On a coutume de dire que l’accès à la justice est un droit fondamental qui détermine l’exercice de tous les autres droits reconnus aux justiciables. Le Mali démocratique déroge aujourd’hui à ce principe élémentaire à cause de l’érection de certains obstacles qui empêchent la mise en œuvre de ce droit. Ces difficultés d’accès à la justice ont été fort heureusement dénoncées par la société civile lors du dernier Forum National sur la justice au Mali. Voici ladite contribution qui est toujours d’une actualité brulante.
rnNotre méthodologie a consisté à faire la synthèse des difficultés recensées au cours des Concertations Régionales ainsi que les recommandations issues des mêmes Concertations. Quant aux axes de réforme, ils émanent en totalité de la sous-commission " Accès à la justice ".
I. Les difficultés d’accès à la justice
1. Coûts élevés des frais de justice :
rnLes frais de justice ont été légalement institués par l’Etat afin que les citoyens contribuent aux charges de la justice. Malheureusement dans l’établissement des barèmes, il n’a pas tenu compte du niveau de revenu des citoyens moyens.
Donc l’insuffisance de ressources contraint bon nombre de citoyens à renoncer à saisir la justice pour revendiquer leurs droits notamment en matière civile. Cette situation est aggravée par la mauvaise application de la réglementation relative à l’assistance judiciaire accordée aux indigents.
rnIl faut noter à côté des consignations dues à l’Etat, les frais exigés par les avocats, huissiers, notaires pour leurs prestations.
Au cours de la procédure, l’égalité de chance n’est qu’une théorie entre un profane démuni et un citoyen qui a les moyens de s’offrir un avocat.
rnIl est également déplorable de constater que la concussion et la corruption constituent une réalité de la justice malienne.
Il faut signaler enfin que les coûts de déplacement dans les cas où les juridictions sont éloignées des citoyens constituent un obstacle à la justice.
2. La lenteur des procédures :
rnLes procédures au niveau de la justice souffrent de lenteurs paralysant ainsi le bon fonctionnement de la machine judiciaire.
Elles sont tantôt dues à la nature des textes d’organisation judiciaire et tantôt dues au comportement des agents.
rna. L’organisation judiciaire :
rnSelon l’organisation judiciaire actuelle, les populations rurales quittent les villages et les arrondissements pour rejoindre leurs premières juridictions dans les chefs lieux de cercle. IL importe de noter qu’il n’y a que trois Cours d’Appel pour tout le pays : Bamako, Kayes, Mopti.
rnb. Le comportement des agents :
rnL’inconscience professionnelle de beaucoup d’agents fait traîner les actes les plus faciles (rédaction de jugement, délivrance d’acte, citation des parties, transmission des dossiers).
3. Méconnaissance des textes par les citoyens :
Cette situation amène les citoyens à ne pas se prévaloir des dispositions qui les protègent en cas de violation de leurs droits.
Ils sont également victimes des abus par rapport à l’application de la compétence territoriale et matérielle du double degré de juridiction. Il est, en effet, courant de voir les citoyens traduire devant les juridictions autres que celles de leurs lieux de résidence. Ce phénomène est décelable même au niveau de l’enquête préliminaire.
rnIl est à noter que le style employé par la justice n’est pas accessible à la majorité des justiciables.
4. Manque de qualification des professionnels de la justice dans certains domaines :
rnDes insuffisances de qualification professionnelle et des faiblesses de niveau ont été enregistrés au niveau des agents des juridictions (magistrats, greffiers, secrétaires) et même chez les auxiliaires de la justice (avocats, huissiers, notaires…).
rnL’absence de documentation constitue un obstacle à la maîtrise des textes de loi par le personnel de la justice.
5. Existence de dispositions discriminatoires dans certains textes et absence de législation dans certains domaines :
– Les services judiciaires constituent l’appareil de mise en œuvre de l’égalité entre citoyens proclamée par la Constitution et les textes internationaux ratifiés par le Mali. Puisque ces services sont amenés à appliquer des dispositions contraires à la Constitution, il est évident que leur mission est compromise. En effet, plusieurs textes contiennent des dispositions contraires au principe d’égalité entre les citoyens. Il s’agit entre autres du code du mariage et de la tutelle, du code de la nationalité et du code de prévoyance sociale…
rn- L’absence de législation dans le domaine de la succession constitue aujourd’hui une lacune grave de la justice malienne. Dans ce domaine le partage successoral se fait selon la coutume des parties.
La plupart de ces coutumes sont inégalitaires et en plus cette situation viole le principe de l’unicité de la loi pour tous les citoyens.
rn6. Insuffisance de moyens des associations et ONG de défense des droits de la personne humaine :
rnIl est regrettable que les initiatives de ces associations et ONG restent bloquées souvent par l’insuffisance de ressources financières. Il n’existe aucune stratégie de financement pour les associations et ONG dans le cadre de la mise en œuvre de leur programme d’activités.
rnII. Les propositions de solution
rn1. Coûts élevés des frais de justice :
rnIl serait nécessaire de revoir à la baisse les frais de justice, en l’occurrence la consignation et ceux afférent aux grosses ainsi que les frais d’enregistrement.
rnUne tarification des honoraires d’avocats en matière de divorce serait souhaitable car c’est dans ce domaine que les femmes, en tant que couche la plus démunie, sont le plus souvent impliquées.
