C’est dans le décor très exotique de "l’hôtel Club Sélingué" géré d’une main experte par mon "Ami" Hama Traoré, (un ami au vrai sens du terme), que j’ai eu le bonheur de passer quelques heures croustillantes en compagnie de l’illustre disparu—ce surdoué de la chanson mandingue- dont les paroles vives et ardentes ne respireront plus. Ainsi va la vie !
Mais si la mort de Mangala nous attriste tant, c’est parce qu’il partageait avec nous le même amour, la même passion, les mêmes rêveries pour le Manding, la terre de ses ancêtres. Mais une terre qui a surtout pour nom Bancoumana, village emblématique des Camara au même titre d’ailleurs que Siby, Séléfougou derrière le fleuve. Son rêve, c’était de devenir un jour le chef :
-" Mon ami, est – ce que tu sais que j’ai quitté Bancoumana, il y’a pas longtemps ? Je suis allé voir la famille de mon père et comme la chefferie vient à tour de rôle dans ma famille, c’est sur que mon tour viendra".
-" Est-ce que tu es vraiment au sérieux ? Mangala était visiblement éméché cette nuit-là poursuit :
– " Mais si ! Ce que nous faisons comme ça aura un jour une fin, la musique, c’est pour un moment et, après je vais me retirer " chez moi " au village ".
En répétant plusieurs fois "chez moi, chez moi", j’ai senti du coup, une vive illumination dans son regard et un désir réel, (presque) subliminal de renouer avec ses racines mandingues, là où les patriarches vous enseignent toujours qu’il " existe une histoire sacrée et une histoire secrète ".
Sur " Miyé Miyé ", la chanson la plus populaire de son dernier album, –mais pas la meilleure sûrement — Mangala ne sera pas également avare de commentaires quelque peu fatalistes
– " Tu sais, mon ami, je n’ai réclamé aucun droit d’auteur à qui que ce soit ….. " C’est ainsi que meurent nos " artistes " dans le plus grand dénuement matériel doublé d’une vraie solitude morale. Mais enfin, si nous sommes tous des mortels, nul doute que Mangala Camara appartient cependant à l’éternité, comme le sera d’ailleurs ce grand poète français Alfred de Musset, dont le célèbre cri de cœur " frappe ton cœur, c’est là que se trouve le génie " continue sa longue traversée des siècles. Mais, attention ! Le parallèle peut être bien saisissant. Mais si pour Mangala Camara –cet autre amoureux des " mythes " à travers une de ses chansons- culte " Malissadio "— l’amour est le souffle, la matrice de toute créativité, le poète français pense plutôt que c’est surtout dans la douleur, le chagrin que le génie humain trouve toute sa plénitude. Et Dieu seul sait que la " trajectoire " de Mangala n’aura pas été un " long fleuve tranquille ". Ses longues années de " galère " vécues en France lui ont sans doute laissé des traces. Et dans la douleur (s’il vous plaît !). La vie parisienne ? Une vraie désillusion, un miroir brisé pour de milliers d’Africains vivant sur les bords de la Seine. Mais pourtant, il n’avait aucune rancune contre la France. Dors en paix, Mangala CAMARA!
Bacary Camara