Avec le décès brutal, à la suite d’une crise cardiaque, de Mohamed Soudha Yattara, le samedi 6 septembre dernier, la presse malienne perd l’un de ses plus valeureux représentants. D’abord, à cause de ses remarquables qualités humaines. Voilà quelqu’un qui avait le don de l’empathie et celui de dégeler, par des plaisanteries dont seul il avait le secret, les atmosphères les plus lourdes.
Il était, en quelque sorte, l’ennemi public numéro, mais dans le bon sens. Et rares sont ses collègues qui ont pu échapper à ses piques amicales. Sociable à souhait, il ne se sentait à l’aise qu’au milieu de ses confrères. Je le vois encore se démenant avec son gros cartable, qui semblait littéralement emporter son corps frêle, à la Indira Gandhi. Avec le Mahatma, il partageait le culte de la non violence.
Pour la petite histoire, Yatt, comme l’appelaient affectueusement ses proches, et moi avons commencé ensemble à L’Essor, lui frais émoulu du CESTI (Centre d’études des sciences et techniques de l’information) de Dakar, moi débarquant de la Faculté de Journalisme de l’Académie Stefan Gheorgiu de Bucarest (Roumanie).
Qu’on ne s’y trompe pas: sous ses dehors de chat endormi, Yatt cachait l’un des esprits les plus vifs de sa génération. Sur le plan professionnel, il était un vrai perfectionniste, que les dossiers les plus complexes n’effrayaient guère.
Doté d’un grand sens du partage, il était toujours prêt à filer des «tuyaux» à des confrères ou à prodiguer de précieux conseils aux jeunes journalistes qui venaient de mettre le pied à l’étrier. Ce n’est pas Alexis Kalambry, actuellement Directeur de publication de «Les Echos», qui dira le contraire, lui qui a effectué son stage à L’Essor au début des années 90.
Sa longue carrière dans l’administration publique – Chargé de mission aux ministères en charge du Développement Rural et de la Communication, Chef de Cabinet au ministère de la Communication, Chargé de mission à la Présidence de la République- n’a certainement pas permis à la jeune génération de découvrir son immense talent de journaliste-réalisateur. Elle pourra le faire en consultant les archives de L’Essor.
Son inclination pour l’autodérision aurait permis à Yatt de se moquer même de sa mort. Gouailleur devant l’Eternel, il s’est, sans doute, exclamé en direction de ses nombreux confrères, amis et parents, venus à ses obsèques à Sokorodji: «Pourquoi faites-vous cette tête d’enterrement pour moi? Ne vous pressez pas, votre tour viendra».
Dors en paix, sacré Yatt! A ta femme et à tes cinq enfants inconsolables, mes sincères condoléances!
Yaya Sidibé