Pleins de sincérité et de sévérité mais sans méchanceté, les écrits d’Ousmane ont toujours été dérangeants pour tout dirigeant qui use de ses pouvoirs abusivement.
Pendant son absence illimitée, Oussou restera en nous par ses œuvres de journaliste talentueux et audacieux.
Homme réservé mais humaniste
Originaire du village de Ninga dans le cercle de Téninkou, Ousmane Sow est issu d’une famille monogamique de 9 enfants dont 6 garçons et 3 filles. Son père, Sékou Salla Sow, s’est s’installé, en sa qualité de Chef d’arrondissement, à Boni dans le cercle de Douentza où est né Ousmane un 18 mars 1966. Ce père est prématurément décédé en janvier 1977 à l’âge de 42 ans quand Ousmane évoluait tranquillement dans son adolescence. Son père le cajolait plus que les autres enfants parce qu’il était le seul à être toujours premier de sa classe. Sa très grande frustration causée par le décès de ce père, lui a fait perdre sa première place en classe. La fratrie dont il est le 4eme enfant s’est ainsi contentée de l’attention et de l’affection de leur mère madame Sow Anna qui s’est chargée de leur éducation morale et scolaire. Intelligeant et studieux, ses bons résultats scolaires lui ont valu l’obtention d’une bourse d’études suite à son admission au concours d’entrer au célèbre Centre d’Études des Sciences et Techniques de l’information ( CESTI) de Dakar. Sans altérer son courage, la mort de leur père a si durement et longuement attristé Ousmane qu’il est devenu un homme assez réservé à la limite de la timidité. Dans le journal Les Échos du 4 janvier 2013, selon des témoignages de certains de ses plus anciens camarades, Alexis Kalambry et Idrissa Diouf, notre brillant journaliste « …était méfiant vis-à-vis de l’autre, restant courtois et distant, le temps de connaitre, d’apprécier. Mais, une fois ce mur franchi, quel homme affable, toujours une blague, une anecdote, une histoire à raconter ! ». Dans ses relations socio-humaines, Ousmane s’est toujours érigé contre toute forme d’injustice. Ce que corrobore dans le même journal Les Échos, Moussa Baba Coulibaly qui a été son ami au lycée de Ségou et au Cesti de Dakar : « …Sow avait depuis le lycée une grande connaissance de la marche du monde, au point de créer en lui un esprit rebelle face aux injustices sciemment entretenues par une classe bourgeoise qui ne se lassait pas de sucer le sang du bas peuple…à Dakar, pendant que nous poursuivions nos études de journalisme, Ousmane Sow et moi-même avions pris part en 1990 à la lutte pour l’ouverture démocratique au Mali en signant la Déclaration de Dakar »
Ancien lycéen en série SHT ( Sciences Humaines Terminales), Ousmane était un humaniste convaincu qui s’est toujours battu contre la peine de mort en écrivant : «…je suis foncièrement contre la peine capitale qui ne touche que les individus pauvres, non instruits, ne disposant d’aucun moyen sérieux de défense. Et toutes les études ont démontré que ce châtiment n’est pas dissuasif.», a-t-il écrit dans un article publié en novembre 2007.
Ousmane a été un pur produit de ce CESTI qui a aussi bien formé, avant et après lui, plusieurs bons journalistes maliens et africains. Son diplôme en poche, il a d’abord travaillé à Dakar pendant quelques années, dans des journaux hebdomadaires : « Le Témoin » et le « Cafard libéré » et des quotidiens : « Walf Fadjri » et « Sud quotidien ». Ensuite, il a fait son stage à l’ORTM avant d’entamer ses voyages vers l’inconnu dans des pays occidentaux comme la France, l’Allemagne, le Canada…
Une rencontre hasardeuse mais fructueuse
Aller à l’aventure, c’est quitter son environnement habituel de vie pour tenter à s’installer, pendant une période indéterminée, dans un milieu méconnu avec l’espoir d’améliorer sa condition de vie. Cette vie qui s’use, lentement mais sûrement, sous l’abri indestructible du Temps. Ce Temps solidement confectionné par Hier, Aujourd’hui et Demain. Hier est dérivé d’Aujourd’hui. C’est Aujourd’hui qui fructifie Demain. Hier est l’engrais de Demain.
