AGETIER : Des licenciements sélectifs à la pelle

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L’Agence pour la gestion des travaux d’infrastructures et d’équipements ruraux (Agetier) a récemment licencié 13 agents pour motif économique. Paradoxalement, cette mesure ne frappe que les plus anciens. De nouvelles recrues et proches du DG sont épargnées.

 

L’Agetier est un service de l’Etat créée en 1999, chargée de la délégation de maîtrise d’ouvrage. A ce titre, elle intervient beaucoup dans la réalisation de pistes et d’infrastructures rurales financées par des bailleurs de fonds (Banque mondiale, autres partenaires techniques, etc.).

Elle est dirigée par un directeur général relevant du ministère du Développement rural. L’ensemble de la structure est placée sous le contrôle d’un conseil d’administration présidé par le président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali (Apcam).

Son directeur général Zana Coulibaly, nommé en 2016, a décidé de mettre à la porte le lundi 21 août dernier, 13 travailleurs sur les 43 que compte l’Agetier. Des proches recrutés par ses soins estimés à une quinzaine de personnes n’en font pas partie. La décision de révocation parle plutôt de “chômage technique temporaire de 3 mois”.

Par ailleurs, son chauffeur personnel, qui n’est pas sur la même décision de licenciement que les autres, était suspendu depuis mai 2022. Il s’est vu notifier par la suite sa décision de licenciement le 4 août 2023 et ce à compter de décembre 2021. Quel paradoxe.

Le chômage technique temporaire serait un argument qui ne tient pas, “c’est du saupoudrage”, selon de sources proches du syndicat. Et pour cause. Les travailleurs au nombre de 35 sur 45 présents ce jour avaient, au cours d’une assemblée générale, signé une pétition allant dans le sens de la diminution de salaires de 40 à 50 % pour sauver leurs emplois. Mais cette décision n’a jamais été entérinée par la direction générale et tout le monde est resté à son poste jusqu’au lundi 21 août dernier.

Zana Coulibaly sort d’un long bras de fer avec Sanoussi Bouya Sylla, l’actuel président du conseil d’administration de l’Agetier et président de l’Apcam. Celui-ci l’avait révoqué en 2021 pour “compromission des intérêts du service, de l’Etat du Mali et d’autres structures”. En termes clairs, il avait été démis pour mauvaise gestion de deniers publics, manque de suivi des projets, mauvais choix des entreprises d’exécution des travaux, entre autres. Un contentieux qui était pendant devant les tribunaux.

Selon un document qui est en notre possession, sous sa direction, l’Agetier a perdu des contrats de plusieurs dizaines de milliards de F CFA, pour négligence. Des biens meubles (véhicules) ont été bradés sous le vocable de réforme, des biens immeubles (terrains nus et des maisons bâties) ont été soit achetés ou loués sur fond de surfacturation. Dans ces cas, le nom de Bakary Togola, ancien président de l’Apcam et du conseil d’administration de l’Agetier, apparait plusieurs fois comme vendeur desdits terrains et maisons et acquéreur des véhicules réformés et neufs. M. Togola est celui-là même qui avait été écroué par le Pôle économique en 2019 pour “détournement de deniers publics” se chiffrant à 9 milliards de F CFA avant de se voir blanchi par la Cour d’assises de Bamako.

Dans cette situation conflictuelle, le syndicat de l’Agetier avait pris position pour le conseil d’administration. Les travailleurs avaient majoritairement décidé de ne plus le reconnaitre comme directeur général. M. Coulibaly a retrouvé son fauteuil grâce à Modibo Kéita, ministre du Développement rural au moment des faits, en marge des préparatifs de la visite du président de la Transition Assimi Goïta dans la ville de Ségou.

Selon un membre du syndicat de l’Agetier, c’est le même ministre Modibo Kéita qui avait assuré aux travailleurs que “la question Zana Coulibaly est close”. Pour joindre l’acte à la parole, il avait écrit en 2021 aux banques et établissements financiers, les informant de la fin du contrat de  M. Coulibaly dont la signature était remplacée par celle de son intérimaire, Hamidou Diawara.

Plus tard, le ministre Kéita retournera la veste en affirmant dans son bureau aux mêmes membres du syndicat qu’il “a les mains liées dans cette affaire” en ce sens que la décision du maintien du directeur général venait d’en haut. Mais le ministre avait pris le soin de demander de garder tous les agents à leur poste sans aucun licenciement, lors d’une visite de sa délégation à la direction générale de l’Agetier à Ségou.

Contre toute attente, le mardi dernier, les agents récalcitrants ont récolté les pots cassés de leur opposition au retour de Zana Coulibaly. La mise en chômage technique temporaire des 13 personnes est un règlement de comptes déguisé. Selon des indiscrétions, tous ceux qui sont concernés ont entre 7 à 20 ans de services parmi lesquels des cadres supérieurs (bac + 4 ou 5). Il se trouve qu’il y en a d’autres dont des proches que Zana Coulibaly a recrutés il y a peu et qui n’ont nullement été touchés.

Sinon dans la logique, en matière de licenciement, les employeurs évitent généralement de mettre à la porte ceux qui ont plus d’ancienneté dans le service pour éviter de payer des montants faramineux en guise de droits.

Abdrahamane Dicko

 

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