Crise institutionnelle et sécuritaire : Le Mali sur cale

0

Malgré la levée des sanctions de la communauté internationale sur le Mali, rien ne va plus dans ce pays. Les plus optimistes parlent d’une imminente banqueroute.

A cause du coup d’Etat perpétré par de jeunes militaires le 22 mars 2012, la communauté internationale, la Cedeao en tête, avait infligé de sévères sanctions au Mali, réclamant un rapide retour à l’ordre constitutionnel. Un Accord-cadre signé entre la Cedeao et la junte militaire au pouvoir a permis la levée des sanctions. Mais il semble que tout cela ne soit que formel car sur le plan économique, notamment macro, le pays connait d’immenses problèmes de trésorerie. Le compte du trésor public serait toujours gelé à la Bceao et dans d’autres banques internationales parce que le Mali n’a personne de qualifié comme signataire reconnu et légal. En général, c’est la signature du gouvernement qui engage l’Etat.
Les procédures de coopération sont également en souffrance. Après l’invasion et l’occupation du nord malien, plusieurs pays dont la Grande Bretagne et la France ont demandé à leurs ressortissants dont la présence n’est pas indispensable de rentrer chez eux. Beaucoup de touristes ont suivi le conseil, mais ils ne sont pas les seuls. Dans les ambassades et agences de coopération, les femmes travailleuses sont également parties, surtout celles qui ont des enfants. Leurs écoles étant fermées, leurs parents ont préféré leur éviter une scolarité trop perturbée.
Les bureaux du FMI et de la Banque mondiale n’assureraient plus que le service minimum, plusieurs de leurs responsables ayant pris le large. D’où une turbulence dans les flux financiers et une perturbation dans l’exécution de leurs programmes.
Sur le plan économique, le Réseau des entreprises en Afrique de l’ouest (Reao) section du Mali, a attiré l’attention des nouvelles autorités dans une déclaration intitulée «Appel du Reao-Mali».
Les entreprises en panne
Selon le réseau, les entreprises seraient dans d’énormes difficultés liées à leur approvisionnement en denrées, produits et intrants. Les fournisseurs étrangers n’honorent plus les commandes de peur de ne pas être payés, les banques ne garantissent plus certaines opérations par manque de liquidités, les assurances n’assurent plus les transactions. Le Reao est si inquiet qu’il craint bientôt la fermeture des entreprises. Déjà celles-ci éprouvent toutes les difficultés du monde à s’acquitter des taxes douanières et des impôts. Or ces produits constituent une part importante des ressources publiques. Les exportations également seraient en stand by. L’Appel du Reao-Mali déplore également la destruction de l’outil de production lors des événements qui ont suivi le changement de pouvoir. Les banques et les autres partenaires techniques et financiers ne seraient plus prêts à financer des entreprises qui sont vouées au pillage et au saccage d’autant plus que la situation est loin d’être revenue à la normale, les populations étant promptes, à la moindre occasion, à s’en prendre aux biens publics ou privés. Si à Bamako les banques sont ouvertes mêmes si leurs caisses sont vides, dans le reste du pays elles sont fermées et, dans le nord, elles ont été pillées. Les points de transfert d’argent connaissent le même sort et même ici à Bamako certaines caisses sont fermées.
Par ailleurs, dans le nord du pays (mais aussi dans la région de Mopti), les quelques rares unités industrielles péniblement implantées sont fermées ou détruites par les bandes armées qui écument la zone. Les recherches et explorations minières sont arrêtées, et les entreprises chargées de construire les infrastructures pour désenclaver le nord sont rentrées.
L’administration est bloquée
Et pour couronner tout ce désastre, le Mali est classé pays à risque et n’attire plus les investisseurs.
Le désastre se ressent encore au niveau de l’administration, littéralement bloquée depuis le putsch. A la cité administrative où sont regroupés la plupart des départements, c’est la désolation. Le personnel se tourne les pouces. La junte avait demandé aux secrétaires généraux de remplacer les ministres pour faire tourner la boite. Mais avec quoi ? Suite aux nombreux actes de vandalisme, les bureaux sont nus et vides. Plus d’ordinateurs ni imprimantes ni rien du tout. Même pas de stylos. Les pilleurs ont si bien rempli leur part du contrat qu’ils n’ont rien laissé. Impossible donc de travailler.
Sur le plan politique, la situation se complique davantage malgré l’investiture d’un président de la République et la nomination d’un Premier ministre. L’arrestation de vingt-deux personnalités civiles et militaires par la junte donne désormais au pays la forme d’une hydre à trois têtes. Laquelle détient vraiment le pouvoir ? Tant que les partenaires techniques et financiers ne trouveront pas une vraie réponse à cette question basique, le Mali ne sortira pas du tunnel. Même pour bénéficier de l’aide de la communauté internationale afin de lutter contre les terroristes et les indépendantistes dans le nord.
Cheick Tandina

Commentaires via Facebook :