L’Aventure est une armature pleine de surprises agréables et désagréables. L’Aventure, tout comme la vie, est imprévisible.
C’est en aventure que, Ousmane Sow et moi, Lacine Diawara, nous nous sommes connus. Où, quand et comment ?
C’est Montréal, la grande et coquette ville québécoise du Canada, qui a été par hasard le point de rencontre entre Ousmane et moi. Un heureux hasard par lequel j’ai connu ce journaliste perspicace et efficace avec qui j’avais beaucoup d’affinités. C’était en janvier 2000, j’avais terminé d’interviewer en direct à Radio Centre-ville de Montréal, Henry Dary, un poète et romancier d’origine haïtienne. Avant de s’en aller, monsieur Dary m’a proposé d’inviter à mon émission, Liberté d’expression, un journaliste malien nommé Sow, auteur d’ouvrages : « Touche pas à mon pain » et de « Condamné à mort ».
Bien que je ne l’avais jamais vu, je l’ai appelé et souhaité l’inviter à notre Radio. À ma proposition, il a été hésitant et même méfiant. J’ai été insistant surtout convaincant. Il a enfin accepté de venir à l’émission. C’est ainsi que j’ai, pour la toute première fois, rencontré et interviewé, en janvier 2000, le journaliste Ousmane Sow qui, avant de me connaitre, est devenu citoyen canadien le 9 septembre 1998. Contrairement à la version de ceux qui soutiennent que c’est moi qui ai aidé Ousmane à obtenir ses papiers canadiens.
À mon émission, les propos de Sow ont été tellement impressionnants que de nombreux auditeurs ont demandé et obtenu la rediffusion de son interview. On n’a largement parlé de l’auteur et de son roman résumé par les Éditions 5 Continents sur la page couverture ainsi : « Condamné à mort », 264pp, PB, 1999, nous plonge dans le monde impitoyable de la prison et nous enchaine dans l’infernale machine judiciaire d’un système qui a perdu les pédales et qui ne se voue plus qu’à condamner pour condamner. Une foule hystérique qui, tel un vampire, réclame du sang, un pouvoir qui tremble et cherche un coupable à tout prix. La peine de mort dans toute son horreur. Qui ne distingue plus les coupables des innocents. Ousmane Sow, journaliste de profession, est originaire du Mali. Il vit à Montréal depuis cinq ans et vient de terminer des études en informatique. Il a travaillé au Sénégal dans la Presse quotidienne après sa formation au Cesti. Condamné à mort est son premier roman. ISBN: 2922300080. N° de réf. du libraire 124752 », a mentionné l’éditeur.
Depuis cette entrevue qui m’a été accordée en direct par Ousmane, nous sommes devenus de grands amis, des confidents et même des complices. On ne pouvait plus passer un seul jour sans se voir ou au moins se parler sauf quand il est parti à Paris pour travailler au journal Jeune Afrique dans le cadre d’un court contrat renouvelable. Ousmane a préféré revenir à Montréal pour occuper le poste de Rédacteur en chef du journal Diplomate. À ce titre, il a interviewé plusieurs personnalités diplomatiques et politiques au Canada dont le Premier ministre canadien Jean Chrétien. Par son canal, j’ai été journaliste-Reporter dans ce groupe de communication Diplomate. Il s’est trouvé parmi les rares auteurs immigrants africains que des quotidiens montréalais, comme le Journal de Montréal, la Presse, Métro et autres publiaient. En même temps, il écrivait et envoyait ses articles au quotidien malien, Les Échos.
