Affaire des huissiers de justice : Quand Me Fanta Sylla refuse d''exécuter un arrêt de la Cour Suprême

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    Incroyable mais vrai : le ministre de la justice, Me Fanta Sylla qui fut, récemment bâtonnier de l’ordre des avocats est en train de fouler au pied une décision de justice. Il s”agit de l”arrêt N°133 du 23 décembre 2005 de la section administrative de la Cour Suprême. Cette décision de la plus haute juridiction du pays concerne Joseph Konaté et autres contre la Chambre nationale des huissiers représentée à l”audience par la direction générale du contentieux de l”Etat. Présidée par Beyla Ba, la Cour a déclaré que : " les requérants sont bien fondés à réclamer leur nomination en qualité d”huissiers de justice ". Mais, le ministre de la justice ne veut pas entendre parler de cet arrêt et se précipite pour organiser le 11 janvier 2007 un concours dans ce corps de la justice.rn

    Par requête en date du 6 juin 2005, enregistrée le même jour au greffe de la Cour Suprême, Me Mamadou Samaké, agissant au nom et pour le compte de Joseph Konaté et autres, saisissait la Cour d”un recours en plein contentieux dirigé contre la Chambre Nationale des Huissiers du Mali et le ministère de la justice. Aux dires des plaignants, ils sont clercs d”huissier de justice remplissant toutes les conditions légales pour être nommés huissiers titulaires. Selon eux, depuis dix ans, leurs réclamations, leurs démarches et leurs actions diverses se sont heurtées au refus et aux actes illégaux pris par la Chambre Nationale des Huissiers du Mali. De plus, ils estiment  qu”à leur encontre s”exerce un dysfonctionnement voulu et entretenu par la Chambre Nationale des huissiers par la violation des articles 63 et 81 de la loi N° 95-069 du 25 août 1995 portant statut des Huissiers de justice. En conclusion, ils soutiennent que cette situation leur cause un préjudice moral et professionnel certain, actuel et immense.

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    La Cour, dans son arrêt, relève que : "Est demeurée sans suite la lettre du 4 janvier 2002 du ministre de la justice au président de la Chambre Nationale des Huissiers relativement à la nomination de clercs principaux en qualité d”huissiers de justice ; que face à cette abstention dommageable de la Chambre Nationale des Huissiers, il échet, afin d”éviter que les requérants ne soient bloqués à vie dans leur catégorie, que le ministre de la justice applique le principe de la substitution d”action ". Aussi, la Cour présidée par Beyla Ba, a t-il décidé en la forme de recevoir le recours et au fond " y faisant droit, déclare les requérants bien fondés à réclamer leur nomination en qualité d”huissiers de justice ; déboute les requérants du surplus de leurs prétentions pour défaut de moyens ; ordonne la restitution de la consigne ; met les dépens à la charge du trésor public ". Voilà qui est clair : la Cour Suprême a déclaré les requérants bien fondés à réclamer leur nomination en qualité d”huissiers de justice. Depuis plus d”un an cette décision n”a pas connu un début d”exécution. La Chambre Nationale des huissiers de justice s”y oppose. Le ministre en charge du dossier, Me Fanta Sylla au lieu d”adopter une attitude ferme sur cette question s”est rangé dans le camp des huissiers qui ferment hermétiquement la porte de leur profession aux jeunes diplômés et clercs évoluant dans leurs cabinets.

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    Soulignons qu”avant même cette procédure judiciaire, l”ancien ministre Abdoulaye O. Poudiougou, en vertu de la loi portant statut des huissiers de justice notamment l”article 81 qui stipule que : " un arrêté du ministre chargé de la justice pris sur proposition de la Chambre Nationale des Huissiers portera transposition des Clercs d”huissiers de justice en activité à la date de la promulgation de la loi " avait procédé à une transposition suivant l”arrêté N°96-2123 du 31 décembre 1996. Et le ministre Poudiougou d”ajouter : "depuis, aucune transposition n”étant intervenue, il apparaît urgent, d”y procéder, s”agissant en effet d”une part, de mettre en application des dispositions légales et, d”autre part, de donner exécution à l”arrêt de la Cour Suprême "(NDLR : il s”agit de l”annulation de cet arrêté sur recours de certains clercs suivant arrêt N°04 du 15 janvier 1998 de la section administrative de la Cour Suprême). En 2002, le nouveau ministre, Me Garba Tapo prend le dossier en mains et adresse une correspondance au président de la Chambre des Huissiers en ces termes : "un délai de trois mois vous est accordé pour observer toutes les dispositions statutaires en matière de classement et de nomination des collaborateurs des huissiers titulaires de charge. Passé ce délai, le département se verrait dans l”obligation de passer outre pour considérer la requête des Clercs ". Rien n”y fit.

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    Finalement la Cour Suprême est encore saisie et son arrêt est sans appel : "déclare les requérants bien fondés à réclamer leur nomination en qualité d”huissiers de justice ".

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    Le président de la Chambre des Huissiers, Me Filifing Dembelé d”adresser une lettre au ministre pour condamner l”arrêt : "la seule observation à ce stade que le bureau peut se permettre de faire est que cet arrêt a été rendu en violation de tous les principes élémentaires qui gouvernent un procès équitable ". Voilà l”arrêt de la plus haute juridiction du pays contesté alors que même s”il est injuste, l”arrêt a force exécutoire. Malheureusement, notre vaillante ministre de la juste a préféré piétiner cette décision au grand dam du fonctionnement régulier de la justice.

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    Et pour ne rien arranger, Me Fanta Sylla concocte un règlement intérieur de la Chambre des Huissiers, approuvé par le seul Filifing Dembelé-son mandat a expiré depuis deux ans- contrairement au bon sens qui aurait voulu que les huissiers eux-mêmes rédigent leur règlement intérieur avant de le soumettre au département de tutelle.

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    Dans cette précipitation, le ministre de la justice fixe la date du concours des huissiers au 11 janvier prochain, en refusant catégoriquement l”application de l”arrêt de la Cour. Les intéressés ne sont pas prêts à se soumettre à ce test dans la mesure où ils ont été réhabilités par la justice. Au même moment, le président de la Chambre des Huissiers convoque une assemblée générale extraordinaire pour le 6 janvier. La rencontre portera sur le mandat du bureau.

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    Chahana TAKIOU

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