En rendant visite il y a deux semaines à la Maison centrale d’arrêt de Bamako pour, dit-il, s’enquérir des conditions de détention des prisonniers, le nouveau garde des Sceaux ministre de la Justice s’est souvenu certainement de cette sulfureuse affaire qui avait défrayé la chronique judiciaire et politique malienne : il s’agit de l’affaire dite de la Banque de l’habitat du Mali (BHM) dont l’ex-PDG, Mamadou Baba Diawara, est toujours en détention malgré le verdict de la Cour suprême qui avait conclu à un non-lieu en sa faveur.
Dans le dossier de l’instruction, il est reproché à Mamadou Baba Diawara et Ismaël Haïdara, PDG de WAIC et Gisoston-SA le détournement de près de 7 milliards de F CFA au préjudice de la Banque de l’habitat du Mali. L’acte d’accusation était fondé sur le fait que l’ex-patron de la BHM “n’a pas respecté les textes de son institution bancaire, en octroyant des crédits à des sociétés immobilières, sans garantie hypothécaire”.
Il lui est ainsi reproché de donner un avis favorable à une demande de la société anonyme dénommée “Immobilière franco-africaine Baco” (Ifa-Baco) aux fins d’acquisition, à Sébéninkoro, du site d’un programme immobilier dit “La Mangueraie”.
Les fonds sollicités, dit-on, ont donc été octroyés à cette société sans avoir pris soin, comme l’exige son règlement intérieur, de s’offrir toute la sûreté de remboursement par une inscription hypothécaire sur trois titres fonciers de la Commune IV du district de Bamako constituant l’assiette du programme.
Cette société était en partenariat avec la société anonyme West African Investment Compagny (WAIC) dont le PDG est Ismaël Haïdara. A travers ce partenariat, Ifa-Baco devrait mettre à la disposition de WAIC-SA le site et assurer la commercialisation des parcelles et des maisons, tandis que WAIC-SA se devait d’assurer le financement des travaux de viabilisation et de construction.
Scandale autour de 7 milliards
La BHM aurait donc accordé des faveurs à cette dernière, selon l’acte d’accusation. Cela, explique-t-on, à travers une garantie de commercialisation pour une validité de 2 ans. Les engagements globaux d’Ifa-Baco dans les livres de la banque atteignent 1,350 milliard de F CFA pour un prêt d’un montant de 3 milliards au taux d’intérêt de 8 % par an sur les montants décaissés remboursables en 8 ans avec un an de différé à compter de la mise en place du fonds.
Les soucis commencèrent en septembre 2004 pour WAIC-SA avec le départ de Mamadou Baba Diawara de la banque. Car, la nouvelle équipe de la BHM-SA a estimé que plusieurs tirages effectués par les deux sociétés d’Ismaël Haïdara (WAIC-SA et Gisoston/Mali-SA) sont énormes et se chiffrent à 7 milliards de F CFA.
Ce montant avait été autorisé par Mamadou Baba Diawara, explique-t-on, en violation de la procédure applicable en la matière. C’est ainsi que la BHM a saisi en mai 2007 le Pôle économique de Bamako, considéré comme la “brigade anti-corruption”.
Au cours des enquêtes diligentées par cette structure, il est ressorti que le sieur Ismaël Haïdara, en complicité avec l’ancien PDG de la BHM-SA, effectuait des retraits “en violation du règlement intérieur de l’institution bancaire”. Il a été reproché au sieur Haïdara de procéder à des retraits à la BHM-SA et de transférer ces montants en Allemagne où il a ses partenaires. Il sera également accusé d’”ouvrir un compte à Paris avec de l’argent frauduleusement soustrait de la BHM-SA”.
Alors qu’en juillet 2008 la Cour d’assises condamne M. Diawara à la prison à perpétuité et 15 ans de réclusion pour son présumé complice Ismaël Haïdara, le coup de théâtre est spectaculaire un an après. Le 27 mai 2009, l’audience de la Cour suprême de Bamako prononce un non-lieu en sa faveur. Nouveau rebondissement quelques jours plus tard, quand le ministre de la Justice d’alors, Marahafa Traoré ordonne le dépôt d’un pourvoi en révision. Autrement dit, toute la procédure de l’enquête qui a abouti à son inculpation devrait être reprise pour un nouveau jugement.
C’est donc ce dossier à plusieurs inconnus que le nouveau ministre de la Justice, garde des Sceaux aura à gérer. Un premier grand test pour Malick Coulibaly.
Issa Fakaba Sissoko