Oui. Comme nous à ce journal, beaucoup de nos compatriotes doivent se sentir tristes. Beaucoup d’entre nous doivent se dire « oh j’aurai pu ou j’aurai dû l’aider un peu plus, pour le tirer de la mauvaise passe où, par ses nombreux mystères, la vie sait nous mettre. Ce n’est malheureusement pas le jour, car c’est désormais trop tard. Et il y a eu ici de bonnes âmes qui ont tendu la main à ce géant du folklore mandéka, khassonké et soninké. Quant aux autres, il ne leur appartient pas de juger le défunt. De le juger, de surcroît en ce moment. Personne ne doit le juger, se laisser aller à des propos désobligeants.
Car, nous ne sommes pas les acteurs mais les sujets du destin. Celui de Mangala devait s’arrêter hier à 15 heures, au lieu dit et dans les conditions décidées par Dieu. Sa vie n’aura pas été longue, mais combien d’entre nous peuvent se targuer de l’art et de l’apport de cet artiste à la voix inimitable. Par la fascination de l’art et le choix de s’assumer quoi qu’il arrive, ce noble bon teint de Kénieba a choisi la musique. Il l’a fait d’une manière sublime, facétieuse certes, imprévisible parfois mais absolument doué et capable de nous transmettre un feeling dont peu d’artistes sont capables.
Qu’il chante Yugu Sagué, Salimou, qu’il nous livre ce duo impérissable avec Manian Damba ou ce singulier dialogue de la kora de Toumani Diabaté avec la complainte du Khasso dans Malisadio, qu’il se soit essayé à des rythmes plus swing comme Minye minye, Mangala Camara a fait le bonheur de certains, le délire des autres et le respect de tous quant à son art. Le pays khassonké et mandeka perd un de ses grands ambassadeurs. Que la terre lui soit légère. Qu’il bénéficie là-bas de la béatitude qu’il n’eut pas ici. Et on lui dit non pas adieu mais au revoir puisque nous serons tous rendus, un jour, à la cruelle vérité.
Adam Thiam