Journaliste talentueux et audacieux
Dans le domaine de la communication médiatique, il est certes, bon d’avoir la capacité d’écrire souvent, mais toujours mieux de posséder la facilité de se faire bien comprendre à travers les traces de sa plume ou les sons de son micro. Se faire bien comprendre par les lecteurs et auditeurs, est une dure épreuve pour nous, les hommes de médias. Car, dans nos œuvres narratives, descriptives et analytiques, il nous est difficile de rester simples sans être simplistes. En évitant de devenir simplistes, nous prenons, consciemment ou inconsciemment, l’élan du pédant. Comment alors éviter de patauger dans le simplisme ou le pédantisme communicationnel ?
Ousmane Sow a été parmi les bons communicateurs, très intelligents, qui ont su bien garder leur équilibre sur la mince ligne qui sépare le simplisme du pédantisme. Comme l’a si bien précisé, dans Les Échos du 4 janvier 2013, Sory I. Keita de l’ORTM : «…Les médias aussi ont leurs faux-lents, ceux-là qui ont une intelligence au-dessus de la moyenne, mine de rien, ne laissant transparaitre aucune trace sur le visage. Et Ousmane Sow était de ceux-là ». Pour clore cette série de témoignages dans le journal ci-haut cité, voici les impressionnantes remarques de Abdoul Karim Dramé dont la plume est attirante et piquante : « La mort vient de faire étalage de toute son atrocité en nous arrachant la plus grande plume de notre pays: Ousmane Sow », a-t-il écrit avant d’argumenter ses propos dans le corps de son texte : « Mon enthousiasme pour le professionnel de l’information qui avait un réel talent pour le journalisme, est fondé sur les capacités de l’homme de donner à l’étymologie de ce mot, toute l’étendue de son sens. Journaliste signifiant analyste d’un jour, les articles d’Ousmane étaient tous d’une qualité à nulle pareille. Sow prenait toujours soin d’enrober ses articles de jugeote avant de les servir aux lecteurs ». Affectueusement appelé Oussou dans le milieu parental, Sow s’est doté d’impressionnantes expériences africaines et internationales.
Dans les entrailles de ce talentueux et audacieux journaliste, se trouvait un humaniste qui a toujours tempéré sans diminuer la rigueur de sa plume.
En 2007, nous sommes venus ensemble à Bamako, Ousmane et moi, en mission de 3 mois (mars-mai) pour effectuer des reportages sur l’élection présidentielle malienne. Nous logions ensemble dans une villa à Garantiguibougou et faisions nos déplacements ensemble dans une auto personnelle.
En pleine période de campagne électorale, précisément le vendredi 13 avril 2007, le journaliste écrivain a fait le lancement, au Centre Djoliba de Bamako, de son livre : « Un para à Koulouba, Chronique d’une nation à repenser » qui a été publié par les Éditions Jamana du Mali. Sa photo, à la Une de ce numéro d’Option, a été prise avec mon appareil amateur ce jour là. Armé de mots, Ousmane a sévèrement combattu ces maux maliens : « Les milliards qui ont disparu sont ces sommes, qui devaient servir à bâtir des hôpitaux, à irriguer l’office du Niger, à traiter les malades qui meurent devant l’hôpital Gabriel Touré par manque de soins, à construire des écoles et offrir à nos enfants, ceux qui feront le Mali de demain, une éducation de qualité, aux antipodes de l’enseignement au rabais, qui est en train de saper les fondements de la Nation », a-t-il tiré avant de sabrer : « ATT est un mauvais président ! ».
À travers les responsables des équipes de campagne, nous avons tenté d’obtenir une entrevue de chacun des huit candidats à l’élection présidentielle de 2007. Les six candidats qui ont bien voulu s’entretenir avec nous sont, dans l’ordre alphabétique : Ibrahim Boubacar Keita, dit IBK du RPM, Madiassa Maguiraga du PPP, Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise du CDS, Oumar Mariko du SADI, Soumeylou Boubeye Maiga de la Convergence 2007, et Tiébilé Dramé du PARENA.
