Dans notre parution du jeudi 27 janvier dernier, nous faisions cas de la récente décoration de Alou Badara Coulibaly au grade de Chevalier de l’Ordre National du Mali. Cette distinction honorifique est la reconnaissance de la nation à l’un de ses valeureux fils. Le mérite de Ben se trouve dans son abnégation dans les affaires. Comme le prouve, ici, ce portrait écrit et soutenu par un jeune journaliste malien devant des universitaires sénégalais et béninois au CESTI de Dakar, en novembre 1999.
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rn‘’Ben est un modèle achevé de manager qui a su s’imposer dans le secteur si difficile des hydrocarbures. Il connaît la performance. Il la côtoie quotidiennement par ses différentes initiatives dans un secteur si sensible dominé (presque partout) par les Majors ». C’est par ces mots que le très sélect magazine des performances économiques, édité à Dakar, «Managers Africains», décrit, début 1997, le P.D.G. de la BEN & CO lorsque ce dernier reçoit, à Paris, le prestigieux trophée décerné par le Conseil international des managers africains (CIMA) : ‘’l’Oscar des oscars ‘’. C’était en juillet 1997. Alou Badara Coulibaly faisait partie de la vingtaine de chefs d’entreprises du continent invités au XIIè Gala des Managers africains. Un an plus tôt, il avait reçu, au même lieu et du même CIMA, ‘’l’Oscar du développement’’. Le 17 décembre 1999, M. Coulibaly reçoit encore le trophée et le diplôme de l’«Oscar des Oscars de la décennie 1990-2000 ».
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rnCelui que le magazine dakarois qualifie de ‘’gagnant’’ est véritablement un battant. Il vient de très loin, ce fils d’un modeste commerçant de San et d’une Tombouctoucienne d’origine arabe. d’où, le surnom ‘’Ben ‘’ : dérivé de ‘’ibn’’, fils de dans la langue de Mahomet (PSL !). Un surnom que lui ont collé ses camarades de lycée. En 1955, date de sa naissance, San était une bourgade poussiéreuse, sans eau potable ni électricité. Le patio paternel se perdait parmi tant d’autres cases rondes qui peuplaient le décor. Un décor qui, évidemment, appartient désormais à l’histoire. «Ben» y est pour grand-chose. Les populations sanoises ne se lassent pas de le bénir.
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rnOn ne peut pas dire que leurs bénédictions sont étrangères à la baraka de ce rouquin dont la chevelure est largement dominée par le noir. L’enfant de San occupe, depuis bientôt six ans, le rang de premier opérateur pétrolier au Mali. Cela, personne ne le conteste. Les données statistiques le prouvent. Durant le premier semestre de 1999, la BEN & CO a importé 37 231 tonnes métriques (TM) soit 15,95 % des importations totales de produits pétroliers de la période. Elle devance les multinationales ELF (12,97%), Total (9,75%), Shell (7,87%) et Mobil (7,22%). Mieux : avec 18,39% des chargements, la BEN & CO caracole en tête des importateurs de l’axe Abidjan – Bamako qui fournit près de 90 % de la consommation pétrolière du Mali.
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rnPremier importateur pétrolier
rnCes chiffres de la mi-1999 confirment ceux de 1998. Cette année-là, la société d’Alou Badara Coulibaly a assuré 16,29% des importations totales d’hydrocarbures devant toujours les quatre multinationales et les dix-neuf privés nationaux. Sur le même axe d’Abidjan, elle a importé 18,78 % des produits. Pas donc surprenant que le premier importateur du pétrole au Mali soit aussi, dans le secteur, le premier pourvoyeur des caisses de l’Etat. Il y verse, en moyenne mensuelle, près d’un milliard de F CFA au titre de droits fiscaux et autres taxes.
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rnPour les observateurs du secteur pétrolier malien, « Ben » est un magnat. A l’instar d’un Séfou Fagbouhoun au Bénin ou d’un Kadio Morokro en Côte-d’Ivoire. Mais plus que celles de ces derniers, sa réputation a dépassé les frontières du continent. Pour le très célèbre hebdomadaire panafricain ‘’Jeune Afrique’’, cela ne fait l’ombre d’aucun doute, Ben est le ‘’roi du pétrole à Bamako’’ (1) ; De son côté, ‘’Managers Africains’’ ne cesse de lui passer la brosse à reluire : « (…) Seuls les managers solides dans tous les sens du terme peuvent supporter la concurrence. Alou l’a compris de sitôt et s’est investi dans ce créneau, tenant tête à de puissants concurrents pour enfin s’imposer sur un marché en pleine expansion. De la vente des hydrocarbures au transport de ces mêmes produits (…), ce manager des temps modernes sait bousculer les tabous pour se hisser au premier rang. Homme de mesure quoique passionné par toutes ses actions, Ben (…) est constamment sur la brèche » (2).
