Les travaux de la 2è session ordinaire de l’année ont démarré le jeudi 27 octobre dans la salle « Boubacar Sidibé » de la Cour d’Appel de Bamako. Présidée par le premier Président de la Cour d’Appel de Bamako, la cérémonie d’ouverture s’est déroulée en présence du représentant du ministre de la Justice et Garde des Sceaux, les premiers responsables des structures judiciaires, les représentants des directeurs généraux des services de sécurité, (notamment la gendarmerie, la police, la douane), le représentant du chef d’Etat Major de la garde nationale, le président du barreau, d’autres personnalités et d’un public venu en grand nombre. Pour l’ouverture des travaux de cette session, le ban du ministère public était occupé par Souleymane Coulibaly, Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako, Deux discours ont marqué la cérémonie d’ouverture de cette 2è session ordinaire de la Cour d’Assises : le discours du Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako et de celui du premier président de la même Cour. Avec éloquence, Souleymane Coulibaly a étayé le rôle de cette nouvelle session de la Cour d’Assises dans son ensemble. Il a commencé par livrer le nombre des affaires retenues pour cette session, (qui sont au nombre de 61) avant d’ajouter que ces 61 affaires concernent 82 accusés dont 10 femmes.
Parlant de la nature de chaque dossier, le Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako a confié qu’il s’agit de cas de rébellion, d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, de désertion en temps de paix, d’un cas de terrorisme ; de 11 affaires portant sur des cas de coups mortels ; de 8 cas de vols qualifiés ; de deux dossiers de meurtre. A cela s’ajoutent trois autres portant sur enlèvement de personne ; de 8 affaires de viol ; d’un cas d’attentat à la pudeur ; de deux affaires d’atteinte aux biens publics et de faux en écriture ; de trois dossiers d’infanticide ; de quatre cas de trafic de stupéfiants ; de six affaires de pédophilie ; de 4 cas d’assassinat ; d’un cas de parricide et d’une affaire d’incendie volontaire.
Et le Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako, de poursuivre en soutenant qu’à l’analyse du rôle, il ressort, de façon très nette, que les cas de crimes sont prédominants : 39 sur les 61 retenus. Il dira qu’en dehors des 8 cas de viol et les trois dossiers d’enlèvement, toutes les affaires portant sur des attaques contre les personnes se sont soldées par la mort des victimes.
« Ces violences gratuites nous interpellent tous et toutes, et elles nous imposent de donner un autre sens (positif) à notre vie en société. Une société qui fonde tous ses espoirs sur vous, monsieur le Président, mesdames et messieurs les conseillers et assesseurs. Les décisions que vous allez prendre contre ces personnes permettront sans doute de rétablir l’équilibre rompu par la commission des infractions. Le Mali, dans son histoire séculaire, a toujours été une terre d’accueil, de paix et de tolérance ; toute sensibilité qui est mondialement connue. Mais en dépit de tout, au Mali, il ne sera pas permis à des individus mal intentionnés de porter atteinte à cette réputation sans y subir ce que dit la Loi à propos », a signalé le Procureur général, Souleymane Coulibaly. Et de poursuivre que c’est un devoir qui relève de tous pour assurer de façon impérieuse la protection des personnes, de leurs biens et les intérêts de l’Etat malien tout entier. Il a ajouté « qu’il y a désormais une place réservée pour ceux qui sont animés du désir de faire exploser ou détoner, en des lieux publics ou contre des personnes et autres installations gouvernementales, des engins explosifs, entre autres engins meurtriers ».
Le phénomène grandissant du trafic et de la consommation de drogue a également été abordé par le Procureur général. « Bien que n’étant pas un pays producteur de drogue, notre combat contre le terrorisme ne doit pas occulter celui contre les narcotrafiquants qui cherchent par tous les moyens à se frayer un chemin chez nous au détriment d’une grande frange de notre jeunesse chez qui ils créent de plus en plus la dépendance en utilisant des moyens pernicieux et odieux », a souligné Souleymane Coulibaly. Il s’est dit convaincu que chaque membre de la Cour partage le même souci que lui, tout comme les autres citoyens. C’est pourquoi il a confié qu’il ne doute pas de la responsabilité des magistrats, conseillers et assesseurs quant au respect de ce que dit le Droit légal. Il a déclaré que les décisions qui sortiront de ces assises devront sans doute permettre de condamner les coupables et élargir les innocents.
