Elle n’aura pas eu l’aura de Mama Africa. Et ça ce comprend : cette dernière eut le regard qu’il fallait au moment où il le fallait. Dans la hiérarchie de l’horreur, l’Apartheid ayant été plus visible que le ghetto lusophone. Ensuite,
Et puis, il faut bien le dire, Pata pata et Malaika connaîtront une universalité que n’auront ni Angola ni Sodade, deux titres parmi les plus dansés et les plus écoutés du prodigieux répertoire de la « déesse aux pieds nus ». Mais Cesaria Evora, ne nous y trompons pas, aura été l’une des plus grandes artistes de l’Afrique du vingtième siècle et l’une des plus grandes voix au monde. Par les accents langoureux de la « morna » elle a valsé, comme le voulait ce ver sublime d’U’Tamsi, « au son de la tristesse lente » de son peuple. Elle a exporté, humble mais efficace ambassadrice, son frêle archipel aux quatre coins du monde.
Elle n’était pas dans le maquis avec le Paigc. Mais elle incarne l’âpre résistance des ruelles où les autochtones noyaient leur mal-vie dans la danse et l’alcool, juste le soir, avant de retrouver au matin, le colonisateur portugais et ses proconsuls métissés. Célébrer la star disparue à l’entame de ses soixante-dix ans au moment où le continent s’étripe à Kinshasa, se brade aux multinationales tout en continuant de tendre la sébile à l’occident, c’est célébrer la très rare Afrique qui gagne et qui honore ses enfants.
Les protège et les laisse grandir. Puisque, c’est d’une plume émouvante, c’est Benjamin Chapon qui nous édifie sur une des nombreuses facettes de la diva, dans une de ses chansons : « Si j’avais su/Que les jeunes mouraient aussi/Je n’aurais aimé/Personne/Dans ce monde.» Rappeler cela à l’anniversaire du sacrifice de Bouzizi…
Adam Thiam