Assises : Et la montagne accoucha d’une souris

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    C’était l’une des affaires les plus attendues au cours de la présente session. Le verdict a laissé plus d’un sur sa faim.

    L’une des affaires les plus attendues au cours de la présente session de la cour d’assises de Bamako est sans nul doute celle qui oppose le ministère public à Aquilino Sousa Meranda, Miguel Angel Devesa Mera et Gustavo Valencia Spolveda tous trois accusés de meurtre, de complicité de meurtre et de détention illégale d’arme feu. Les trois sont de nationalité portugaise espagnole et vénézuélienne. Le Portugais, l’Espagnol et le Vénézuélien sont fixés à partir d’hier soir sur leur sort. Le premier a écopé de cinq ans de prison ferme, le deuxième de cinq ans de prison avec sursis alors que le troisième est sorti de la cour libre. Revenons sur les faits. Nous étions le dimanche 2 aout 2010. Miguel Angel Devesa Mera, un opérateur immobilier dans notre pays était dans son bureau à l’ACI 2000. Il invitera son garde de corps Aquilino Sousa Miranda de le rejoindre. Ce dernier en quittant son domicile a invité Gustavo Valencia Spolveda qui venait d’arriver au Mali de l’accompagner histoire de lui montrer certains endroits de la capitale intéressants à connaître. Les deux hommes arriveront quelques minutes plus dans les bureaux de Miguel Angel Devesa Mera où ils ont pris place dans l’attente de la commission que ce dernier aurait à confier à son garde de corps.

    SUR LES SIèGES ARRIERE. Pendant qu’ils étaient assis, Thomas Krusk de nationalité uruguayenne arriva. Il alla droit s’entretenir avec l’opérateur immobilier dans le bureau de ce dernier pendant quelques minutes. Après cette discussion dont on apprendra hier au cours de l’audience qu’elle fut houleuse, les quatre hommes montèrent dans la voiture de l’Uruguayen pour se rendre dans les entrepôts de la société de l’Espagnol, située à la zone industrielle. C’est Thomas Krusk qui conduisait le véhicule. Il avait à sa droite Miguel et les deux autres, le garde de corps et Gustavo se trouvaient sur les sièges arrière. En cours de route pour les entrepôts, la discussion prit un cran de plus et Thomas Krusk ne cessait de proférer des injures à l’encontre de son compagnon à qui il avait demandé de l’argent pour « un problème personnel ». (Il est ressorti de l’instruction à la barre que l’Uruguayen a investi 40 millions de Fcfa dans la société de l’Espagnol qui devait lui donner une maison clé à main dans les environs de Kati). Le groupe arriva à l’entrepôt sans parvenir à s’entendre. Le ton ne cessait de monter et Thomas Krusk se faisait de plus en plus amer envers son associé. Une fois le véhicule de type 4X4 stationné dans la cour, l’Uruguayen sortit de sous sa veste un pistolet automatique et lança « fils de pute. Tu penses que tu peux me tromper. » Miguel voyant le canon de l’arme pointé vers se blottit derrière la cabine de la voiture, alors que Thomas Krusk qui venait d’engager une balle contournait la cabine pour arriver au niveau de son adversaire blotti à terre pour éviter un plomb qui lui traverserait sûrement la cervelle. Aquilino Sousa Meranda dégaina alors son arme et pour sauver son patron envoya deux tirs dans la direction de la main de Thomas, cette même main qui détenait l’arme tendue vers Miguel Angel Devesa Mera. L’homme fut touché à la poitrine et mourut sur le coup. Miguel put enfin se relever et alla vers son garde de corps à qui il posa la question : « qu’est-ce que tu viens de faire ? » Et ce dernier de répliquer « je fais ce que je dois faire, te sauver la vie ». Puis, sur instruction de Aquilino, il prit le véhicule pour sortir en cognant le portail et un camion stationné devant la cour. Après trois mètres de course sans savoir où il partait, l’Espagnol qui a des problèmes de cœur sentit des vertiges et commença à vomir dans le véhicule. Il s’arrêta, descendit, prit quelques instants pour récupérer puis marcha pour retourner au lieu du meurtre. Il sera arrêté par les policiers du 3e arrondissement arrivés sur les lieux pendant que Aquilino, à l’aide d’une tronçonneuse, avait découpé le corps de sa victime et s’apprêtait à le dissimuler. Pendant ce temps, Gustavo était parti se cacher derrière un tas de pneus et ne sortira qu’à l’arrivée de la police informée par un tiers.

