Après l’attentat commis à l’hôtel Radisson : Ce qui a changé en matière de sécurité

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Mali: une seconde revendication de l’attaque de l'hôtel Radisson
L'hôtel Radisson à Bamako REUTERS/Joe Penney

L’attentat du RADISSON a marqué les esprits et il nous est venu l’idée de vérifier si la sécurité a été améliorée à Bamako. En ce qui concerne les grands établissements hôteliers, il y a lieu de rappeler que certains d’entre eux sont, depuis 2013, occupés par les forces armées françaises et la force onusienne. Il s’agit notamment de l’Hôtel de l’Amitié, sis à Bozola; du Kimpeski, situé au Quartier du Fleuve et de l’hôtel Nord-Sud, situé au coeur de l’ACI 2000. Dans ces hôtels déjà bien sécurisés, l’attaque du RADISSON est juste venu changer certaines habitudes. En effet, depuis l’attaque du Radisson, les agents de SECURICOM (société privée de gardiennage) déployés en guise de première ligne de surveillance, ne se contentent plus, comme auparavant, d’appliquer le détecteur de métaux aux véhicules des visiteurs:  ils procèdent à une fouille plus minutieuse. Au lieu d’un simple bâton, ils sont maintenant équipés de gilets pare- balles et de casques. Outre les agents de SECURICOM, les soldats en faction devant ces hôtels ont vu leurs moyens de riposte renforcés.

Devant les hôtels non occupés par les forces onusiennes ou françaises, comme le Grand Hôtel de Bamako, les agents de la société SECURICOM sont, depuis l’attaque du RADISSON, épaulés par l’armée malienne. En arrivant devant le Grand Hôtel, vous serez frappés par le nombre impressionnant de militaires armés et positionnés dans chaque coin. Il nous a été donné de constater la présence discrète de plusieurs soldats dans une  salle de l’hôtel. Il est vrai qu’au Grand Hôtel ont emménagé, juste la veille de lattaque du RADISSON, tous les chefs rebelles de la CMA… A l’hôtel Salam où, depuis plusieurs mois,  des policiers montent la garde, la sécurité a été renforcée après le 20 novembre 2015 par des bérets rouges, les fameux commandos parachutistes de Djikoroni.

Les autres hôtels – Colonnes, Mandé, Colombus, Plazza ou Olympe – sont livrés à eux-mêmes. Ils ne bénéficient d’aucune protection policière ou militaire et doivent se contenter de louer les services des sociétés privées de gardiennage. Devant ces hôtels, on ne voit aucun changement. D’où cette interrogation: suivant quel critère l’Etat affecte-t-il des forces de l’ordre à un hôtel ? Selon nos informations, l’affectation des forces dépend de l’expression du besoin, du caractère stratégie de l’établissement à protéger,  mais aussi et surtout de la contribution de l’établissement à la prise en charge des forces de sécurité à déployer. Car lesdites forces sont considérées comme en mission et, à ce titre, ont droit à des perdiems. On parle de 2000 FCFA par jour et par policier. Sans compter les frais de nourriture, de cigarettes et de thé. Beaucoup d’établissements hôteliers, incapables de supporter ces coûts, préfèrent s’adresser aux agents de garde privés, comptant sur l’effet dissuasif de leur présence.

Représentations diplomatiques

La représentation diplomatique des Etats Unis, sise dans l’ACI 2000, est, depuis sa construction, une vraie forteresse couverte de caméras. Quant à celle de la France, située près du Pont des Martyrs, elle est cerclée d’une montagne de sacs de sable censés amortir d’éventuels tirs. La ruelle qui sépare sa façade orientale de l’Hôtel de l’Amitié a été fermée à la circulation après l’attaque du RADISSON. Auparavant, la ruelle était à sens unique. Le Centre Culturel français, situé à la Place de l’Indépendance, a vu sa façade renforcée de béton avec, devant, un groupe de gardes nationaux maliens. La résidence de l’ambassadeur de France, à Darsalam, est devenue inaccessible depuis le 20 novembre: la rue qui passe devant elle a été fermée à la circulation; des soldats français lourdement armés se relaient au portail de l’édifice, épaulés par des soldats maliens positionnés dans la rue.

Le secteur des ambassades à l’Hippodrome, en commune 2 de Bamako, qui abrite notamment les représentations des Pays-Bas et de la Belgique, a été littéralement coupé du monde: les rues d’accès ayant été fermées à la circulation des véhicules depuis l’attentat du 20 novembre, il faut désormais parcourir à pied une longue distance avant de se présenter à l’entrée où l’on montre patte blanche.

Les écoles abandonnées à leur sort

Depuis 2013, date de lancement de l’opération Serval au Mali, l’école française “Liberté A”, sise à Médina Coura et fréquentée en général par les enfants de ressortissants français et étrangers, est intouchable. L’attentat du RADISSON n’a fait que renforcer la vigilance en ces lieux.

En revanche, au niveau des établissements du groupe turc “Collège Horizon”, fréquentés par des enfants de riches, nous n’avons noté aucune disposition sécuritaire particulière. Même constat au lycée “Castors”. Ne parlons pas des établissements scolaires et universitaires étatiques qui constituent de véritables moulins: on y entre et on en ressort comme au marché. Que font donc les parents d’élèves pour exiger la sécurisation des élèves, surtout quand on sait que les terroristes n’ont pas hésité, courant 2015, à s’attaquer à l’Université Garissa au Kenya, tuant 134 jeunes gens?  Si l’Etat a pu déployer des forces au bénéfice des hôtels, faut-il qu’on le supplie pour protéger les enfants ? Ou bien attend-il, comme d’habitude, qu’il se produise un attentat pour réagir?

Services publics

Le gouvernement songe à de plus en plus à sa propre sécurité. La Cité Administrative, où siègent la plupart des ministères, a vu son dispositif sécuritaire amélioré au point que des embouteillages incessants se forment juste après l’entrée; là, les militaires de garde passent systématiquement  tous les véhicules entrants au détecteur d’explosifs et fouillent  les coffres.

Les commissariats de police et les postes de gendarmerie de la capitale ont revu leur dispositif sécuritaire consolidé depuis l’attaque du poste de gendarmerie de Baguineda, à 15 km de Bamako. Devant tous les commissariats, des policiers armés de kalachnikovs sont désormais en faction. Les autres structures de l’Etat ne sont pas cependant logées à la même enseigne. Si quelques-unes – Conseil économique et social, Haut Conseil des Collectivités, Assemblée Nationale – bénéficient de la protection des forces de l’ordre, la plupart des directions nationales sont obligées de se contenter de gardiens privés. Cela n’est pas du meilleur effet pour le prestige étatique ni ne contribue à dissuader d’éventuels assaillants car chacun sait que les agents de sécurité privés ne sont pas armés. Pourquoi ne réduirait-on pas les effectifs de la police au niveau de la circulation routière, où ils ne servent à rien, pour  redéployer ces éléments aux lieux où le vrai devoir les appelle?

Abdoulaye Guindo

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