Elle était dans le bateau qui ramenait le Président Modibo Keita de Mopti le 19 novembre 1968, et heureusement pour elle, le Lieutenant Moussa Traoré, chef de la junte, n’était pas à côté pour entendre les imprécations de celle qui, par affection pour les uns, crainte pour les autres, était connue au bataillon comme la dame de fer. En 1997 par contre, démocratie obligeant, le Président Konaré a dû, lui, voir l’amazone, sous le soleil, conduire les marches de la crise post électorale, au sein du Collectif de l’opposition où elle représentait l’Usrda. Ce parti des soldats de l’indépendance nationale et du rayonnement du Mali, elle en portait fièrement l’Adn. D’ailleurs, ses actes et ses dires s’efforcèrent toujours de rester fidèles à la doctrine de cette mouvance pour laquelle la compromission n’a pas de place. À 91 ans, l’institutrice formée à la prestigieuse école de Sebikotane tire sa révérence au milieu d’une famille qu’elle a su admirablement formater et qui l’aura entourée jusqu’à la fin. Mais les témoignages les plus éloquents sont ceux d’anciens élèves de la défunte, comme ces femmes de Sikasso venues jusqu’à la maison mortuaire ce samedi, dire à ses enfants qui l’apprenaient pour la première fois que c’est grâce à Mme Wane qu’elles ont pu continuer leurs études. Face à la direction française de l’école qui voulait exclure ces femmes, la dame de fer avait dit niet et gagné la partie, comme souvent. Et que dire de tout ce monde dont elle était devenue l’hospice par la force des choses, le cœur sur la main, sa vérité à la bouche, quoiqu’il arrive? Espérons que le vide laissé par la passionaria sera comblé. Elle est partie heureuse dans l’amour de ses enfants, mais elle voulait plus. Elle voulait que prennent fin le délitement des valeurs et les vacillements de la République. Gare à qui en fera la promesse sans la tenir car la Maréchale n’a jamais dormi que d’un œil.
Adam Thiam