Tout comme son ancien ami Ibrahim Ag Bahanga, Deyti Ag Sidimo, lui aussi reproche au président ATT de n’avoir pas honoré tous ses engagements. Il a donc décidé de prendre le maquis pour se faire entendre. La même stratégie que Ag Bahanga avait lui aussi expérimenté. Révélations sur les tumultueuses relations entre le pouvoir de Koulouba et les caïds du narco trafic.
Dans une interview que la presse avait publiée, Ag Bahanga étalait son amertume d’avoir été trahi par le président de la République Amadou Toumani Touré. Dans la même interview, il révélait qu’il avait été sollicité par le chef de l’Etat pour participer à la recherche des otages bulgares qui avaient été enlevés dans le Nord du Mali en 2008. Il a fait partie de la délégation qui a conduit les otages à Koulouba lors de leur remise officielle aux autorités de leurs pays d’origine.
Mais il n’a pas caché sa déception à la fin de cette mission. Et, il a décidé de prendre les armes contre le Mali un 23 Mai. Il était avec Deyti Ag Sidimo, le même Député de Tessalit.
Au plus fort de la crise, le Gouvernement avait tendu la perche à tous les combattants qui voulaient abandonner Ag Bahanga pour s’allier du côté des forces armées du Mali. A l’époque, Deyti, arabe bon teint, pro Algérien jusqu’à la moelle des os, était le tuteur de tous les groupes de bandits armés dans la bande sahélo-saharienne. Ceci était connu de tous. Or, les autorités maliennes savaient bien que sans Deyti, Ag Bahanga était fragilisé. Il fallait donc à tout prix l’avoir à ses côtés. Et pour cela, il fallait trouver les moyens de l’approcher, de le convaincre et de lui garantir une certaine protection. Son maître spirituel (un Haïdara dont nous taisons l’identité) est mis à contribution.
Les Arabes ont ceci de formidable : ils respectent tous leurs maîtres spirituels. Malgré son radicalisme, Deyti fléchit aux injonctions de son Maître. Il accepte d’être escorté par les services de sécurité jusqu’au Palais de Koulouba où l’attendait ATT.
L’entretien ne dura pas trop longtemps. Deyti fait une concession de taille. Il accepte de baisser son turban sur son menton et parle ouvertement à ses interlocuteurs, regard contre regard.
Mais il est un peu choqué. Personne ne le croit sur simple parole. On l’oblige à jurer sur le saint coran d’abandonner la lutte armée et de coopérer avec les services de l’Etat. Larmes aux yeux, Deyti se plie aux quatre volontés de ses interlocuteurs. Sur sa conscience, il porte un trop lourd fardeau ; celui d’avoir trahi son frère et compagnon d’armes Ibrahim Ag Bahanga et d’autres combattants qui pourtant, mangeaient à son râtelier.
Mieux, Deyti avait un autre problème. Il fallait pouvoir affronter le regard de ses autres frères. Comment pouvait-il se mettre à l’abri d’un règlement de compte ? Il était devenu le traitre à abattre. Pour sa sécurité, l’Etat lui offre un privilège spécial. Il a lui-même choisi des hommes en qui il fait confiance au sein de l’armée pour veiller sur sa quiétude à Faladiè. Il avait donc 12 hommes armés jusqu’aux dents.
L’homme était devenu tellement discret qu’on croirait qu’il a perdu l’usage de sa langue. Rares sont ceux qui savent qu’il s’exprime correctement en français. A l’Assemblée Nationale, il s’est offert les services d’un interprète moins doué que lui en français.
Les mystères de l’agent double
Les services secrets algériens pour le compte desquels Deyti continuent de travailler sont impressionnés par l’efficacité de cet agent au-dessus de tout soupçon. «Nous savons qu’il travaille avec nos amis de l’Algérie, mais cela ne nous dérange pas. Deyti a des origines algériennes, il est tout a fait normal qu’il sympathise avec ses frères», murmurait un officier européen lisant notre article paru dans l’édition du jeudi dernier sur le même homme.
Au Mali, personne (pour ceux qui le connaissent) ne se fait de doute sur son appartenance à la «piscine», mais, il paraît que même le chef de l’Etat sait qu’il est incontrôlable, donc imprévisible. «La meilleure façon de le gérer, c’est de ne pas le contraindre», estime un élu du Nord qui connaît bien l’homme.
Malgré ce cachet très spécial d’agent double (Mali-Algérie), Deyti Ag Sidimo a réussi à se faire enregistrer sur le registre des agents spéciaux des services secrets libyens. Aujourd’hui, il est l’interface entre le pouvoir de Tripoli et les mercenaires d’origine sub-saharienne.
Son stock d’armes et de minutions peut rivaliser l’arsenal de n’importe quelle armée de nos pays.
Sûr de ses moyens, de ses hommes et de son réseau, le très particulier Député de Tessalit Deyti Ag Sidimo ne veut reculer devant aucun péril.
Aux dernières nouvelles, nous avons appris qu’il a désormais pris ses quartiers à Tamanrasset sous la complice couverture de certains généraux algériens que nous ne tarderons pas à démasquer. A suivre…
Abdoulaye NIANGALY