Quant aux candidats Amadou Toumani Touré dit ATT du Mouvement Citoyens et madame Sidibé Aminata Diallo du REDD, ils ont tous deux décliné notre offre d’entrevue. C’est normal, car logiquement et démocratiquement chaque personne est totalement libre de choisir son ou ses interlocuteurs.
Envisager l’option du retour au Four
Entre Ousmane et moi, ce mot Four n’indique qu’un pays matériellement pauvre à développer. Par contre, nous qualifions de Frigo les pays riches comme le Canada qui, ayant atteint le sommet du développement, ne font que conserver dans le frigidaire leurs acquis matériels, scientifiques et techniques. De surcroit, le Canada est un pays où le froid de la neige dure pendant longtemps dans l’année.
Depuis que nous nous sommes connus dans ce pays de neiges abondantes, nous avons ensemble milité dans certaines associations dont la plus récente est RISDA-MALI ( Regroupement International pour la Solidarité, la Démocratie et le Développement en Afrique). Ce Risda-Mali qui rassemble des africains et africanistes a été fondé au Canada en juin 2006 avant d’être enregistré au Mali en Mai 2009. En ma qualité de président du Risda-Mali, une association sans but lucratif, Ousmane qui assumait la vice-présidence me rendait la tâche très facile.
Après notre séjour bamakois mouvementé par la période électoral, nous sommes revenus ensemble, en fin mai 2007, à Montréal pour reprendre nos boulots sans interrompre les envois de nos contributions à des journaux maliens. Juste une semaine après notre retour à Montréal, Ousmane m’a appelé pour me proposer qu’on se rencontre dans le parc Jarry afin de discuter tranquillement sur l’orientation à donner à notre avenir commun.
Dans l’après midi du dimanche 10 juin 2007 nous étions assis dans ce parc quand Ousmane engagea les discussions : « Bien avant notre séjour de trois mois au Mali, jusqu’à maintenant nous nous sommes entendus sur la nécessité de notre retour au Four au sens propre et figuré…Nous devons nous donner un échéancier pour atteindre cet objectif commun…je te propose qu’on retourne au Mali avec femme et enfants dans 18 mois, précisément avant le 31 décembre 2008…qu’en penses-tu ?»
Sa question ne concernait que la date du retour car, il n’avait aucun doute sur ma ferme volonté d’aller avec lui dans ce Four
J’ai alors dit à Ousmane, mon confident, que je ne souhaite pas du tout qu’on retourne au Mali les bras ballants. Car, nous critiquons tellement les dirigeants que nous devons apporter concrètement quelques choses à la jeunesse malienne. Pour ce faire, je lui ai demandé qu’on se donne une année de plus, c’est-à-dire reporter sa date proposée au 31 décembre 2009. Il a accepté ma proposition de date sans hésitation. J’ai alors rappelé à mon ami que nos sommes d’argent économisées ne nous feront pas vivre pendant longtemps dans le Four. Je sais aussi qu’écrire est une passion pour toi et moi, nous sommes tous deux auteurs de romans, d’Éssais et de recueils de poésie sans compter les articles de journaux que nous envoyons souvent à Bamako pour publication. As-tu finis de faire la charpente du journal que tu souhaites qu’on anime ensemble au Mali ? « Pas encore, mais je vais, sans tarder, faire le Projet de création d’un journal au Mali avec un budget détaillé qui sera soumis à ton appréciation », a-t-il précisé. Je lui ai promis d’écrire de, mon côté, un Projet d’encadrement et d’employabilité des enfants démunis. Ceux-ci seront orientés majoritairement vers la production agricole que j’ai titré : Projet enfance contre délinquance. Avant de se quitter, Ousmane m’a dit : « J’ai appris que la Fondation des parlementaires québécois peut faire des dons de matériels scolaires aux pays en développement. Ayant de bonnes relations avec les dirigeants de cette Fondation, peux-tu leur demander au nom du Risda-Mali des livres pour nos élèves et étudiants maliens ? », m’a-t-il fait cette proposition que j’ai bien acceptée.
