Abacar Sidibé est mort dans son bureau hier alors qu’admis à la retraite en début d’année, il était plein de projets. Nous sommes d’accord avec le philosophe lorsque gravement il dit ceci: «quand une vie a été vécue vraiment honnêtement, vraiment avec succès, ou simplement vraiment, la meilleure réponse à la ponctuation finale de la mort est un sourire». Or même si aujourd’hui n’est pas notre jour le plus inspiré car je n’arrive pas à quitter ce grand corps inerte allongé dans son bureau, nous n’en avons pas d’autre pour témoigner.
Et je te porte ici témoignage : Abacar Sidibé, le grand peul fier né et mort pour sa communauté, mort dans la rectitude, dans la haine des compromissions, incapable de toute malhonnêteté mais en même temps qu’il fut un technicien hors pair et un travailleur reconnu. Sa connaissance des questions d’irrigation et d’hydraulique en général faisait de cet ingénieur diplômé en Union soviétique et de Montpellier un expert qui travaillera une dizaine d’années à l’Office du Niger, au Génie rural comme directeur national et comme un des initiateurs du projet Mema Farimaké qui ne vit pas le jour. Sa soif de justice et sa grande connaissance du Nord feront de lui Commissaire du Nord et plus tard le coordinateur pendant plusieurs années d’un projet de développement local dans la Région de Gao. Tout cela n’est qu’un aperçu bien sûr, car personne ne peut résumer la vie professionnelle et le parcours d’activiste d’un homme comme Abacar Sidibé.
Sur un plan personnel, son sens de l’amitié et son intégrité le distinguaient de la plupart des gens. Entier, ses rares défauts naissaient de ses multiples qualités. L’ami qu’il fut et que nous avons vu presque tous les soirs nous emporte un peu avec lui. Comme il emporte avec lui une partie du Gabero sa passion. Cher ami, quelle trahison de partir comme ça, sur la pointe des pieds sans autre au revoir que les boutades amusées de tous les jours, avec ce regard désabusé de tous les jours contre la vanité, la cupidité et l’égoïsme des autres. Merci tout de même bien que tu ne nous aies pas dit au revoir. Merci pour la leçon d’humanité, merci pour avoir démontré à cette jeunesse que l’on peut tenir, servir son pays sans le piller.
Adam Thiam
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