Plus qu’une vie, un simple témoignage vivant, je me suis tout simplement demandé comment te pleurer. Permets-moi de trouver la solution toute simple. Simplement témoigner, pour témoigner pour ta postérité. Car plus qu’une vie, ta vie aura tout simplement été un témoignage pour que les hommes voient et y croient,
Croire et comprendre qu’il est possible de vivre dans la droiture,
Croire que l’on peut bien vivre détaché du tout matériel,
Défendre, sans désemparer ses idées et surtout les assumer à toute épreuve,
Ta rencontre tardive, au cours des années 2017 a transformé ma vie,
Quand tu arrivais au Bureau du Vérificateur Général, tu en imposais déjà,
Par ton élégance, ta foi en la droiture, ta foi au Mali tout simplement,
Mais surtout ta foi en cette jeunesse que nous incarnions,
Nous avons ainsi eu la chance d’exécuter des missions difficiles, mais exaltantes sous ta conduite,
J’entends encore cette voix : « Habib, ne laisse personne t’intimider dans ta mission, mais reste courtois en étant ferme »,
Je te revoyais Procureur Général, presque au sommet de ton art,
« Nul n’étant prophète chez soi …», c’est à Ouagadougou à la Cour de Justice de l’Uémoa que je te revoyais, quand ma mission d’avocat m’y conduisait,
Tu m’invitas alors à la rentrée de la Cour, comme par effraction parmi les seuls invités qu’étaient les bâtonniers de l’espace Uémoa,
J’ai été fier ce jour d’être malien,
Je ne réalisais pas encore la chance que j’avais de te côtoyer jusqu’à ce dimanche fatidique,
En effet, j’y ai constaté que tu étais resté le même, tout ce temps,
Monsieur le Procureur du tribunal de Ségou
Président du SAM, Monsieur le chef de cabinet, Secrétaire général,
Monsieur le contrôleur d’Etat,
Monsieur le Vérificateur,
Monsieur le Procureur général,
Monsieur le Président de la Cour de justice de l’Uémoa,
Humble mais ferme, courtois mais véridique,
Incompris de beaucoup de tes collègues et supérieurs,
Tu seras resté le même partout, débout à toute épreuve,
C’est cela qui te vaut aujourd’hui l’unanimité des honneurs et témoignages,
Tu n’auras pas vécu inutile,
Plus qu’une vie, ta vie aura été un témoignage,
Tu n’es pas mort puisque tu as fleuri et donné des fruits,
Tu auras inspiré des générations entières, suscité beaucoup de carrières et redressé beaucoup de collègues,
Pendant qu’on s’apprête à te « porter en terre » malienne, je ne peux que nourrir le seul espoir « que tu puisses germer »,
Il ne me reste qu’à souhaiter que fleurisse tes enfants,
Tu auras accouché des Malick Coulibaly, Nourou Ly et tant d’autres qui feront certainement la fierté du Mali,
Tu auras formé tant d’étudiants, d’auditeurs devenus de grands magistrats,
Tu nous auras aussi laissé des œuvres écrites dont ma préférée, « conjuration »,
Tu peux maintenant avoir droit au repos,
Car pour toi la vie aura été sans nul doute un combat éternel,
Ton combat aura été de vivre « en digne et loyal magistrat »,
En te disant au revoir, permets-moi un dernier plaisir de partager certaines de tes déclarations léguées à la postérité, sur ta conception du Renouveau de la justice:
« Corruption et justice ne font pas bon ménage, tout juge qui est corrompu doit être complètement écarté… » ;
« Quand quelqu’un est en prison dans sa tête…, vous aurez détruit tous les murs qui l’entourent, il sera toujours en prison dans sa tête » ;
« Le ministre a dit, ce n’est pas la Loi qui l’a dit, ce qui vous est imposé, c’est ce que dit la Loi » ;
« Il faut que nous ayons une magistrature réellement débout avec des gens réellement conscients de leur responsabilité » ;
« Souvent, nous sommes dans des connivences qui ne font pas honneur au corps, …On n’a à couvrir personne, quelqu’un qui se met hors la Loi est hors la Loi, on le tape comme un délinquant, comme un vulgaire délinquant »,
Cher ami, ta vie aura simplement été un témoignage biblique!
Merci à ta famille pour l’éducation chrétienne et humaine qu’elle a su t’enseigner,
Vas, tu resteras éternellement grand !
Tu auras résisté à toutes les tentations !
Sois sûr, ton souvenir restera gravé à jamais, dans le cœur des Maliens !
Alifa Habib Koné