Un an plus tard, en juillet 2008, nous avions remarquablement avancé dans la préparation de nos trois principaux projets. Quant à leur finalisation pour les mettre en application, quelques difficultés financières nous ralentissaient. On s’est donné l’espoir que grâces à nos bonnes relations au Canada et au Mali, les solutions seront trouvées.
Concernant le futur journal, nous avons décidé de chercher son financement au Mali. À défaut, nous l’éditerons au cours des deux premières années avec nos propres économies. Mais, nous ne nous entendions pas sur le nom à donner au journal. Sur les 5 noms proposés par nous-mêmes, nous avions éliminé 3. Les 2 noms, un de Ousmane et l’autre de moi, nous divisaient vraiment. Un jour, nous avons été rendre visite à une personnalité malienne (une femme grande lectrice) dans le salon de sa chambre d’hôtel à Montréal où elle était en mission de deux semaines. Au moment où nous nous apprêtions à quitter cette femme bien connu au Mali, Ousmane à proposer qu’on lui soumette les deux noms pour qu’elle fasse un choix qu’on acceptera tous deux. J’étais d’accord. Sans savoir quel nom est la préférence de qui, la femme a bien regardé les deux tous en français, avant de choisir OPTION. C’était le nom de mon choix que Ousmane à immédiatement entériner en ces mots « Tu avais raison, on retient OPTION.» Quant au projet d’encadrement des enfants « Enfance contre délinquance » dont le corps a été écrit par moi et le budget fait par Ousmane, aucune subvention n’était obtenue. Une consolation, la Fondation des Parlementaires nous informe qu’elle terminera, en juillet 2009, la préparation et l’emballage de nos 25 000 livres neufs demandés. Nous avons envoyé notre conteneur de livres par bateau à Bamako via Dakar.
Maintenant dans le Four
Fin décembre 2009, embarqués dans l’avion au Canada, nous étions assis, l’un à côté de l’autre, pour la même destination Mali après escale au Maroc. Dès notre arrivée à Bamako, nous avons habité dans la même maison, chacun dans sa chambre. À cause des tracasseries douanières au port de Dakar, notre colis de livres n’a pu être acheminé à Bamako que le 16 février après mon séjour de 10 jours à Dakar pour remplir des formalités. Nos 25460 livres d’une valeur monétaire de 218 millions de francs cfa sont un don de notre association aux élèves et étudiants du Mali. Ainsi, nous les responsables du Risda-Mali avons remis, la totalité des livres, aux dirigeants de la Fondation pour l’Enfance Mali pour une distribution gratuite aux élèves et étudiants maliens. C’était le 23 mars 2010 dans la cour de cette Fondation à Bamako lors d’une cérémonie largement médiatisée.
