“Toute âme gouttera la mort” ; un adage auquel n’aura pas échappé Me Drissa Traoré. Ancien ministre de la Justice, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Mali et président fondateur du parti PDP, ce grand défenseur des droits humains a tiré sa révérence le lundi 11 mars 2024 à l’âge de 78 ans. Il a été accompagné à sa dernière demeure, au cimetière de Hamdallaye, par ses camarades avocats et du monde de la justice ainsi qu’une foule variée de parents, amis, connaissances, anciens collaborateurs et camarades de lutte politique, et admirateurs.
La mort a ce don de ramener devant les projecteurs, le temps d’une cérémonie sociale, des êtres perdus de vue depuis belle lurette. Le décès annoncé le lundi 11 mars 2024 de Me Drissa Traoré dans ce jardin secret de la grande faucheuse.
Avocat et homme politique épanoui, celui qui a marqué de son empreinte l’histoire de la démocratie pluraliste du Mali avait laissé la scène politique et professionnelle active depuis une vingtaine d’années. Durant cette période, son nom n’était mentionné ni dans les discours politiques, ni dans les écrits et les débats radio-télévisés, ni même dans les causeries. Toute attitude qui surprit plus d’un à l’annonce de sa disparition en ce jour fatidique du 11 mars qui venait révéler qu’il était toujours vivant.
La levée du corps de l’éminent avocat a eu lieu en présence du gotha des hommes en Noir du Mali. Et, comme il fallait s’y attendre, sa dépouille funèbre a été portée par ses pairs avocats du barreau malien. Me Drissa Traoré repose au cimetière de Hamdallaye auprès d’illustres personnalités à l’image des anciens présidents du Mali Modibo Kéïta, Gal Moussa Traoré, Amadou Toumani Touré et Ibrahim Boubacar Kéïta ainsi que Soumaïla Cissé (Chef de file de l’Opposition) entre autres. Avocat au Barreau du Mali, ancien bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Mali, ancien ministre de la Justice, acteur de premier rang du Mouvement démocratique et président fondateur du parti PDP (Parti pour la Démocratie et le Progrès), il fut un grand serviteur de l’Etat, un grand défenseur des Droits de l’Homme. Le défunt était marié et père de 5 enfants. Quand tomba la nouvelle du rappel à Dieu de Me Drissa Traoré, le département de la Justice et des Droits de l’Homme fut parmi les plus prompts à réagir de manière officielle en ces termes : “Le Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme exprime aujourd’hui sa profonde tristesse suite au décès de l’ancien ministre de la justice et éminent avocat, Maître Idrissa Traoré. Maître Traoré a consacré sa vie à la promotion de la justice et à la défense des droits de l’homme au Mali. Son parcours remarquable, marqué par son engagement sans faille et sa passion pour le droit, restera gravé dans les mémoires. En tant que premier Président de l’Association des Jeunes Avocats du Mali et ensuite en tant que Ministre d’Etat chargé de la Justice et des Droits de l’Homme, Maître Traoré a laissé une empreinte indélébile dans le domaine juridique et politique de notre pays. Sa contribution exceptionnelle à la société malienne, tant sur le plan professionnel que politique, ne sera jamais oubliée. Nous rendons hommage à sa vision, à son dévouement et à sa contribution inestimable à la construction d’un Mali plus juste et équitable. Son intégrité et sa loyauté envers son pays lui ont valu d’être décorer à titre posthume comme chevalier de l’Ordre de national par le Garde des Sceaux. En ces moments difficiles, le Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme adresse ses plus sincères condoléances à la famille Traoré, ainsi qu’à ses proches, ses collègues et tous ceux qui ont eu le privilège de le connaître.
Bardé de diplômes, Me Drissa Traoré était aussi et surtout connu pour son ferme engagement politique et son combat pour la défense des Droits de l’homme. En effet, Me Drissa Traoré était titulaire d’une licence en Droit privé (Faculté de Droit d’Amiens, France), d’un certificat en Criminologie de la Faculté de Droit de Tours (France) d’un autre certificat en Sciences criminelles de l’Institut de criminologie Paris Il (Panthéon-Sorbonne) et enfin d’un Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA) du Barreau du Sénégal. Il était le doyen de l’ordre des avocats du Mali depuis 2003, membre fondateur de l’Association des Jeunes Avocats du Mali. Il a été Bâtonnier de l’ordre des avocats de 1989 à 1991. Ce fervent défenseur des droits humains était une des figures de proue du mouvement démocratique. Il faisait partie de la délégation du Comité de Coordination des Associations et Organisations du Mouvement démocratique qui avait affronté le régime de Moussa Traoré à partir de 1990. L’histoire révèle que c’est Me Drissa Traoré qui avait remis au dictateur Moussa Traoré la lettre lui demandant de démissionner de ses fonctions de président de la République. Il l’avait fait avec honneur et dignité, en compagnie de feus Me Demba Diallo, Abdramane Baba Touré, Bakary Karembé, Mohamed Lamine Traoré et Me Hamidou Diabaté ainsi que Modibo Diakité et bien d’autres. Dans la déclaration, rédigée lors d’un meeting de l’Union nationale des Travailleurs du Mali-UNTM, ces combattants de la liberté, réclamaient “la démission pure et simple du président Moussa Traoré” pour une ouverture démocratique partout au Mali. Aussi, dans cette déclaration, ils avaient réclamé la dissolution de l’Assemblée nationale, l’instauration du multipartisme etc.
Ensemble, ils réussiront à faire partir Moussa Traoré avec le parachèvement, par l’armée avec à sa tête ATT, de la révolution de Mars 1991. A l’instauration du pluralisme politique, il créa, en 1991, avec d’autres camarades, le PDP dont il fut le premier président. Ainsi, il avait été candidat aux premières élections présidentielles pluralistes et démocratiques du Mali en 1992. Il avait obtenu un score honorable, ce qui lui a permis d’entrer dans le premier gouvernement du président Alpha Oumar Konaré, en qualité de membre des Partis signataires du pacte républicain (PSPR).De 1991 à 1993, il avait été nommé ministre d’Etat chargé de la Justice et des Droits de l’homme. Découragé par la chose politique, il démissionnera de la présidence de son parti et créera plus tard le PDA-Dunkafa ton. Petit à petit, il s’éclipse de la scène politique et se fait oublier par l’opinion publique. Jusqu’au 11 mars 2024, et, le clap de fin !
La Rédaction
Paix à son âme. Que la terre lui soit légère.