1-Contentieux autour de la troisième licence de télécom : Vers une saisine de la justice internationale

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2- attribution de la troisième licence de télécommunication
Le carnaval des tricheurs

 Bréhima Tolo, ministre des Postes et des Nouvelles technologies

Bréhima Tolo, ministre des Postes et des Nouvelles technologies

La tonalité du troisième opérateur risque de sonner fort, jusque dans les cours et tribunaux internationaux car Cessé Komé, l’un des actionnaires de la société adjudicataire, évincé de façon illégale et burlesque, a commis des avocats prêts à en découdre avec tous ceux qui sont trempés de près ou de loin dans cette affaire de milliards qui pue à mille lieux.

Sans vouloir être des cassandres ou des oiseaux de mauvais augure, nous avions pourtant attiré l’attention du 1er gouvernement de la transition sur l’environnement miné de cette troisième licence de télécommunications, à travers un article intitulé : «Monaco télécom choisi troisième opérateur par le régime ATT avec 60 milliards FCFA: Une patate chaude entre les mains du gouvernement Cheick Modibo Diarra ». Nous terminions notre article par ces mots : « Reste maintenant à savoir comment les autorités de Transition vont gérer cette affaire de troisième licence de télécommunications pour laquelle les populations attendent d’ailleurs des clarifications». L’histoire nous a donné raison car ce dossier continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive et face à deux ex-associés devenus des «ennemis jurés», le Burkinabé Apollinaire Compaoré et le Malien Cessé Komé, l’affaire risque de prendre une tournure internationale dans les prochains jours car les avocats commis par Cessé Komé sont en train de s’activer pour saisir la justice internationale.
Rappelons que suite à un appel d’offres international,  pour l’octroi de la 3em licence de télécommunication (téléphonie mobile, fixe et Internet), les autorités maliennes en charge de la question avaient animé  une conférence des investisseurs étrangers à Paris, le mercredi 05 Octobre 2011. Cette conférence regroupait une trentaine d’opérateurs téléphoniques.  La conférence a été présidée par le ministre des Postes et des nouvelles technologies d’alors, Modibo Ibrahim Touré,  en présence de son homologue de l’Economie et des finances en son temps, Lassine Bouaré, du directeur général du Comité de régulation des télécommunications (CRT) devenu Autorité malienne de régulation des télécommunications/TIC et des postes (AMRTP), Choguel Kokalla Maïga, et de plusieurs cadres de l’administration d’Etat.
Alors, présentant l’offre la plus intéressante, la société Alpha Télécom Mali, regroupant le Burkinabé Apollinaire Compaoré, Monaco Télécom et le Malien Cessé Komé, s’est imposée avec une offre de 84 millions d’euros, face aux propositions de Bharti Airtel (30 millions d’euros) et Viettel (16,5 millions d’euros). Alpha Télécom Mali devait verser cette somme dès le 29 janvier 2012.
Cette opération de vente de la 3è licence de télécommunications, menée par la banque d’affaires Linkstone Capital et le cabinet d’avocats Bird & Bird, est un succès financier, dans la mesure où l’on s’attendait plutôt à récolter une cinquantaine de millions d’euros, alors qu’au finish, il y a eu 34 millions d’euros en plus. Mais cette autosatisfaction affichée par le régime ATT, initiateur de l’opération, cachait mal un malaise de grandes firmes qui, après avoir répondu à l’appel d’offres, avaient préféré ne pas aller jusqu’au terme du processus. C’est le cas de MTN et de Portugal Telecom.