Nos membres du bureau du Risda-Mali, Youssoufou Diallo, Secrétaire à l’information, Issa Macalou, Secrétaire aux finances ( ils sont tous deux mes amis d’enfance) et autres sont parvenus à obtenir un récépissé et à faire connaitre le Risda-Mali. C’est dans le grand local de Youssoufou Diallo, aussi Directeur de publication de DIBI FARA que les rencontres et réunion du Risda-Mali se tenaient. Ousmane, vice-président et moi président du Risda nous travaillions régulièrement avec Youssoufou et sans obtenir de financement ni pour le projet Enfance contre délinquance ni pour lancer le journal. Début mars, avant le dépôt de notre demande de « Récépissé de déclaration portant création de journal», j’ai dit à Ousmane Sow d’occuper le poste de Directeur de publication, il a répliqué : « C’est toi président du Risda-Mali qui doit être à ce poste de Directeur…». Je l’ai tout de suite interrompu en précisant que personne ne peut bien accomplir cette tâche mieux que lui. En journalisme, tu as un don très rare. Donc tu dois t’assumer, lui avais-je dit avant d’avoir son accord en ces mots « J’accepte volontier le poste. Chacun de nous doit s’investir dans la recherche de financement »
Quelques temps après, Youssoufou Diallo est venu me demander, en présence de Ousmane, quel poste il occupera ? J’ai commis une bévue en lui disant qu’il sera le rédacteur en chef sans demander préalablement l’avis du Directeur de publication qui n’a fait aucune objection. Quand on s’est retrouvé à deux, Ousmane m’a dit : « Tu t’es trompé. Dans l’organigramme du journal que j’ai préparé depuis Montréal, il y a un Secrétaire de rédaction mais pas un Rédacteur en chef. On laisse faire comme ça. C’était tout simplement pour attirer ton attention…». J’ai été très mal à l’aise d’avoir rapidement répondu à une telle question sans le consulter. Depuis lors, je me référais à lui pour toute prise de décision, si petite soit-elle, concernant le journal OPTION dont le récépissé a été obtenu le 09 avril 2010 suite à une demande que j’ai déposé en mon nom sous sa recommandation. Trois semaines après, le 04 mai 2010, notre premier numéro est sorti. Le titre à la Une et la plus part des Bulles ont été rédigés par Ousmane Sow. Grâce à son style très particulier, le journal Option a été très vite apprécié par un grand nombre de lecteurs. C’est ainsi que le fulgurant Mamadou Doumbia qui présente la presse écrite à la Radio Klédu n’a pas hésité de dire souvent : « OPTION, C’est le journal des gens instruis » sans connaitre aucun d’entre nous. En juillet 2012 Ousmane et moi nous n’habitions plus ensemble pour des raisons de rapprochement familial mais nous nous voyions au moins une fois par jour. Quelques moi après, Youssoufou Diallo n’était plus dans l’effectif du journal Option pour des raisons que je n’évoquerai pas ici.
En juin 2011, Ousmane sentait souvent des ennuis de santé au niveau de son thorax qui ne l’empêchaient pas de travailler normalement. Vers la fin de juillet, il a été gardé dans une clinique pour toute une nuit. Le malaise thoracique de notre Directeur de publication s’est accentué malgré les analyses faites et les médicaments prescrits qu’il prenait. Ousmane maigrissait rapidement. Il avait de la difficulté à conduire son auto. Je l’ai pris dans la mienne pour des analyses approfondies dans le département de la cardiologie de l’hôpital du Point G. Le médecin spécialiste a décelé la vraie nature du mal : Infection pulmonaire aigue due à la consommation abusive de la cigarette. Il a exigé l’hospitalisation immédiate de son patient. Je suis resté à son chevet pendant dix jours. L’option de son évacuation vers le Canada a été envisagée. Il m’a dit qu’il ne veut pas y aller. Je l’ai convaincu, il a accepté. Dans l’aéroport de Bamako-Sénou, il a souhaité avoir un moment pour parler à moi seul : « Je te demande seulement deux choses : Il faut surveiller souvent mes trois enfants mineurs pour leur bonne éducation. Enfin, fais tout pour que notre journal OPTION ne disparaisse pas. Car, je sais que c’est fini pour moi.» Je lui ai dit de ne pas être si pessimiste. « Ousmane, je suis sûr que tu reviendras à Bamako en bonne santé ». Il m’a calmement répondu : « Je sens beaucoup plus de douleur aujourd’hui que les jours précédents. C’est ma fin qui est proche ». Je lui ai dit une blague, il a fait légèrement un sourire. Dès son arrivée à l’aéroport international de Montréal, il a été immédiatement conduit dans une ambulance à l’hôpital. Il y a subit deux opérations chirurgicales. Sa santé s’était en ce moment nettement améliorée.
