Nomination pléthorique de magistrats à la Cour Constitutionnelle : Les Pouvoirs publics maliens ont raté le coche

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Avec le Décret n°2020-0342/P-RM du 07 août 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle, Sont nommés Conseillers à la Cour constitutionnelle :

1- Membres désignés par le Président de la République : Monsieur Aser KAMATE, Magistrat ; Monsieur Amadou Ousmane TOURE, Magistrat ; Maître DOUCOURE Kadidia TRAORE, Avocat ;

2- Membres désignés par le Président de l’Assemblée

nationale : Maître Maliki IBRAHIM, Avocat ; Madame BA Haoua TOUMAGNON, Magistrat ; Monsieur Beyla BA, Magistrat à la retraite ;

3- Membres désignés par le Conseil supérieur de la Magistrature : Monsieur Demba TALL, Magistrat ; Monsieur Mohamed Abdourahamane MAIGA, Magistrat ; Madame Djénéba KARABENTA, Magistrat.

Au Mali, aujourd’hui, tous les acteurs sont d’avis qu’il faut opérer de véritables réformes institutionnelles et électorales afin de juguler les crises présentes et futures. La nomination des nouveaux membres de la Cour constitutionnelle devrait sonner le déclic. Mais, apparemment, les pouvoirs publics ont raté le coche en nommant 7 magistrats parmi les 9 membres de la Cour.

Pour nous en dire plus, nous interrogeons le document intitulé : « Pour la consolidation de la démocratie au Mali, Rapport au Président de la République, Comité d’experts de la Mission de Réflexion sur la Consolidation de la Démocratie au Mali présidé par Daba Diawara, Septembre 2008. »

Suivant ce document : « Le Comité est d’avis que la Cour a connu, pendant les quatorze dernières années, un important déficit de capacités qui a entravé sérieusement son action. Il lui trouve, au moins, trois causes. La première est l’absence d’un dispositif d’appui technique dont la mise en place s’imposait par la difficulté prévisible de faire fonctionner correctement la Cour avec le personnel que les règles relatives à la désignation de ses membres allaient y faire entrer. La Cour constitutionnelle est en effet composée de neuf (9) membres nommés pour un mandat de sept ans renouvelable une seule fois et proposés, à raison de trois par chacun d’eux, par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le Conseil Supérieur de la Magistrature. Les deux présidents doivent, chacun, proposer au moins deux juristes et le Conseil, trois magistrats. Les juristes nommés ont été presque toujours des magistrats de l’ordre judiciaire. Une telle situation devait conduire à assurer aux membres de la Cour l’appui de personnes ayant une meilleure maîtrise des questions de contrôle de constitutionnalité et de gestion du contentieux électoral. Cela ne s’est pas fait.

La seconde se trouve dans la gestion faite par la Cour de son droit de suivre les élections présidentielles par l’envoi de délégués sur le terrain. La loi indique que ses délégués sont choisis parmi les magistrats de l’ordre judiciaire ou administratif. Ce que la Cour n’a pas respecté en désignant des délégués sur des bases qui ne pouvaient conduire à l’élaboration de rapports de bonne facture alors même que l’opération est assez couteuse.

La troisième tient à l’inobservation par la Cour des règles de procédure, les seules à même de garantir un procès régulier, prévues pour le jugement de la contestation d’une élection. Pour le Comité, cela résulte de ce que la Cour constitutionnelle est chargée à la fois de la proclamation des résultats définitifs des élections présidentielles et législatives et du jugement de la contestation des résultats. Ce qui l’a amenée à vouloir aller vite, pour ne pas laisser monter la tension pouvant naître d’une longue attente des résultats des élections, porteuse de risques d’explosions sociales. Il s’impose donc de réduire ces déficits de capacité pour permettre à la Cour constitutionnelle de jouer correctement son rôle et de retrouver une crédibilité considérablement entamée aujourd’hui.

Le Comité recommande tout d’abord le réaménagement des compétences de la Cour constitutionnelle en matière électorale. Elle resterait compétente pour la validation des candidatures à l’élection des députés et du Président de la République, y compris les litiges connexes, comme ceux relatifs au choix des couleurs et signes distinctifs ; également, pour prononcer la déchéance des parlementaires. En ce qui concerne l’élection du Président de la République, elle continuerait à veiller à la régularité des opérations électorales, examinerait les réclamations ou constaterait qu’il n’en a pas été déposé dans le délai prescrit et validerait les résultats proclamés. » (Idem, P.59)

In fine, la nouvelle Cour constitutionnelle de 2020 n’apportera aucun changement significatif par rapport aux questions électorales en République du Mali tant que la Constitution, la Loi organique de la Cour et la Loi éléctorale qui lui donnent un pouvoir exhorbitant n’ont pas été relus.

La Constitution, en son article 94, dit : « Les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales. Les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle, ainsi que la procédure suivie devant elle, sont déterminées par une loi organique. » 

L’article 13 de la Loi n°97-010 du 11 février 1997, modifiée, portant loi organique déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle ainsi que la procédure suivie devant elle dispose : « Avant l’expiration du mandat, il ne peut être mis fin à titre temporaire ou définitif aux fonctions de membres de la Cour Constitutionnelle que dans les formes prévues pour leur nomination et après avis conforme de la Cour statuant à la majorité des 2/3 de ses membres. L’intéressé qui ne participe pas au vote est, dans tous les cas, entendu par la Cour et reçoit communication de son dossier. »

Suivant l’article 165 de la Loi : « La Cour constitutionnelle procède au recensement général des votes, examine et tranche définitivement les réclamations et statue souverainement sur la régularité de l’élection des membres de l’Assemblée Nationale. Dans le cas où elle constate l’existence d’irrégularités, il lui appartient d’apprécier si, eu égard à la nature et à la gravité de ces irrégularités, il y a lieu de maintenir lesdits résultats, soit de prononcer leur annulation totale ou partielle. Le Président de la Cour Constitutionnelle proclame les résultats définitifs du scrutin en audience solennelle. »

On a juste l’impression qu’on a mis la charrue avant les bœufs, ce jour 7 août 2020.

Dr Ibrahima Sangho

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