’Accord-Cadre se renforce, de surcroît, avec sa prétention à donner les “pleins pouvoirs” au Premier ministre de la transition: non seulement la notion de “pleins pouvoirs” n’est expliquée par aucun texte légal (elle dégage plutôt des relents de IIIème Reich hitlérien!), mais elle jure aussi avec le “retour à l’ordre constitutionnel”. Cet “ordre constitutionnel” que l’Accord-Cadre visait, fort curieusement, à réaliser repose sur la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) et non (trois fois non!) sur leur réunion dans une seule main.

Point donc n’est besoin d’être grand clerc pour comprendre que l’architecture institutionnelle de la transition malienne est bâtie sur un Accord- Cadre illicite. Dans ces conditions, comment s’étonner que le pays patauge allègrement dans la confusion ? Et les acteurs de la transition paraissent prendre un malin plaisir à épaissir chaque jour davantage les ténères juridiques. Citons, à titre d’exemple, cette loi scélérate par laquelle les députés ont prorogé leur propre mandat, comme s’ils avaient peur de retourner devant le suffrage universel ou qu’ils se piquaient d’accaparer, sans droit, des salaires et des primes ! Les mêmes députés, décidément fâchés avec leur vocation normative, ont cru bon de voter une loi d’amnistie des pustchistes du 22 mars, violant ouvertement l’article 121 de la Constitution qui dispose: “Tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien.“. Pour ceux qui l’ignoreraient, le qualificatif “imprescriptible”  s’applique à un crime que le temps ne saurait effacer…

En fait d’errements juridiques, la CEDEAO se trouve, elle aussi, en terrain connu. Comme si elle exerçait un mandat colonial sur notre pays, elle a décrété, sans autre forme de procès, que le président intérimaire, Dioncounda Traoré, présiderait la transition. Et de pousser la hardiesse jusqu’à intimer au Mali, pays souverain depuis 52 ans, l’ordre de former un gouvernement d’union nationale avant le 31 juillet 2012 ! Elle n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai puisqu’au mépris de l’Accord-Cadre qu’elle a signé, et qui fait du CNRDRE un acteur central de la transition, la CEDEAO demande à présent la dissolution de cet organisme. L’appétit venant en mangeant, la CEDEAO a décidé de ne pas reconnaître au capitaine Amadou Sanogo le statut d’ancien chef d’Etat que lui a octroyé le médiateur attitré de l’institution sous-régionale…

De ce qui précède, nous concluons que la légalité n’a plus droit de cité au Mali. Elle n’y reviendra probablement pas de sitôt puisqu’à la faveur de la crise politico-militaire que nous traversons, chaque citoyen, du boucher au planton, du forestier au boulanger, s’est découvert de sérieux talents de juriste et se prend pour Maurice Duverger. Des compères, qui ont sans doute appris la doctrine révolutionnaire dans un puits, croient ainsi possible d’organiser une “Convention Nationale” destinée à désigner le président de la transition – excusez du peu! D’autres parlent de “concertations nationales” chargées de doter le pays d’un nouveau président et d’un nouveau gouvernement. Ces messieurs nourriraient-ils la nostalgie de la Grèce antique où les affaires de la nation se décidaient, entre deux foires, sur la place publique ? Le président de la transition lui-même, pour ne rien arranger, propose de créer, pour réussir la transition, un Haut Conseil d’Etat et deux postes de vice-président. Comment créer ces postes alors que la Constitution ne les prévoit pas ? Et à quoi servirait un Premier Ministre placé sous la férule de ce pesant triumvirat présidentiel? En toute hypothèse, s’il fallait traduire dans les faits les propositions présidentielles, il faudrait réviser la Constution, ce qui nécessiterait un référendum impossible à organiser dans un pays aux deux tiers occupé.

Les Maliens seront bien avancés d’admettre qu’en fin de compte, la solution de la crise ne réside plus dans la loi. De quelque côté que l’on se tourne, celle-ci repose dans un cercueil dont des légistes improvisés enfoncent les clous. Par conséquent, il faudra explorer une voie de sortie politique. Mais laquelle ? A notre avis, tout compromis politique tendant à sortir notre pays du tunnel doit obéir à trois principes de base.

Le premier consiste à associer toutes les forces vives à la gestion des affaires publiques. Certes, le gouvernement de Cheick Modibo Diarra ne manque pas de compétence mais une transition, période hautement périlleuse car extra-légale, requiert plus un gouvernement représentatif qu’un gouvernement compétent. C’est l’ouverture du pouvoir de transition à toutes les forces représentatives qui permettra de résoudre la crise politique au sud, préalable à la résolution de la crise militaire au nord.