Un an après son retour à Montréal, il m’a dit qu’il a pris des surplus de poids nécessitant qu’il fasse de la culture physique pour en perdre un peu. Puis, il m’a donné raison en ces termes : « heureusement que tu as insisté pour que je vienne me soigner ici, dans quelques semaines, c’est-à-dire dès après ces fêtes de fin d’année, j’irai faire un séjour à Bamako »
Information surprenante et embarrassante
Dans la nuit de ce lundi 24 décembre 2012, le climat était clément envers les populations de Bamako. On pouvait porter une simple chemise ou camisole pour se promener sans avoir froid. Sur une terrasse, assis autour d’une table avec mon ami Aliou Badara Diarra, je sirotais un jus de pomme quand mon téléphone a vibré vers 22 heures correspondant à 17 heures au Canada. Bien que le numéro de l’appelant n’était pas visible, j’ai pris l’appel :
– Papa c’est moi… à Montréal
– Oui j’ai reconnu ta voix.
– Je suis à l’hôpital avec maman
– C’est toi qui est malade ou ta mère ?
– Nous sommes ici pour tonton Ousmane dont la santé s’est gravement détériorée
– Quelle brusque détérioration, passe lui le téléphone pour qu’il m’en parle
– Mes collègues m’ont dit qu’il ne peut plus parler aux gens
– Écoute moi, étant une employée de l’hôpital, dis au médecin que c’est ton père qui, à partir d’un autre pays, veut parler à son ami intime
– Malheureusement, tonton Ousmane n’est plus capable de parler, il est en phase terminale. J’ai été informée qu’il ne lui reste plus que quelques heures à vivre. On veut savoir à temps la décision de sa famille si son corps doit rester ici ou être rapatrié ?
– Donnez-moi le temps de faire des prises de contact et rappeler moi plus tard.
Ainsi, par devoir, elle m’a donné une information qui m’a profondément bouleversé et lourdement embarrassé. Bouleversant parce qu’il s’agit des derniers moments d’un intime ami, d’un confident et surtout d’un complice. Très embarrassant dans la mesure où il est plus facile d’annoncer le décès que de propager la grande probabilité de la mort d’un être très cher. Sans oublier qu’il y a une possibilité, si mince soit-elle, qu’une personne mourante se rétablisse péniblement mais progressivement.
J’ai instinctivement pensé à avoir l’avis de deux de nos amis communs de longue date, Alexis Kalanbri, l’actuel rédacteur en chef du quotidien les Échos et Hamidou Konaté président de la Coopérative culturelle Jamana. J’ai passé une très longue nuit d’insomnie émaillée d’anxiété. Physiquement et moralement abattu par le manque de sommeil dû à l’inquiétante nouvelle que je traine depuis des heures, j’ai nonchalamment quitté le lit. Face au lourd devoir de parler de la dangereuse complication de la santé de Ousmane à ses parents, j’ai demandé à son grand frère, Amadou «Vieux» Sow, de bien vouloir accepter qu’on discute en dehors de leur famille. Je ne voulais pas que leur vieille maman soit heurtée par cette nouvelle. Nous nous sommes alors rencontrés, vers 13 heures, sous l’ombre d’un arbre au flanc du CICB. De la situation, lui et moi, nous avons ensemble parlé au téléphone avec tous les frères et sœurs de la famille y compris, Bouba Sow, leur petit frère qui est installé en France. Au terme de longs échanges entre nous, le grand-frère de Ousmane, surnommé Vieux, a été chargé de préparer moralement leur mère dans l’attente d’une bonne ou mauvaise nouvelle du patient qui a perdu connaissance depuis quelques jours. Même si la probabilité est très faible, il n’est pas exclu que Ousmane sorte de son coma malgré la triste estimation des médecins spécialistes. Ceux-ci sont, comme leurs patients, des mortels, donc capables de se tromper. J’ai continué à espérer, de tout cœur, que le cas de Ousmane soit parmi les rares estimations médicales erronées. La famille du patient et moi, nous ne pouvons, sans désespérer, qu’attendre.