Pour sa part, le premier Président de la Cour d’Appel de Bamako, Moussa Sara Diallo, s’est plutôt appesanti sur le rôle que chacun des magistrats, conseillers et assesseurs jouera au cours de ces assises. « Juger un semblable n’est pas chose aisée ; mais face aux infractions commises, il faut être à la hauteur pour accomplir cette noble mission », a-t-il indiqué. Reconnu dans les milieux de la justice comme un grand magistrat professionnel, Moussa Sara Diallo a souhaité le bon déroulement des travaux de cette session d’assises avant d’inviter les magistrats à « se mettre au-dessus de la tache afin de relever le défi de la noble justice malienne ».
Le Bâtonner de l’Ordre des Avocats, de son côté, a salué les bons rapports qui règnent depuis déjà quelques années entre les magistrats et les avocats de la défense. Il a souhaité que le Droit légal soit dit au cours de cette session d’assises, tout en indiquant que « juger quelqu’un relève d’une grande responsabilité ». Il a enfin conclu qu’il serait aimable de voir les innocents regagner leur domicile et vaquer à leurs affaires et par la même occasion, d’éloigner les coupables de la vie commune.
Zhao Ahmed A. Bamba
COUR D’ASSISES
Deux hommes condamnés pour avoir causé la mort de leurs femmes
Deux affaires étaient inscrites au rôle du jour au cours de cette première journée d’ouverture de la 2è session ordinaire de la Cour d’assises de Bamako. La Cour était présidée par Moussa Sara Diallo, assisté des conseillers Kamafily Dembélé et Mama Diarra. Le Ban du Ministère public était occupé par Maître Alfisséni Diop, Avocat général près la Cour d’appel de Bamako. Ainsi, la première affaire a vu la comparution de Sinè Kanté (un Guinéen de 27ans) inculpé pour coups mortels contre sa femme Fatoumata Kanté ; tandis que la seconde a opposé le Ministère public à Guimbala Sissoko (37ans), également poursuivi pour avoir porter des coups à sa femme, occasionnant ainsi sa mort.
Au sieur Sinè Kanté, il était reproché d’avoir, à l’aide d’un couteau, grièvement blessé sa femme (mère de ses deux enfants) qui rendit aussitôt l’âme : c’était courant 2009 à Kantébougou, dans le cercle de Balandoudougou (région de Kankan, Guinée). Pour toute réaction, Sinè prit la fuite pour se retrouver dans le cercle de Bougouni. Mais il ne tarda à pas être retrouvé et arrêté. Interpellé, il a reconnu les faits à toutes les étapes de la procédure. Il a déclaré que sa femme Fatoumata Kanté entretenait des relations amoureuses avec un certain Sékou Diallo, et que c’est dans la chambre de ce dernier qu’il la surprise avec son enfant. Sous le coup de la colère et de la jalousie, il lui a administré trois coups de couteau dans le ventre.
« Cet acte criminel puni par l’article 202 du Code pénal mérite une sanction exemplaire », dira le représentant du Ministère public, Me Alfisséni Diop, qui a laissé entendre que les faits étant constants et têtus, l’accusé doit être maintenu dans les liens de la prévention. Concernant le bénéfice de circonstances atténuantes, Me Alfisséni Diop a déclaré : « Pour nous, il doit pas en bénéficier ». Mais Me Yaro, qui défendait l’accusé, n’était pas de cet avis : pour lui, l’accusé ne devait même pas être jugé devant cette Cour d’assises, car selon lui, il y a une autre justice plus compétente qui devait s’occuper de cette affaire. En clair, selon ses propos, les faits s’étant déroulés sur le territoire guinéen et entre deux Guinéens, seules les autorités guinéennes disposent de toutes les informations nécessaires pour juger équitablement son client, bien qu’il fût arrêté au Mali. Aussi, à l’issue de l’audience l’accusé Sinè Kanté est reconnu coupable et condamné à 10 ans de réclusion criminelle.
