Même si le Bureau du Vérificateur général (BVG) ne dispose pas aujourd’hui des moyens suffisants pour vérifier simultanément la gestion des 500 services publics assujettis à son contrôle, il s’efforce pour donner des informations fiables et crédibles aux Maliens par rapport à la gestion des services publics contrôlés. Ainsi, après la publication de son rapport annuel 2015 assortie de vérifications dans 23 services publics, le Vérificateur général, Amadou Ousmane Touré était face à la presse, le mercredi 18 octobre 2017, pour donner plus de détails sur le document faisant état des irrégularités financières évaluées à 70,10 milliards de F CFA. Au cours de cette rencontre, le Végal a aussi abordé les difficultés rencontrées par son équipe sur le terrain. Parmi celles-ci figurent le casse-tête des archives comptables dans les services publics au Mali.
Aucun obstacle n’arrête le Bureau du Vérificateur général dans son combat contre la corruption au Mali. Pas même la disproportion qui existe entre le nombre des vérificateurs (10) et les services assujettis au contrôle (500). Face au nombre élevés de défis en terme de services à contrôler, Amadou Ousmane Touré a adopté la politique de l’analyse des risques qui consiste à contrôler les services faisant l’objet de forts soupçons de mauvaise gestion. Selon lui, cette année, le choix des structures a été facilité par les dénonciations des citoyens, regroupés parfois en association ou en syndicat, des Maliens de l’extérieur et du Gouvernement. La particularité de cette dynamique, s’agissant du dernier rapport annuel, est la saisine du BVG par un parlementaire, une approche, selon lui, salutaire et qui dénote de la volonté de l’ensemble des acteurs de la gouvernance à lutter contre la délinquance économique et financière.
Au-delà, le Vérificateur général s’efforce aussi à donner la priorité aux services n’ayant jamais été l’objet de contrôle par le BVG. Cependant, malgré ces efforts, les réalités sur le terrain constituent un handicap dans le travail de l’équipe d’Amadou Ousmane Touré. Car, selon le Vérificateur général, ses éléments peuvent prendre 4 à 6 mois dans le contrôle d’un service. La principale raison évoquée par le Végal, c’est que l’état d’archivage des documents est scandaleux au Mali. « Les informations comptables des structures contrôlées ne sont pas le plus souvent disponibles au moment du passage des vérificateurs», regrette Amadou Ousmane Touré. Conséquence : seulement 23 services publics sur 500 ont pu faire l’objet de contrôle dans le rapport annuel de 2015. Ce nombre insuffisant des services contrôlés se justifie par le souci du Végal à présenter aux Maliens un travail sérieux et crédible. Car, selon Amadou Ousmane Touré, un contrôle a pour but d’aider à rendre efficace la gestion des fonds publics mis à la disposition des services publics. Et au regard des déperditions financières qui se chiffrent à 70,10 milliards de FCFA dont 32, 67 milliards de F CFA en fraude et 37,43 milliards de F CFA en mauvaise gestion et des recommandations faites par le BVG pour corriger les lacunes, on peut parier sur le sérieux du rapport annuel 2015 du Végal remis, le 12 octobre 2017, au président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta. Il ressort aussi du document annuel du Végal que certaines structures ont déjà remboursé le manque à gagner constaté dans leur gestion par les vérificateurs. Toutefois, précise le Végal, le Bureau du Vérificateur général ne peut pas être à la fois contrôleur, juge et procureur. « Nous ne pouvons pas nous substituer au procureur. Nous sommes un contrôle administratif qui n’a pas le droit de contraindre quelqu’un. Notre mission n’a pas pour but de punir, mais d’aider à rendre efficace la gestion des structures contrôlées», explique Amadou Ousmane Touré. C’est pourquoi, poursuit Végal, dans le souci de la prise en compte rapide des recommandations, le Bureau du Vérificateur général n’attend pas la publication du rapport annuel pour informer les entités contrôlées des irrégularités constatées dans leur gestion. « Elles sont informées à travers un rapport individuel plus détaillé afin de se corriger », explique le Végal.
Interrogé sur la garantie de l’indépendance du BVG dans sa mission, le Vérificateur général a tenu à lever toute équivoque. Selon Amadou Ousmane Touré, le Bureau du Vérificateur général est une structure indépendante de contrôle administratif qui n’a de rapport ni avec le président de la République, ni avec le Premier ministre, ni avec l’Assemblée nationale, encore moins avec d’autres institutions. « Les relations entre le Bureau et le président de la République, la Primature et l’Assemblée nationale se limitent à la remise du rapport annuel », rassure le Végal. A l’en croire, jusqu’à la date d’aujourd’hui, le Bureau du Vérificateur général arrive à garder ses vertus initiales pour mieux répondre aux attentes des populations maliennes. « La répartition des tâches entre les vérificateurs est faite de telle sorte qu’aucun d’entre eux ne peut prendre un engagement auprès d’un gestionnaire », précise le Végal.
Sur la question de son silence sur l’identité des personnes dont les gestions sont entachées d’irrégularités financières, le Végal informe que la loi n’autorise pas le Bureau du Vérificateur général à dénoncer des personnes, mais des faits.
En marge de cette conférence, le Vérificateur a aussi profité pour informer les hommes de média des contrôles en cours à la Primature. Selon Amadou Ousmane Touré, ces vérifications concernent la gestion de tous les Premiers ministres entre 2013 et 2017.
Youssouf Z Kéïta