Il y a un an que Mandé Sidibé, ancien Premier ministre, nous quittait le 25 août 2009 à l’âge de 68 ans. Pour honorer la mémoire de l’illustre disparu, parents, amis, connaissances et anciens collaborateurs s’étaient tous réunis au domicile paternel, au Badialan I, hier, jeudi 26 août 2010, pour une lecture du saint Coran. Ce technocrate doublé de politique n’a eu, tout le long de son riche et exaltant parcours, qu’une seule ambition : servir le Mali.
En effet, c’est un aréopage d’érudits qui s’est constitué pour la lecture du saint Coran. Les bénédictions ayant été prononcées par le très renommé prêcheur Mohamed Abou Thiam de la Grande mosquée de Bamako pour le repos de l’âme de cet homme de foi et de conviction au destin exceptionnel.
Licencié en sciences économiques (1965) de l’Université de Paris et Master of Business Administration (International Business, 1974) de l’Université Georges Washington, ce brillant intellectuel a été ce grand commis de l’Etat qui s’est totalement consacré au service de son pays en servant dans des institutions financières, successivement à la Banque de la République du Mali (1965-1967), au Fonds monétaire international (FMI, de 1967 à 1985) puis à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) de 1985 à 1995. Il sera également Conseiller spécial (1996-2000) du président Alpha Oumar Konaré avant de devenir son Premier ministre en février 2000. Et de 2006 à sa disparition, il a été Président du Conseil d’Administration (PCA) d’Ecobank.
Taciturne mais bon de cœur, réservé et prudent comme tout bon banquier, c’est comme par un accident de parcours que feu Mandé Sidibé s’était retrouvé à la tête de l’Exécutif, le 15 février 2000, quand le président Alpha Oumar Konaré l’a choisi pour remplacer Ibrahim Boubacar Kéïta. D’une très grande modestie, l’enfant du Wassoulou, s’est vite attiré l’estime de ses compatriotes quand il s’était attaqué à la réduction du train de vie de l’Etat ; en commençant d’abord par envoyer au parking quelques motards de sa propre escorte.
Nommé à la tête du gouvernement alors qu’une grande confusion régnait dans la Ruche, suite au départ précipité de IBK de la Primature, Mandé Sidibé avait été perçu, à prime abord, comme un Premier ministre de continuité. Surtout qu’après la passation du pouvoir, intervenu dès le lendemain de sa nomination, le nouveau Premier ministre avait rendu une visite de courtoisie au siège de l’Adema, à la direction de ce parti (son parti ?). Le doute sur son appartenance à l’Adema sera levé un peu plus tard. Au dernier congrès du parti de l’Abeille, en 2008, il a été élu à l’un des postes de vice-président du Comité Exécutif.
Servir le Mali et l’Afrique
Dans la salle de réunion située au premier étage, le nouveau Premier ministre du président Alpha Oumar Konaré s’était, lui-même, rendu compte de l’inquiétude que sa nomination avait suscitée au sein du parti. Cela compte tenu de la manière par laquelle IBK avait été remercié. Pour l’Adema, il fallait faire contre mauvaise fortune bon cœur afin de ne pas fâcher le locataire de Koulouba qui savait, d’ailleurs, pertinemment que le départ de IBK de la Primature n’avait pas plu à nombre de barons de son parti.
Et pourtant, l’homme que le président Konaré venait de propulser sur la scène politique allait s’atteler à ce que notre pays retrouve toute sa crédibilité auprès des bailleurs de fonds internationaux. Principalement la Banque mondiale et le FMI avec lesquels le Mali semblait s’être quelque peu brouillé. Devant la l’Assemblée nationale, ne disait-il pas, d’ailleurs : "Nulle autre ambition ne nous guide si ce n’est de créer les conditions d’un développement harmonieux pour plus de progrès et d’espérance, dans l’unité et dans la paix ". Dans sa brochure intitulée "Servir le Mali ", éditée en novembre 2001, dans le cadre de sa candidature à l’élection présidentielle de 2002, il disait : "J’accorderai la plus grande attention à la restauration des valeurs morales et humaines…constitutives des fondements essentiels de notre société et au premier rang desquelles se trouvent l’honnêteté, la vérité, le sens de l’honneur et de la dignité, l’amour du travail, le respect de l’autre, le sens de la solidarité et du partage. L’éducation familiale est le premier creuset de cette renaissance. L’éducation nationale en est l’autre artisan indispensable". Si notre société pouvait revenir à ces valeurs, ce serait la meilleure manière d’honorer la mémoire de ce patriote qui a consacré toute sa vie à "Servir le Mali", l’Afrique et le monde.
Mamadou FOFANA
Le témoignage d’un ancien collaborateur de feu Mandé Sidibé
«Les hommes publics d’aujourd’hui doivent s’inspirer davantage du modèle qu’il a été»
Au sujet de feu Mandé Sidibé, je peux juste dire que c’était un homme exceptionnel. Cela a été dit à suffisance et tout le monde sait aujourd’hui que Mandé Sidibé était un homme bon et un sage.
Le témoignage que je veux faire est personnel. Je ne tiens pas à revenir sur les qualités de l’homme mais juste parler du vide qu’il a laissé auprès de ceux qui l’ont côtoyé et aimé.
On ne se remet pas d’une telle perte, en tout cas je ne m’en suis pas remis. C’est avec le temps que j’ai réalisé que le 25 août 2009 ma vie avait changé et que plus rien ne serait comme avant. J’ai réalisé que je ne recevrai plus jamais les conseils et les avis tellement éclairés de Mandé Sidibé.
L’homme était l’une des plus belles bibliothèques de notre continent, il était tellement accessible, tellement disponible. Mandé Sidibé inspirait ses proches, il vous donnait envie de devenir meilleur chaque jour, non pas seulement sur le plan du travail, mais dans votre vie quotidienne. L’homme n’était pas seulement un brillant intellectuel, il était pétri dans le moule de l’Humilité, de la Sagesse et de la Grandeur.
Chief Sidibé, comme l’appelaient les anglophones, était l’une des plus grandes références morales qu’il m’ait été donné de rencontrer. C’est au contact de cet homme que j’ai compris le sens réel du mot "Noblesse". Mandé Sidibé était un Noble, un Grand Africain, un Grand Malien.
Mandé Sidibé était un homme de valeur
Outre la perte d’un être extraordinaire, ce que je regrette le plus, c’est qu’au Mali il n’y a plus d’homme de la trempe de Mandé Sidibé (ou si peu).
Aujourd’hui, ceux qui sont au devant de la scène nous donnent souvent un spectacle affligeant de notre société et de nos valeurs (partage, honnêteté, humilité). C’est dommage!
Il répétait souvent cette citation de Confucius : "Au lieu de se battre pour acquérir de Grands Pouvoirs, battons nous pour en Etre capables ; et au lieu de revendiquer de Grands Honneurs, faisons tout pour en Etre Dignes".
Je pense que cette phrase est un témoignage éloquent sur la vie de Mandé et de ses principes.
Les hommes publics d’aujourd’hui doivent s’inspirer davantage du modèle qu’il a été.
Mandé Sidibé nous manque et nous manquera éternellement. Le 25 août 2009, il est parti rejoindre Le Très Haut pour occuper sa Place au Paradis.
Puisse Dieu nous donner la force d’être dignes de lui. Je remercie Allah (Loué Soit Il), de m’avoir permis de côtoyer et de travailler avec un tel homme.
Que Dieu t’accorde Sa Miséricorde Infinie, Excellence, et t’accorde le Paradis. Amen !
Aliou CAMARA