Après cette affaire, Me Touré et son confrère Modibo Aly Doumbia se sont occupés de la défense de Guimbala Sissoko, accusé de coups mortels. De son dossier, il ressort que dans la matinée du 2 avril 2010 à Sébénicoro, l’accusé a eu, avec sa femme Mariam Camara, une dispute qui se solda par des injures et une bagarre au cours de laquelle Guimbala frappa sa femme, la gifla et lui donna un coup de pied sur le flanc. Dans sa course pour se sauver, elle trébucha et tomba à terre. Quelques minutes après les faits, elle rentra chez ses parents dans un état critique : en effet elle saignait du nez et de la partie vaginale, suite à une hémorragie interne occasionnée par les coups reçus au cours de la bagarre avec son mari. Mariam Camara rendra l’âme cinq minutes après son admission d’urgence à l’hôpital Gabriel Touré.
Pour Me Modibo Aly Doumbia, dans cette affaire, il n’existe aucune preuve palpable permettant d’asseoir la culpabilité de son client. Selon lui, Mariam serait blessée par d’autres coups que ceux portés sur elle par son mari, car elle n’a été vue en sang par aucun des témoins oculaires de la bagarre : à savoir, Sokona Coulibaly dite « Fify » et Adama Ballo. Mais pour le ministère public (toujours représenté par Alfisséni Diop), la femme est bel et bien décédée suite aux coups infligés par son mari. Le fait qu’elle ne saignait pas juste après s’explique par le fait que le sang peut prendre plusieurs heures avant de jaillir quand il y a hémorragie interne.
Par ailleurs, Me Touré (qui épaulait Me Modibo Aly Doumbia) a rejeté la responsabilité de ce crime sur Dieu qui, selon lui, a été aidé par le médecin qui n’a pas voulu examiner à temps la victime sans l’avis des policiers. Aussi, dans sa sagesse, la Cour a retenu Guimbala Sissoko dans les liens de l’accusation. L’accusé a cependant bénéficié de circonstances atténuantes : ainsi, il a été condamné à 5 ans d’emprisonnement ferme.
Mahamane Abdoulaye Touré « Hamane ».
COUR D’ASSISES
L’accusé s’en sort avec 5 ans d’emprisonnement, mais l’affaire n’est pas terminée
Le Substitut du procureur près la Cour d’appel de Bamako, Maître Moussa Faguimba Bagayoko, a décidé de saisir la Cour suprême après l’annonce de la peine jugée trop légère contre Mariam Coulibaly, inculpée de meurtre.
De son dossier, il ressort que Mariam Coulibaly, originaire du village de Kolokani, venue à Bamako à la recherche de travail afin de constituer son trousseau de mariage, fut embauchée comme aide-ménagère dans la famille Diané, à Médina Coura, rue 12, porte 96. Mère d’un petit garçon de 8 mois issu d’un concubinage et dont le présumé père n’a pas reconnu la paternité, Mariam Coulibaly commit l’irréparable en ôtant la vie de son enfant.
C’est ainsi que le 14 février 2011, vers 4 heures du matin, Mariam Coulibaly prit son enfant qui dormait à côté d’elle et le jeta dans le puits de la maison. Pour toute réaction, la mère indigne expliqua que l’enfant a été repoussé par son supposé père et les membres de sa famille. Donc son geste ne serait que le résultat du désespoir qu’elle a subi. Face à ce crime odieux, l’accusée méritait une peine encore plus lourde que les cinq années d’emprisonnement ferme qu’elle a écopées.
En tout cas, c’est ce qui ressort du réquisitoire de Maître Moussa Faguimba Bagayoko, représentant du Ministère public. Déterminé à faire lourdement payer son crime à l’inculpée, le ministère public saisira très prochainement la Cour de cassation en vue de revenir sur la peine infligée contre Mariam Coulibaly.
Mahamane Abdoulaye Touré « Hamane »