Pour faciliter l’accès des démunis à la justice malienne, il faut rendre effective l’application des textes sur l’assistance judiciaire.
rnLa sous-commission souhaite qu’il y ait une conciliation en matière civile et une médiation en matière pénale.
rnIl est souhaitable d’adapter les consignations et autres frais aux revenus des citoyens.
rn2. La lenteur des procédures :
rnA ce niveau la sous-commission fait deux propositions : d’abord au niveau de l’organisation judiciaire, ensuite au niveau du comportement des agents.
rna. Organisation judiciaire :
rnDans le souci d’adapter la carte judiciaire aux réalités socio-économiques et à la décentralisation, la sous-commission propose de rapprocher la justice des justiciables.
rnElle recommande qu’un délai soit imparti dans le traitement des dossiers en matière criminelle et correctionnelle.
rnNous recommandons aussi l’institution d’un juge de mise en état et d’un juge chargé du suivi.
b. Comportement des agents :
rnLa sous-commission recommande qu’on impose un délai d’accomplissement des différents actes. Elle recommande d’exiger une plus grande rigueur dans le comportement des agents.
3. Méconnaissance des textes par les citoyens :
La connaissance par les citoyens de leurs droits, prérogatives et devoirs est indispensable
à la bonne marche de la justice.
rn4. Manque de qualification des professionnels de la justice dans certains domaines :
rnL’amélioration du niveau de formation et de qualification des agents de la justice s’impose actuellement.
rn5. Existence de dispositions discriminatoires dans certains textes et absence de législation dans certains domaines :
rnL’égalité étant le fondement de la démocratie, il est impérieux d’entreprendre une harmonisation des textes particuliers avec la Constitution et les textes internationaux ratifiés par le Mali et de combler le vide législatif existant dans certains domaines.
6. Insuffisance de moyens des associations et ONG de défense des droits de la personne humaine :
rnLa sous-commission souhaite que les initiatives des associations et ONG soient encouragées et appuyées par le PRODEJ.
rnIII. Les axes de réforme pour la mise en œuvre des recommandations
1. Coûts élevés des frais de justice :
rnPour la révision des frais de justice, la sous-commission propose la mise en place d’une commission paritaire et pluridisciplinaire de réflexion (société civile – gouvernement).
rnElle propose aussi la mise en place d’un mécanisme chargé de l’application de la loi sur l’assistance judiciaire.
. La lenteur des procédures :
rna. Organisation judiciaire :
rnLa sous-commission propose la création d’une Cour d’Appel dans tous les chefs lieux de région, l’érection des justices de paix à compétence étendue en tribunaux de première instance et la création des justices
rnde paix à compétence étendue dans les grandes communes.
rnElle propose aussi la dotation des juridictions en moyens humains, matériels et financiers ainsi que la création des charges d’huissiers auprès de ces juridictions.
Retour au début de cette page
rnb. Comportement des agents :
La sous-commission exige la sensibilisation, l’éducation et l’application rigoureuse des sanctions prévues par les textes en vigueur.
3. Méconnaissance des textes par les citoyens :
rnIl est souhaitable de mettre l’accent sur l’information des citoyens sur leurs droits et devoirs à travers la traduction des textes juridiques en langues nationales et d’autres moyens d’IEC appropriés (radio de proximité, causeries-débats, conférences, bureaux d’accueil et d’orientation juridique…).
rnNous exigeons aussi l’approfondissement de l’éducation civique dans les différents ordres d’enseignement. Ceci permettra de préparer les jeunes à une culture démocratique.
4. Manque de qualification des professionnels de la justice dans certains domaines :
rnPour plus de performance, il serait nécessaire d’améliorer la qualité de la formation du personnel judiciaire et de systématiser le recyclage pour tous les corps de la justice.
rnIL faut rendre l’outil de formation accessible à tous en créant des bibliothèques dans toutes les juridictions.
Retour au début de cette page
5. Existence de dispositions discriminatoires dans certains textes et absence de législation dans certains domaines :
rnLa sous-commission propose la relecture de certains codes en vue de supprimer les dispositions discriminatoires et de combler les lacunes. Il s’agit notamment du code du mariage et de la tutelle, du code de la nationalité, du code de prévoyance sociale et du code pénal.
L’intervention du législateur nous paraît également salutaire dans certains domaines, particulièrement dans celui de la succession.
rn6. Insuffisance de moyens des associations et ONG de défense des droits de la personne humaine :
La sous-commission propose que les initiatives des associations et ONG soient encouragées et appuyées par le PRODEJ à travers la formation de ses agents et leur dotation en ressources matérielles et financières.
rn
rn
“