Le deuxième principe consiste en une feuille de route approuvée par la communauté internationale. Quelle que soient leur bonne volonté, les autorités de la transition ne produiront aucun résultat si elles ne parviennent pas à mobiliser l’appui politique, financier et militaire international nécessaire pour maintenir le pouvoir d’achat des Maliens et bouter les rebelles hors des territoires occupés. Croire que le Mali résistera à un embargo international ou atteindra ses objectifs par ses seuls et dérisoires moyens est une grave illusion. Il nous faut comprendre que l’ingérence de la communauté internationale dans ce que nous prenons pour nos affaires intérieures vient de ce que le péril terroriste qui s’est installé dans le nord du Mali plonge dans l’insécurité tout le sahel et enfreint les intérêts stratégiques des puissances occidentales, lesquelles, pour moins que cela, ont déjà mené des guerres en Irak, en Afghanistan, en Somalie et ailleurs.

Le troisième principe consiste à redéfinir la démocratie malienne.Depuis 1991, date d’avènement du pluralisme politique, notre pays n’a pas connu de scrutin transparent; chaque élection voit triompher les forces d’argent et les manitous de la fraude. Résultat: des gouvernants faibles parce que conscients de leur illégitimité; un Etat frileux qui, au premier coup de boutoir rebelle, fuit les deux tiers de son territoire; une armée en déliquescence car malicieusement combattue par le pouvoir politique; une classe politique qui n’a, pour tout programme, que l’entretien du tube digestif; une justice décriée; une économie corrompue; une société livrée à l’anarchie. Ce tableau sombre n’était sûrement pas l’objectif des martyrs du 26 mars 1991. La transition doit le redorer afin que la démocratie malienne renoue avec les Maliens et que les partisans du changement se réconcilient avec les orphelins de l’ère ATT.

Par Maître Cheick Oumar Konaré

Avocat à la Cour

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14 COMMENTAIRES

  1. Je trouve cette analyse intéressante et nécessaire à la compréhension de la situation.
    Il a mis le doigt sur l’illégalité du piège sans fin que constitue l’accord cadre et les erreurs de la CEDEAO.
    Il en ressort que seuls le consensus et l’unité de tous les maliens permet de sortir le Mali de la crise.

    En conclusion, le président Djoncounda doit continuer à rechercher le consensus et le rassemblement de tous les maliens derrière un gouvernement inclusif et représentatif et obtenir l’appui indispensable de la communauté internationale.

    Merci.

  2. Le bon sens veut que les maliens s’asseyent et se parlent au lieu de se ridiculiser aux yeux du monde. Ce n’est pas une loi qui va nous indiquer de nous asseoir pour parler, c’est en mettant notre égo et en mettant le Mali au dessus de tout que nous trouverons une solution à cette crise. Il faut que les leaders politiques fassent leur méaculpa et demander pardon au peuple pour lui avoir trahi en n’agissant pas en amont lorsque le pays sombrait. Ce n’est qu’à ce prix que les choses rentreront dans l’ordre.

  3. Peux-tu la redefinir toi cette democratie? Depuis le 22 mars, tout le monde s’essaie au “redressement ‘ ou a la “redefinition” de la democratie malienne. La democratie ne se definie pas, elle se vie sur des principes dont la principale est la participation active et consciente de la majorite. Il faut surtout admettre qu’on est qu’au debut. Les “democraties” aveances ont au moins plus de 50 ans ou un siecle de pratique.
    Et puis Mr Konare, peux-tu nous dire enfin qui t’avait enleve, tabasse et laisse pour mort dans un terrain vague? Etait les enfants a l’amateur ” du rognon et du foids gras? Ou des gardes corps de Jo Brin? Vivement que tu reprenne la plume! Je suis sure que Jo Brin t’embaucherait pour lui ecrire des publi-reportages.
    Felicitations pour la “Me trise” et un clin d’oeil a ton aine Me Bande Yatassaye

  4. asterix petite porc nain français kul de babouin alis le fou dkg!!!

    😆 😆 😆 😆 😆 😆

    Face à ka souffrance humaine, je rigole, je me masturbe… je suis content de ne pas être à kidal: je suis un porc blanc 😳

  5. les analyseurs, vous aimez les gens sales qui ont mis le pays dans cette situation durant les 20 ans passée. Il me semble (you guys are dirty too) c’est pour cela vous parlez de leur faveur (thief). Sans SANOGO & CMD il aura la guerre civile au Mali!!!!!
    Que ALLAH, DIEU, GOD sauve le peuple malien, et un Mali indivisible!!! (in name of Ramadan Mubarak ) AMIN!!!!

  6. Un ancien de la NASA

    Je vous précise tout de suite que je suis un ancien de la NASA.

    Je viens de terminer mon programme mars curiosity en contrat à durée déterminée.

    J’étais affecté à la Jet Propulsion Laboratory de Pasadena en Californie.

    Mais j’ai accompagné curiosity sur la planète rouge depuis le Cap Caneveral en Floride.

    Je suis retourné avec la soucoupe volante qui a déposé le robot curiosity sur le sol marsien.

    Le retour fut plus  rapide que l’allée qui a pris tout de même 8 mois.

    J’ai donc traversé l’atmosphère de mars et celle de la terre deux fois avant d’atterrir dans les eaux du pacifique en californie.