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rnCes propos, au ton dithyrambique, résument pour autant le parcours de la BEN & CO. On ne lui donnait pas, lorsqu’elle a été portée sur les fonts baptismaux en 1988, une espérance de vie de deux ans. Douze années après, elle est le premier groupe pétrolier du pays. De moins de dix petits millions de FCFA à sa création, son chiffre d’affaires dépasse actuellement les vingt milliards. A la faveur de la libéralisation des prix en 1992, la BEN & CO est parvenue, une première au Mali, à faire baisser les prix du carburant à la pompe. Elle s’est aussi distinguée en prêchant une nouvelle approche de partenariat avec certaines unités industrielles naguère confrontées à de fréquentes pénuries de carburant. On peut en citer : CMDT (coton), COMATEX (textiles), HUICOMA (huile), SOMISY et Randgold (mines d’or), SATOM (Travaux publics), EDM (eau et électricité), COMANAV (navigation fluviale), Kala Supérieur (sucreries), OHVN et Office du Niger (développement rural). La société est également le principal fournisseur de plusieurs services de l’administration d’Etat ainsi que les forces armées et de sécurité.
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rnApôtre du libéralisme à la malienne
rnLa BEN & CO doit ses performances à la gestion d’un personnel de plus de 200 salariés, dont 15 cadres supérieurs. Parmi ces derniers, le P.D.G. lui-même, Alou Badara Coulibaly, ingénieur en pétrochimie, diplômé de l’Université Mendeleïev de Moscou (1976-1983). Le fait qu’il ait passé ses études supérieures en ex-URSS, au temps de la Guerre Froide, étonne plus d’un parce qu’ils considèrent «Ben» comme un apôtre du libéralisme à la Malienne. Surtout dans le secteur des hydrocarbures.
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rn«Alou Badara Coulibaly était très fort en maths, physiques et chimie, se rappelle un de ses condisciples du lycée de Ségou. Il y décroche en 1976 son baccalauréat, série Sciences exactes. Son parchemin en poche au term
e de sept années d’études à Moscou, le futur P.D.G. de la BEN & CO roule sa bosse au Japon, aux Etats-Unis, en France, au Canada, dans les deux Allemagnes (d’alors), en Belgique et en Italie. C’est la quête d’opportunités d’affaires et d’investissements avant de s’installer dans son pays. Mais, en 1984, le sort s’acharne sur lui.
rnSur l’un des chemins cahoteux bamakois qui menait à l’époque au quartier populeux de Hamdallaye, « BEN » au volant de sa Mercedes, raccompagnait des parents avec lesquels il avait organisé les funérailles de son père. Déjà étreint par l’émotion, exténué par des nuits blanches et soucieuses de ne pas rater son vol matinal pour la Suisse, Alou Badara Coulibaly appuie sur l’accélérateur. Au même moment, le sommeil le domine. Brusquement, la voiture déroute et cogne un poteau électrique en béton. L’homme est gravement atteint au col du fémur droit. Il est cloué au lit d’hôpital à Bamako puis à Abidjan à la Polyclinique internationale Sainte Anne-Marie (PISAM).
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rnImmobilisé des mois durant, certains de ses compagnons lui tournent le dos. d’autres amis croisent les doigts croyant que ses jours sont comptés. Le destin en choisit autrement. «Ben» va se relever. Doucement et péniblement, à la grande surprise des uns et des autres. En se souvenant de certaines scènes liées à son accident, sa voix se casse et devient très grave. L’enfant de San traîne aujourd’hui encore certains stigmates de cet accident. Il boitille en s’appuyant sur une canne d’ébène d’un noir de jais. Lors de simples causeries, il lui arrive de s’énerver. C’est que pendant son immobilisation, les effets secondaires de certains anesthésiants le rendaient coléreux. Mais, il sait vite se maîtriser comme il est parvenu à dominer sa maladie pour mieux bâtir son avenir.
