L’Afrique n’est pas toujours là où certains l’attendent. Et la réussite de Modibo Diarra est de celle qui font taire les mauvaises langues et les esprits étroits.
L’homme de sciences
Citoyen malien né en 1952 à Ségou, le jeune Cheick Modibo a été très tôt passionné par la science. Il écoutait ainsi les reportages de Pierre Pouillon pour la radio Voice of America, et notamment ceux qui parlaient des missions spatiales Apollo.
Plus tard, Modibo Diarra a décidé de réaliser ses rêves d’enfant. Il a d’abord obtenu son baccalauréat technique à Bamako puis étudié les mathématiques, la physique et la mécanique analytique à l’Université Pierre et Marie Curie à Paris. Par la suite, il a intégré
Après ses études, il est recruté comme professeur à
Modibo Diarra obtient ainsi le grade de " navigateur interplanétaire " (titre de son autobiographie parue en 2000). Il devient d’ailleurs rapidement le directeur du programme Mars Exploration Program Education and Public Outreach qui vise une meilleure intégration des milieux éducatifs dans les actions de
La priorité du développement de l’Afrique
En 1999,
En 2002, il va plus loin en prenant un congé sabbatique et en retournant à plein temps au Mali pour y fonder un laboratoire de recherches sur l’énergie solaire. L’expérience est un échec et le Mali reste dépendant de son énergie thermique, coûteuse et polluante. Convaincu que la fracture numérique qui existe entre l’Afrique et les autres continents est un défi majeur à relever pour développer le continent et profitant de sa très bonne réputation dans les milieux scientifiques, il a décidé de créer le Sommet africain de la science et des nouvelles technologies (SASNET) qui s’est réuni au Gabon puis en Mauritanie et a permis de débloquer des fonds destinés à l’appui à certains étudiants africains.
Puis, il a été nommé vice-président de
Mais finalement, Diarra abandonne rapidement ce projet. En effet, le 20 février 2006, la multinationale Microsoft annonce que Modibo Diarra est le nouveau directeur de la branche " Microsoft Afrique ". Microsoft s’offre ainsi une personnalité d’envergure mondiale, qui dispose de l’oreille attentive des organisations internationales, pour conforter ses vues sur un futur marché porteur. Dès 2003, Bill Gates avait investi près de trois milliards et demi de dollars dans le financement de projets humanitaires visant la santé et l’informatique en Afrique et avait vanté les mérites de son entreprise devant trente ministres chargés des Nouvelles Technologies et de l’Éducation Nationale.
Preuve de sa bonne volonté, Microsoft avait édité des logiciels en zoulou et en afrikaan en Afrique du Sud, avait distribué du matériel à bas prix dans plusieurs pays et s’était engagée à équiper les administrations d’État en matériel neuf. Quant à Modibo Diarra il peut alors renforcer le projet Pathfinder, testé dans un premier temps en Namibie puis étendu à neuf États africains, et qui consiste à remettre en état des ordinateurs pour les redistribuer gratuitement au sein d’un réseau d’utilisateurs agréés. Aujourd’hui, il travaille en Afrique du Sud pour le compte de Microsoft-Afrique du Sud et de Microsoft-WECA (Afrique de l’Ouest, de l’Est et du Centre).
L’homme est donc devenu à la fois l’un des grands promoteurs de l’éducation et de la numérisation en Afrique mais est désormais l’un des représentants de luxe du leader mondial sur le marché informatique. Modibo Diarra justifie d’ailleurs cette double casquette : " Ces défis peuvent être relevés dans le temps grâce à la participation du secteur privé et de grandes entreprises telles que Microsoft, afin de définir une vision permettant de renforcer le continent par le biais de l’enseignement et de trouver des moyens de combler la fracture numérique ".
Les ambitions politiques
Sa carrière lui a donc valu de recevoir plusieurs titres honorifiques à la fin des années 1990 : l’African Lifetime Achievement Award, l’Award for Outstanding Contriubutions to Science et l’Africa America Institute Award for Excellence in Science and Science Education. Toutefois, Modibo Diarra ne compte pas s’arrêter là. Après ses activités scientifiques, techniques et associatives, il a décidé de s’approcher de la politique. Non pas parce qu’il est le gendre de l’ancien président malien Moussa Traoré, mais parce qu’il s’est très vite rendu compte que ses activités institutionnelles ou professionnelles se heurtaient bien souvent à des obstacles politiques. Désormais, il souhaite s’engager dans l’élection présidentielle de 2012 au Mali.
En août 2008, il affirme ainsi : " J’ai toujours fait de la politique. Au sens étymologique du mot, politique veut dire résoudre les problèmes de
Pour le moment, il préfère rester flou sur son implication concrète dans cette course au pouvoir, mais il semble clair qu’il brigue directement le poste suprême : " Au Mali, quand vous bavardez avec les gens, ils disent que les choses ne changent pas. Ils réclament de l’éthique et de la transparence. Mais dans quelques années, d’autres qualités seront requises. Si l’on aime son pays, si l’on aime son continent, si l’on est honnête avec soi, on sait si on a les qualités, on ne peut pas se dérober. En 2012, si j’ai ces qualités en tant qu’enfant de ce pays, nourri par ce pays, éduqué par ce pays, je mettrai mes qualités à son service. Si je ne les ai pas, je vais aider à identifier cette personne et l’aider. "
Modibo Diarra ne manque donc pas d’ambition pour l’Afrique qui pourrait d’après lui offrir un modèle prometteur en alliant bonne gouvernance et développement économique. Lui qui croit en un changement par l’union de la société civile africaine, estime que le seul obstacle aujourd’hui en Afrique, " c’est la mentalité des citoyens ". D’après lui, " il faut deux choses fondamentales pour que l’Afrique puisse se développer. Il faut d’une part des gouvernements capables de créer l’environnement qui permet aux citoyens et aux entreprises de se développer. Cela s’appelle la bonne gouvernance.
D’autre part, il faut que nous travaillions à changer nos relations interpersonnelles. Ce qui compte, c’est qui tu es, qui tu connais. On n’interroge pas la valeur ajoutée que les employés peuvent apporter à l’entreprise. Or, c’est cela qui permet de mettre les bonnes personnes à la bonne place. On dit que les ressources humaines manquent. En réalité, elles ne manquent pas. Elles sont mal gérées. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas maintenir les relations de solidarité. Au contraire, il faut les renforcer, mais en les dissociant de la création de richesses. Si nous le faisons, nous créerons un modèle plus performant que le modèle asiatique, puisqu’eux sont allés à l’autre extrême où tout est basé sur la plus-value.
Nous, nous pouvons maintenir, dans le domaine social, tout ce qui est culturel, tout ce qui est traditionnel, qui permet de mettre en place un filet social qui fait que personne ne tombera au fond de l’abime. C’est un troisième modèle de développement qui me semble le plus souhaitable pour les sociétés. "
Source Grioo.com