    Un grand “Djandjo” pour moi quand même.

    Après la NASA, je viens de signer un accord-plan avec l’UEMOA qui m’offre présidence et primature et du Mali et de tout autre pays de l’UEMOA qui connaîtra un coup d’état d’ici 2022.

    Donc à Dioncounda et à mon ancien Collègue ayez la gentillesse de me donner mes postes de Président cumulé au Premier Ministre du Mali qui me reviennent de droit grâce à la nouvelle constitution que l’UMOEA enverra à chaque malien pour signature dès demain.

    Ça change du référendum, trop démodé et has been!

    Tout le nord du Mali a déjà signé la nouvelle constitution, Iyad Ag Ghali et Ag Bibi en premier.

    La signature des militaires n’est pas reconnu par l’UMEOA pour refus de combats.

    Donc ne soyez pas étonnés que la nouvelle constitution UEMOA n’arrive pas dans nos garnisons du sud.

    Durant les 10 ans de l’accord-plan, j’ai comme mission de restructurer l’armée malienne et le ramener au niveau l’armée algérienne.

    Donc ça ne rigole pas!

    Sans déconner, je dois propulser l’économie malienne au niveau de celle de l’Afrique du Sud.

    L’enseignement fondamental aura 100% de taux de scolarisation

    L’enseignement secondaire, 95% de taux de réussite au Baccalauréat.

    L’enseignement supérieur produira chaque année des diplômés capables de créer des entreprises comme Google, Apple et Facebook.

    Les jeunes maliens surferont sur Internet grâce à leur propres entreprises, ça masquera d’éventuelles carences et d’écarts de langages désagréables.

  7. Bonne analyse maître.Est ce vous qu’on avait tabassé en tant que journaliste?Comme quoi ce n’est aujourd’hui qu’on a commencé à malmener les journalistes c’est à dire sous HAYA et CMD.

  8. Bonjour Chers frères et sœurs,

    Dieu aime le Mali et nous l’a prouvé maintes et maintes fois.

    Aujourd’hui face à la tourmente, il faut qu’on LUI adresse une prière collective pour aider notre Cher pays.

    Je propose que tous les maliens sans distinction de religion prennent le temps d’adresser à DIEU, notre Créateur Unique, le dernier vendredi du mois sacré de Ramadan, c’est-à-dire le 17 août 2012, à 13h piles une « Prière Collective » de seulement 1 minutes à haute voix dans n’importe laquelle des langues, pour demander que DIEU sorte le Mali de la situation qu’il vit aujourd’hui.

    Juste une petite minute suffira et nous serons Entendus.
    Faites passer ce message à tous vos proches, à toutes les radios sur l’ensemble du territoire de Kidal à Kayes, à toutes les Associations religieuses et lieux de culte.

    Dans une communion de pensée et d’action de tous le vendredi 17 août à 13heures, partout dans les champs, les foires, les bureaux, les mosquées, les usines, dans la circulation, bloquons le temps pour l’espace d’une Prière Collective d’une minute adressée à DIEU pour que Vive le Mali de paix, unit, libre et prospère.

    Kambéné KEITA
    [email protected]

    • Bonjour,
      Excellente idée, ça sera un véritable consensus des cœurs en direction de Dieu.

      Excellente communion des cœurs, qu’elle soit suivie par tous.

      Bien cordialement
      Dr ANASSER AG RHISSA
      EXPERT TIC ET GOUVERNANCE
      E-mail : [email protected]

  9. GOUVERNANCE CONSENSUELLE ET PARTICIPATIVE POUR UNE SOLUTION DEFINITIVE ET DURABLE A LA CRISE MALIENNE

    Bonjour,
    Après avoir constitué le gouvernement d’union nationale, la seule solution efficace pour résorber définitivement la crise Malienne est la gouvernance consensuelle et participative c’est-à-dire que tous les Maliens s’entendent à travers des consensus et des compromis via une conférence globale de compromis ou une conférence nationale avec des ramifications dans les régions sous forme de conférences régionales de compromis.

    Toutes ces conférences se font sous l’égide de Haut Conseil d’Etat.

    Les populations dans toutes les régions ainsi que ces conférences sont sécurisées par les forces de défense et sécurité Maliennes avec le renfort éventuel du contingent de la CEDEAO/UA/ONU.

    Concernant la constitution d’un gouvernement d’union nationale, Dioncounda Traoré et Cheick Modibo Diarra doivent s’entendre sur deux points :

    (1) le Président reconduit, sans condition, Cheick Modibo Diarra en temps que Premier Ministre et
    (2) ils s’engagent, ensemble, à constituer le gouvernement d’union nationale.

    Seule une gouvernance consensuelle et participative permettra de résorber la crise Malienne avec la participation active de tous.

    Bien cordialement
    Dr ANASSER AG RHISSA
    EXPERT TIC ET GOUVERNNACE
    E-mail : [email protected]

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