Pour un marché de télécoms aussi intéressant que celui du Mali, c’était quand même bizarre. En effet, comme le rappelait très souvent l’ex-ministre Modibo Ibrahim Touré, le marché des télécommunications au Mali reste très rentable. De toute façon, les informations succinctes jointes au dossier d’appel d’offres,  sur le Mali et le marché de la téléphonie au 31 décembre 2010, étaient très éloquentes, voire incitatives car pour une population estimée à 15,5 millions d’habitants, avec un PIB de Usd 9,2 milliards (Usd 16,7 milliards en ppa), seuls deux opérateurs privés sont présents sur le marché : Orange Mali présent depuis 2002 la Sotelma, l’opérateur historique, détenu à 51% par Maroc Telecom depuis juillet 2009. Leur total d’abonnés était estimé à cette date, selon les données des opérateurs, à plus de 5 millions (lignes fixes et mobiles).
Alors pourquoi, dans ces conditions, les grandes firmes reconnues comme de grands professionnels ont tourné le dos à l’appel d’offres ? Si elles avaient pressenti des magouilles, en tout cas, l’histoire leur aura donné raison car ce dossier a été géré par le gouvernement avec son lot de violations de la loi et des procédures en matière de marchés publics, au point que d’appel d’offres, donc de respect de règles de la concurrence, il n’en a point été. Il s’est réduit finalement à un drôle de marché par entente directe, sur fond de vente d’une licence à crédit, qui fait actuellement couler beaucoup d’encre et de salive.
En effet, dès le départ, des indiscrétions faisaient état d’un savant montage pour permettre à Monaco télécom de bénéficier de l’entregent et de la capacité de lobbying de l’homme d’affaires burkinabé, pour ensuite se positionner comme seul maître dans ce business. Pour étayer cette thèse, on parlait de la détention par Monaco télécom d’une option d’achat sur les parts de Planor pour, éventuellement, prendre plus tard la majorité des parts du consortium. Notons au passage que ce dossier a été géré, comme c’est dit tantôt, par la banque d’affaires Linkstone Capital et le cabinet d’avocats Bird & Bird, des structures britanniques, alors que Monaco Télécom est une filiale du groupe britannique Câble & Wireless. Est-ce pour cette raison que les grosses pointures ont préféré prendre le large ?
Il ya plus grave. Certaines indiscrétions, au sommet de l’Etat, nous apprennent que des faits troublants portant un discrédit sur la transparence et la sincérité du marché ont poussé ces grands opérateurs à se retenir, pensant que les dés étaient pipés. En effet, la vitalisation des relations de coopération entre Monaco et le Mali s’est faite à un moment crucial de la gestion de l’appel d’offres pour le choix du troisième opérateur de télécommunication au Mali. L’ex-président de la République, ATT, s’est rendu à Monaco les 30 et 31 octobre 2011, alors que l’envoi du Dossier d’Appel d’Offres final s’est effectué  dans la semaine du 11 octobre 2011 et la remise des Offres devait avoir lieu le 14 novembre 2011. ATT a été reçu comme un prince à Monaco, en compagnie du ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale d’alors, Soumeylou Boubèye Maiga, et de l’ex- ministre des Investissements, de l’Industrie et du Commerce, Mme Sangare Niamoto Ba. Ils ont rencontré les membres et le président de la Chambre de développement économique de Monaco, le Conseiller de gouvernement pour les relations extérieures, M. Badia, et le Conseiller de gouvernement pour les Finances et l’Economie, M. Piccinini, afin de développer les relations commerciales entre le Mali et Monaco. La coïncidence de cette visite avec l’appel d’offres était vraiment malencontreuse, voire malheureuse.
En retour, le prince de Monaco a été reçu à Bamako par ATT, à la mi-février de l’année 2012, avec tous les honneurs requis. En temps normal, rien à dire. Mais avec cette troisième licence de télécommunications tant convoitée par Monaco télécom, il y avait de quoi jaser. Seulement, puisqu’en ce temps-là c’était silence radio du côté de la classe politique préoccupée à participer à la soupe populaire, tout le monde avait fait motus et bouche cousue.
A l’occasion de cette visite, ATT a offert au prince de Monaco sept tortues sillonnées. Mais il a fallu attendre le mardi 17 avril, soit deux jours avant le départ de l’ex- sous la supervision d’une société de transport monégasque spécialisée dans «les zones soumises à des tensions» et grâce à «des contacts privilégiés noués au Mali», selon des sources monégasques.