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rnPatient et courageux
rnIl consacre alors sa convalescence à l’étude approfondie du marché ouest -africain des hydrocarbures. Patient et courageux comme l’araignée, il acquiert une connaissance assez étendue des sous – région avant de se lancer dans les affaires. Et naquit, en 1988, la BEN & CO qui se veut une centrale de commerce extérieur sur les produits chimiques dont les hydrocarbures. Alou y associe des jeunes diplômés des universités occidentales et des grandes écoles du Mali. A la recherche de partenaires et de nouvelles opportunités, le PDG de la BEN & CO boucle rarement deux semaines d’affilée à Bamako. Il est entre quatre avions en direction de Johannesburg, Paris, Washington, Dakar et Abidjan. En Afrique du Sud et aux Etats Unis, dit un cadre de son entreprise, il n’est point dépaysé. Polyglotte, il s’exprime aussi bien dans la langue de Shakespeare que dans celle de Pouchkine et de Goethe. Cette faculté de parler plusieurs langues lui facilite les contacts. Et lui permet de convaincre ses partenaires. Ces derniers lui font confiance. Comme nombre de ses compatriotes qui considèrent son parcours comme une ‘’success story’’.
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rn A l’entendre ainsi parler, on comprend ceux qui lui reprochent ‘’suffisance’’. Faux ! Rétorque son entourage. Là, on objecte que « Ben » est seulement trop rigoureux dans le travail, prudent dans l’action et très ouvert dans la réflexion. ‘’II ne badine pas avec la discipline et l’ordre au sein de son entreprise’’, selon un de ses amis d’enfance, officier militaire de son état. A en croire un jeune fiscaliste qui le côtoie régulièrement, «Ben» sait écouter tout le monde, mais ne laisse à personne le soin de décider à sa place. Le fiscaliste ajoute : ‘’II ne supporte pas l’amateurisme et s’impatiente quand un collaborateur arrive dans son bureau sans avoir cerné les contours d’un problème’’. Un autre ami d’enfance, Me Boubacar Karamoko Coulibaly, (actuel ambassadeur du Mali en Algérie) témoigne : ‘’Alou a cultivé l’esprit d’entrepreneur depuis le bas âge’’. Le diplomate se rappelle qu’au lycée, « Ben » s’activait beaucoup dans le petit commerce à l’internat.
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rnRigueur professionnelle
rnDans cette époque, aux dires du ministre Coulibaly, Alou a toujours été un insomniaque. C’est quand tout le monde dort qu’il mène ses réflexions ‘’. Et, dans la rigueur professionnelle, ses affaires prospèrent. Outre les parties de cartes… « Ben » est aussi un mordu du football. Il n’est pas qu’un simple supporter. Il parraine des meetings d’athlétisme et se montre généreux envers bien d’autres associations sportives. En Avril 1999, il a offert dix millions de F CFA à l’équipe nationale juniors qui s’est classée troisième au championnat mondial de football de sa catégorie au Nigeria. De même, chaque année, pendant les vacances scolaires, il met en jeu une coupe de football entre les quartiers de Bamako.Alou Badara Coulibaly ne se fait pas prier pour appuyer les associations caritatives ainsi que des groupes artistiques et culturels. Sur ce plan aussi, il n’oublie pas sa ville natale. L’équipe de football de cette localité porte le nom ‘’A.S Ben & CO’’. Son attachement à San l’oblige à ne point rater les cérémonies annuelles rituelles de Sanké mô ’’ (pêche collective de mare sacrée), ‘’San tôro ‘’ (arbre sacré) et ‘’karantéla’’ (bois sacré).
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rnNombreuses distinctions
rnRespectueux de la tradition, le P.D.G de la BEN & CO est aussi un chef d’entreprise tourné vers la modernité. « Alou Badara Coulibaly et ses associés ont inauguré (au Mali) l’ère d’une nouvelle race d’opérateurs économiques qui ont choisi de rompre avec la gestion artisanale au profit d’une structure moderne et d’un management fait de rigueur, de pragmatisme et d’innovation permanente », peut-on lire dans L’Indépendant du 12 février 1998. Ce n’est pas surprenant qu’il soit lauréat de plusieurs distinctions internationales dont le Trophée du Réseau international du Martin international (1995) ; Quelle est la clef de sa réussite ? Un sourire au coin des lèvres, Alou Badara Coulibaly, le regard tourné vers le ciel, lance : « la volonté de réussir peut aboutir à des résultats dépassant souvent l’entendement ».
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rnIssa Doumbia
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