Attaques terroristes dans la bande sahélo-saharienne: Le tourisme s’enrhume, AQMI étouffe

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Pas de touristes, pas d’otages ; et sans otages, AQMI n’est rien. Le marasme dans lequel le tourisme est tombé ces derniers temps au sein des pays de la bande sahélo-saharienne suite aux menaces terroristes,  fait plonger terriblement AQMI dans une grande galère et affaiblit ses moyens de subsistance. Le tourisme s’enrhume, AQMI étouffe.

L’industrie du tourisme a systématiquement ressenti les fâcheuses conséquences de l’insécurité liée au terrorisme dans la bande sahélo-saharienne. «AQMI nous a littéralement anéanti. Toutes nos activités sont interrompues dans les zones touristiques du Nord-Mali, de la Mauritanie, du Niger… Nous ne savons plus quoi faire. Les pertes sont inestimables pour les tours opérateurs», nous confie ce jeune Malien sirotant un jus dans une des multiples auberges qui pullulent dans la capitale malienne.

Modibo Touré est employé dans une Agence de voyage où il est guide et chauffeur. Il ne travaille pas il y a plus d’un an, faute de clients et il craint que son Agence ne mette la clé sous les paillassons. Albert, le tenancier d’une Auberge, s’ennuit, fume calmement cigarettes et «joints» (l’herbe qui tue) devant une bouteille de bière à moitié vide, sans se préoccuper de notre présence. D’ailleurs, nous ne l’intéressons pas. Ses clients, n’ont pas peau noire et se sont faits rares. Ici, comme presque partout dans les Auberges, l’atmosphère est sinistre.

Les employés, désœuvrés, passent la journée à consulter les programmes PMU Mali, discutent chaudement entre eux, se passent des mégots de cigarettes et sursautent à chaque fois qu’un Blanc pointe le nez, pour se rasseoir, lorsqu’ils se rendent compte qu’il  ne s’agit pas d’un client, mais peut-être de quelqu’un  qui est passé par là pour prendre des nouvelles d’un vieil ami. «Anw ka toubabouw tounou na anw la» (nos toubabs ont disparu), murmure Seydou «Cholén», tenant fébrilement une carte de visite d’une de ses clientes européennes qu’il présente comme une cliente généreuse et ne retient plus ses amertumes. Leurs dernières conversations téléphoniques remontent à Mai 2009. «Les terroristes nous ont fermé les portes du Sahel. C’est dommage !», aurait-elle lancé avant de raccrocher (peut être, à jamais). 

Ici, personne ne se souvient de la date où l’Auberge a raccompagné son dernier client. En fait, cette situation est générale dans la capitale malienne. Albert ne paye plus ni employé, ni frais d’électricité ou d’eau. Son frigo, nostalgique et désespéré, attend pitoyablement dans un coin au salon et dégage de son «ventre vide» une odeur acre, mais qui ne  dérange personne.

Au Ministère malien du tourisme, «la galère» pèse lourd et personne ne veut en parler pour éviter de gêner le Ministre toujours prompt à vendre la destination Mali et à exposer son bilan ronflant. Mais à la vérité, l’insécurité a mis en veilleuse plusieurs projets. Le tourisme est à l’agonie au Mali. On n’a pas besoin d’être expert pour s’en rendre compte. Les évènements culturels organisés dans le Nord ne sont que de vulgaires mascarades dont les seuls bénéfices reviennent aux cupides organisateurs. En réalité les vrais acteurs du tourisme n’y voient que poussière. «Nous venons en tant que touristes, mais nous ne sommes pas obligés  d’aller sur un site et interdits sur d’autres. Le tourisme est une aventure dont il faut jouir sans modération», se lamente Jacqueline, touriste française.  «Les festivals qui se sont tenus dans le désert malien ne nous profite pas. Vous êtes là rien que pour le folklore avec la consigne ferme de ne pas s’aventurer en dehors de la ville. Or, le tourisme, c’est de l’aventure. On ne gagne rien à regarder chaque fois partout pour éviter de tomber entre les mains des ravisseurs aux aguets». Ce témoignage de Peter que sa compagne approuve, en dit long sur la frilosité qui anime les touristes.

Le Mali n’est malheureusement pas le seul pays où les destinations touristiques sont sous menaces terroristes. Depuis mai 2011, par mesure de sécurité, les autorités françaises ont interdit à leurs ressortissants cette zone de la bande sahélo-saharienne où l’étranger, Blanc surtout, est une cible privilégiée. De leur côté, depuis 2010 déjà, les autorités militaires algériennes avaient interdit les randonnées au Sud de Tamanrasset, capitale du Hoggar aux frontières du Sahel, première destination algérienne pour les étrangers.

Le tourisme est donc touché de plein fouet, comme au Maroc, où l’on se bat pour ne pas l’enterrer trop vite, à l’image de cette récente action de solidarité des opérateurs du tourisme venus en masse sur les lieux de l’attentat qui avait frappé Marrakech, une semaine après. «Marrakech demeure la capitale du secteur au Maroc», déclarait, on se souvient M. Setti, Consultant en tourisme à Casablanca.

Fort heureusement, il n y a pas que les acteurs du tourisme qui souffrent de cette situation. AQMI en bave silencieusement. En effet, pour des raisons diamétralement opposées, les opérateurs du tourisme et les terroristes d’AQMI veulent tous préserver le tourisme. Si les jeunes djihadistes détestent ces étrangers en short et ces femmes aux comportements parfois étranges qui s’attablent sur les terrasses de bars restaurants dans nos capitales, AQMI au contraire aime les touristes et ne fera probablement rien pour les empêcher d’arriver au Sahel.

Les quatre Français capturés en septembre 2010 à Arlit au Niger, valent en théorie au groupe terroriste 90 millions d’euros, bien que la France, par la voix de son Ministre des Affaires Etrangères, Alain Juppé, refuse pour l’instant de payer ce qu’elle considère comme une somme démesurée. Ce qui indiquerait en toute vraisemblance que la négociation est en cours. A AQMI de revoir à la baisse ses prétentions.
Le groupe sahélien conduit par Abou Zeid a l’air de savoir ce qu’il fait. Deux jours avant l’attentat de Marrakech, il diffusait une vidéo montrant les otages français entre ses mains pour prouver ses «bonnes intentions». Pas question de mettre des bombes dans des endroits touristiques ou de tuer des touristes. Ils sont trop précieux pour les gâcher sous des éclats de bombe.

Mais pour l’instant, la crise du tourisme fait planer de lourdes menaces sur tout un secteur prioritaire du développement des pays comme le Maroc, la Tunisie et le Mali. AQMI peut bien pâlir.

Abdoulaye NIANGALY

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