Mais malgré sa défaillance, Alpha Télécom avait reçu du gouvernement malien un délai hors conditions et termes de l’appel d’offres, pour verser les 84 millions d’euros prévus dans leur soumission, après l’appel d’offres international. Pour motiver l’obtention de ce rallongement du délai, on trouvait comme justification, la crise politique au Mali qui a rendu plus compliquée la levée des fonds. En réalité, la crise avait bon dos. Le blocage du dossier était surtout dû à un conflit ouvert entre Cessé Komé et Apollinaire. Ce qui empêchait le versement des 33 milliards Fcfa promis à l’Etat malien comme premier versement dès le début de l’année 2012, donc bien avant le coup d’Etat. Ces deux actionnaires ne communiquaient même plus sur ce dossier pour lequel le Burkinabé, fort d’un intense lobbying auprès de la junte et du gouvernement de la transition, tentera de s’adjuger seul la licence, en évinçant Cessé Komé, Monaco Télécom étant déjà son partenaire dans un autre pays.
Mais contre toute attente, le gouvernement du Mali, sous la houlette de Cheick Modibo Diarra, choisira de fouler aux pieds les lois et règlements, en se refusant de disqualifier Alpha Télécom, en constatant sa carence en tant qu’adjudicataire, a appelé les deux associés séparément pour traiter avec chacun d’eux de façon isolée. C’était en août 2012. Après des discussions comme lors d’un marché de gré à gré encore appelé marché par entente directe, il a été demandé aux deux actionnaires de payer séparément les sommes dues, à hauteur de leurs participations dans le consortium. Sur quel fondement juridique l’Etat malien a-t-il opéré ainsi ? Mystère et boule de gomme ! Toujours est-il que les deux associés ont accepté la proposition par écrit.
Sur cette base, Apollinaire Compaoré, détenteur d’environ 60% du capital d’Alpha Telecom Mali, devait verser sa part, laissant le soin à Cessé Komé de régler sa part de son côté. Mais Appollinaire revient sur cette décision et exige d’être seul dans l’affaire, proposant de payer et sa part et celle de Cessé Komé. Aidé par la voracité de certains intervenants dans ce dossier, il a été suivi dans ses desiderata au détriment de Cessé Kom2 qui se voit ainsi éjecté. Mais plus grave, la licence a été octroyée à crédit, puisque, justement, la part de Cessé Komé ne sera payée qu’ultérieurement, après plusieurs mois de détention de la licence. Pourquoi autant de largesses vis-à-vis du Burkinabé alors que l’un des concurrents, la Sotelma, a respecté ses engagements en payant jusqu’au dernier centime les 180 milliards Fcfa de rachat de la Sotelma ?
Voilà quelques unes des zones d’ombre qui enveloppent ce dossier qui risque de se retrouver au niveau des juridictions internationales, si l’on en croit les conseils de Cessé Komé qui ont ficelé un dossier pour saisir toute cour ou tout tribunal en mesure de connaître de cette affaire. « Même la Cour arbitrale de la Banque mondiale n’est pas exclue » nous lance un des avocats. Affaire à suivre
Birama FALL

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2 COMMENTAIRES

  1. Si vous connaissez les CV des 1er responsables du Département en charge du secteur telecoms vous ne serez pas surpris !

    Un ministre sans diplôme n’ayant jamais travaillé dans vie qui gère un département technique, donc un chômeur recruté comme ministre stagiaire!

    Un Secrétaire Général, inspecteur des finances n’ayant jamais travaillé dans le secteur qui ignore tout dudit secteur occupant donc son poste en violation des textes portant nomination des Secrétaires généraux des Ministères.

  2. Après Alpha Oumar KONARE SOTELMA /Orange c’est normal que ATT et après le Gouvernement de Transition veulent se sucré. C’est pourquoi nous les africains nos détestons le mot TRANSPARENCE il y a pas de sel ni sucre dedans.

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