Il est vrai que la première audience publique de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) qui s’est tenue toute la journée du 8 décembre 2019 à Bamako a été un franc succès. Cet exercice est une véritable thérapie collective de susciter une prise de conscience collective, de porter un regard introspectif sur nous-mêmes, à tirer définitivement les leçons du passé pour aller de l’avant. Et qui ne s’agit pas ici d’audience judiciaire. A la différence des tribunaux qui cherchent à établir la vérité sur la culpabilité ou non des auteurs présumés, ici seules les victimes ont été entendues, la CVJR leur offrant un lieu digne et sécurité où elles ont pu raconter les souffrances vécues.
Ce qu’il faut retenir de cette audience publique visant trois objectifs : rendre aux victimes leur dignité et faciliter un début de guérison , en reconnaissant publiquement ce qui leur est arrivé ; promouvoir la reconnaissance nationale des victimes et l’intégration de leurs récits à la mémoire et à l’histoire nationale ; utiliser l’information reçue comme un outil d’éducation et de sensibilisation de la population malienne dans son ensemble, afin de promouvoir le dialogue sur le passé , le pardon , la non répétition du conflit et la réconciliation nationale.
Treize (13) victimes des différentes crises que le Mali a connu depuis son indépendance, particulièrement celles qui sont venues témoigner aux yeux des maliens sur la privation graves de leurs libertés. Qui nous ont amené de reconnaitre leurs souffrances et affirmer notre pleine de solidarité avec toutes ces victimes, celles qui sont venues se confier en ce jour comme celles qui ont pris le temps de faire leur déposition dans les antennes régionales de la CVJR. Tous ces témoignages entendus étaient très émouvants des uns que des autres sur leurs arrestations arbitrairement, séquestrations et tortures. Ils ont dépeignés de sombres tableaux, d’époques différentes. Leurs histoires venaient des années 1963, 1980, mais aussi de 2012 et 2019 à des lieux différents comme Kidal, Mopti, Ségou, Tombouctou, Ansongo et Ouélessebougou.
Ce qui a amené le Président de la CVJR M Sidibé de dire « Les témoignages que nous avons écoutés aujourd’hui méritaient d’être entendus. Ces cris du cœur doivent avoir toute l’attention et la pleine solidarité du pays tout entier dans toutes ses composantes. Les privations de liberté entendues aujourd’hui nous enseignent que le respect du droit est essentiel non seulement pour l’épanouissement personnel de chacun, mais aussi pour l’harmonie sociale au sein de notre nation. Le respect de la loi, des droits des citoyens, le respect des valeurs démocratiques, tout cela est essentiel pour réconcilier les maliens entre eux, de même qu’entre les citoyens et l’État. Tous les acteurs sur le terrain, les mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, les forces armées et de sécurité, et tous les groupes armés sur le terrain, chacun doit faire preuve de la plus grande vigilance pour prévenir les atteintes au droit à la liberté. La CVJR encourage tous les acteurs à se solidariser avec les victimes de violations graves des droits de l’Homme qui méritent toute leur attention pour garantir leur droit à la justice. La CVJR invite l’ensemble de nos concitoyens à œuvrer ensemble autour des victimes, pour les soutenir et les accompagner afin de faciliter leur réhabilitation. »
Et pourtant dans son article 6 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement. » Et aussi l’article 10 de la Constitution du Mali par rapport à l’arrestation ou la détention est dite ‘’ arbitraire’’ « lorsque les autorités étatiques compétentes procèdent à une arrestation ou détiennent un individu sans respecter la procédure et les conditions, tout individu doit passer devant un juge ou être relâché. Un magistrat devra produire un document pour que la personne privée de liberté puisse être transférée dans une prison »
Aujourd’hui à en croire aux 13 victimes au nom de la réconciliation nationale et toute humilité, ils ont tous pardonné à leurs auteurs qui les ont fait subir ces préjudices. A ce qu’il faut retenir à eux, ils ont établi la vérité à savoir ce qui s’est passé, comment et qui en sont responsables pour une mémoire collective de l’histoire de notre pays.
De sa part l’Etat malien à l’obligation de regard d’une personne privée de liberté car tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à la réparation. L’obligation d’établir un cadre juridique dans lequel une réparation peut être accordée aux victimes. Mettre en place un mécanisme de réparations des vies brisées. Enfin la transformation de la forme et le fonctionnement de l’Etat, afin que les graves violations des droits de l’homme soient bien l’œuvre du passé et que le nouvel état garantisse effectivement aux citoyens la non répétition des violations des droits de l’homme.
Même si notre histoire nationale a connu des épisodes douloureux que personne ne doit nier, il faut aussi admettre que le pardon demeure encore une valeur cardinale de notre société, un socle sur lequel, nous devons bâtir la réconciliation nationale que tous les maliens appellent de leurs vœux. Il y’a certes eu des blessures qui ont entamé notre cohésion nationale, mais nous devons reconstruire notre vivre ensemble sur la base de la vérité, qui ne doit effrayer personne.
Bokoum Abdoul Momini/Maliweb.net