Si l’attaque récente du camp de Guiré, dans le cercle de Nara, avait trouvé SoumeylouBoubèyeMaïga à la Primature, les activistes-religieux seraient dans la rue aujourd’hui pour réclamer la tête du président de la République Ibrahim Boubacar Keïta. Qu’en est-il ?
Les Maliens qui ont suivi les activistes-religieux dans la rue le 5 avril dernier l’ont fait en réaction à la mauvaise gestion, au népotisme, au détournement des deniers publics. En un mot, ils ont manifesté leur colère pour une véritable moralisation de la vie publique, pour une meilleure protection de la vie des civils et des militaires au nord et au centre du pays. Or, loin de disparaître parce que le Premier ministre SoumeylouBoubèyeMaïga a rendu son tablier, les attaques terroristes, la corruption, le népotisme et le gaspillage vont continuer à s’accroître comme par le passé. Faute d’un homme d’État crédible et patriote au sommet de la pyramide pour imposer le « Kokadjé », à savoir la lutte contre la corruption et la prévarication, et devant l’échec des activistes-religieux incapables de jouer le rôle de garant de l’intégrité morale, on continuera toujours de foncer vers le mur.
Le pouvoir d’État au Mali est avant tout perçu comme un gâteau à partager. Ainsi, le nouveau Premier ministre, Boubou Cissé, ne sera pas un magicien, mais un alchimiste. Aussitôt nommé, il s’attèlera à la formation d’un Gouvernement savamment dosé et composé des représentants de toutes les forces qui sont capables de mobiliser les masses populaires meurtries et affamées sur le boulevard de l’Indépendance ou dans les gradins du stade du 26 mars.
Dans ces conditions, la démocratie ne devrait plus être considérée comme un système permettant de choisir librement ses élus et d’assurer leur contrôle, mais simplement comme un système qui peut offrir l’accès aux prébendes de l’État ou revenus de la rente de l’aide internationale.
Le processus démocratique est avant tout perçu dans ce pays comme le processus de démocratisation de l’accès aux moyens financiers soit de l’État, soit des institutions financières internationales. Ainsi, la prolifération des associations n’est-elle pas en fait, dans la majorité des cas, que l’expression de la volonté de s’approprier et de maîtriser le flux en provenance de l’aide de nos partenaires techniques et financiers ?
Sous couvert d’une pseudo-culture communautaire, et profitant du désintérêt des bailleurs de fonds pour les institutions étatiques, les membres des associations captent une partie du financement autrefois attribué à la bureaucratie, bien que, dans de nombreux cas, leurs pratiques ne soient éloignées de celles d’une administration prévaricatrice.
La démocratie est devenue un outil de marchandage à la fois avec l’Occident et entre les Maliens. Elle est source de revenus et devient un instrument générateur d’argent – comme le furent autrefois le développement rural ou les grandes sécheresses et le sont aujourd’hui des thèmes porteurs comme le VIH-sida, les MGF, la scolarisation des jeunes filles, la lutte contre le terrorisme, etc. Mais cette lutte obstinée en vue de l’obtention des ressources issues de la rente de l’aide internationale ne peut avoir lieu sans recours à la violence.
Sambou Sissoko