Ce nom ne dit pas grand-chose à l’écrasante majorité des moins de vingt ans. Et pour cause. Disparu hier à Paris à 64 ans, le guitariste surdoué qui procédait plus par volutes structurantes que par envolées solitaires n’est pas de la génération -elle aussi très experte- du hip-hop. Il était, plutôt, parmi les icônes des années 1970-1980.
Le monstre sacré de quelques quadras branchés, mais surtout des quinquas ou plus. La Guinée, bien sûr où il est né et qui était, incontestablement, la pépinière des sommités de la guitare (Sékou Diabaté Docteur, Sékou Diabaté Bembeya, Petit Condé et d’autres), mais un grand détour par le Mali. Où il se fondra parce qu’entre le Mali et la Guinée, il n’y a pas deux pays et deux cultures, mais une entité séparée par deux cartes fictives.
La virtuose de la corde allait rencontrer une haute autorité de la voix. Et naîtra alors du fascinant duo Salif Keita-Manfila Kanté la charpente du mythique « les Ambassadeurs du Motel ». L’un vous réduit à néant avec sa voix. L’autre vous ressuscite avec ses doigts. L’art dans sa majesté ! Quoi de plus normal avec un couple princier! Janjon, Primpin, Mana mani, Kolan koma, Toubaka et… le must de tous les temps Mandjou.
Et comme tout finit, qu’il n’y a qu’un pont, comme dit le poète, entre la vie et la mort, que nous passerons tous par là, Kanté Manfila a vécu et terminé sa part de vie. Nous le saluons le chapeau bien bas. Mais son œuvre est là, sublime. Par la magie du Cd et du Vcd, sont désormais capturées ses pincées mélodieuses, des volutes structurantes plutôt que des envolées solitaires, le tout dans le rythme ancré du terroir plutôt que dans les tirades acculturées de la world music. Le Mali a eu récemment le brillant réflexe de le médailler au nom de la République. Une distinction totalement méritée. Kanté Manfila était un grand.
Adam Thiam