    BRUSQUE FOLIE. A la barre hier, le principal accusé a reconnu les faits et dit avoir agi non pas dans l’intention de mettre fin aux jours de sa victime mais pour la désarmer. « J’ai tiré deux coups dans la direction de sa main qui tenait l’arme », a expliqué cet homme qui a dit avoir passé trois ans dans l’armée de son pays avant de bénéficier d’un programme de reconversion pour devenir un technicien de bâtiment. C’est dans ce cadre d’ailleurs qu’il a été connu par Miguel Angel Devesa Mera. Contrairement à lui, Miguel n’a pas reconnu les faits. Il a expliqué la dispute qui a abouti à la mort est partie d’un problème d’argent qui les liait tous deux. « Je ne savais pas ce qui lui avait pris ce jour pour perdre patience. Il me disait seulement qu’il avait un problème personnel. Je beau faire de lui expliquer pourquoi sa maison n’a pas été livrée à temps il n’a pas voulu comprendre. Je l’ai donc amené à notre entrepôt pour lui montrer et le convaincre que l’argent est parti dans des dépenses nécessaires pour la bonne marche de la société. D’ailleurs en partant de mon bureau, il disait qu’il voulait voir le camion grue, le car que j’ai acheté avec l’aide de son argent. Mais sur les lieux M. Thomas a été pris par une brusque folie et a tenté de me descendre ». Gustavo qui comprenait à peine bonjour en français et qui a bénéficié d’un interprète expliquera qu’il était totalement étranger à cette sordide affaire. « J’ai été invité par Aquilino pour visiter la ville. Je ne savais pas de quoi il s’agissait et lorsque nous sommes arrivés à quatre à l’entrepôt et j’ai vu les armes sortir, je suis parti me planquer derrière les pneus pour ne pas recevoir une balle ». Malgré tout le professionnalisme de Moussa Sara Diallo qui présidait l’audience d’hier, l’homme a campé sur sa position. Et c’est à juste raison que lorsque le ministère public dont le banc était occupé l’avocat général Alfissény Diop a pris la parole pour son réquisitoire, il a demandé la relaxe de Gustavo qui a, selon lui, assisté à une scène macabre sans le vouloir. Alors que pour les deux autres, à savoir Miguel et Aquilino, le parquet a requis leur maintien dans les liens de l’accusation en émettant toutefois des doutes sur la complicité active de l’Espagnol. La fourchette d’avocats comprenant Mes Nadia Myriam Biouélé Camara, Alliman Babadjié Abdoulaye, Moussa Maïga, Abdoulaye Guimba Ouane et Moustapha Cissé a alors eu la tache facile pour deux raisons : le parquet a laissé entendre que l’existence des doutes sur la complicité de Miguel dans le meurtre de Thomas Krusk. Il a également demandé la relaxe de Gustavo. Ensuite l’autre facilité et non des moindres pour la défense était l’inexistence de partie civile dans le procès. Cependant les avocats ont tenté pratiquement de faire libérer leurs clients en évoquant l’existence d’une légitime défense pour en faveur de Aquilino. « La légitime défense s’applique aussi à une personne autre que soi lorsque celle est menacée », dira l’un deux. Les sages de la cour d’assises ont selon leur intime conviction estimé que Gustavo n’était pas dans le coup et l’ont libéré. Ils ont également reconnu des circonstances atténuantes pour les deux autres et sont partis plus loin jusqu’à faire application de l’article 19 du code pénal malien pour Miguel pour lui faire bénéficier d’un sursis. Aquilino a, quant à lui, écopé de 5 ans de prison ferme. Il a déjà purgé une année en détention préventive. Il restera encore 4 ans en prison.

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