Le temps d’une telle attente ne fait qu’étendre dans le corps et le cœur de chacun de nous une température forte et inattendue. Chaque minute qui passait augmentait ma fébrilité quand un appel d’un numéro de Montréal faisait vibrer mon cellulaire vers 16h30 heures de Bamako et 11 heures 30 à Montréal. Très angoissé, je l’ai laissé vibrer jusqu’à l’interruption de l’appel. Moins de deux minutes, le même numéro réapparait sur mon cellulaire. Avec courage, j’ai enfin décroché pour avoir sur mon ami une bonne ou mauvaise nouvelle :
– …Diawara, la nouvelle n’est pas bonne…ton ami a rendu l’âme vers 11 heures du matin heures d’ici
– Entre hier soir et ce matin, c’est trop vite. Ta source est-elle très sûre ?
– J’étais moi-même à l’hôpital…
– Dieu est grand ! Je vais informer sa famille et certains de ses amis ici à Bamako.
C’est seulement avant-hier dimanche 03 février que j’ai participé, dans sa grande famille, à la cérémonie de sacrifice du quarantième jour de sa disparition physique de mon ami et de mon confident. Nous sommes venus ensemble dans le Four, il m’y a laissé seul. Avec lui, il est parti avec une bonne partie de ma force morale. Selon sa dernière volonté, Ousmane Sow a souhaité être enterré à Montréal parce qu’il ne voulait plus déranger les parents, amis et connaissances au Mali. Cette volonté a été respectée.
Ousmane, reposes toi tranquillement, éternellement. Tu as été un homme courageux et incorruptible. Je ne sais pas ce que je deviendrai sans toi dans ce Four mais j’essaierai de faire tout mon possible pour y rester comme tu me l’as dit à l’aéroport de Bamako-Sénou.
Lacine Diawara, Option.
vendredi, j’étais entrain de lire: y a-t-il un avenir pour le mali?
je crois que ce mr est plus que journaliste-écrivain. paix à son ame.
il a dit, att n’est pas un bon président.
La vie est ainsi faite. Quelqu’un racontera pour nous aussi un jour. Il a au moins laissez son empreinte et de façon positif ici bas. Que Dieu lui ouvre son paradis.
Que c’est triste le destin. Dieu fait toujours ce qui est bien pour nous. Ce fut son choix de s’en aller en silence. J’étais à la Mosquée le jour où les musulmans de Montreal ont prié sur son corps, il y avait foule, la dureté de l’hiver n’a pas été un frein à l’affluence. Mes condoléances à sa famille et à ses proches. Soyez forts, il vous regarde. Qu’il repose en paix.
Que son ame repose en paix. Jai eu a apprecier la grandeur de son esprit par ses ecrits.
Paix à son ame. C’est un promo du lycée régional de Ségou (actuel lycée CAbral). Il a été admis au CESTI en 1987 rn meme temps que Hawoye Touré et Moussa Baba Coulibaly tous du meme lycée.
Dors en paix.
Je proposerais à “Optio” de publier quelques une de ses “Bulles” en sa memoire à chaque nouvelle parution.
QUE Son âme repose en paix. Option était mon journal préféré à l’époque. Je comprends maintenant pourquoi sa parution s’était interrompue. Courage pour la suite.
C’est une grande perte pour nous tous.La plume et la probité de Ousmane étaient un exemple.Sa semence nous manquera pour toujours.
Seule la foi nous permettra de tenir le coup.
Diawara, merci de transmettre mes sincères condoléances à la famille de notre cher Ami.
Je prie Dieu de lui accorder son Paradis !
Repose en paix grand soldat !
Djandjon pour Ousmane SOW !
Bokar SIDIBE
Que la tere lui soit legere
QUE LE TOUT-PUISSANT L’ACCUEILLE DANS SON PARADIS.
LE MALI A PERDU UN GRAND HOMME. NOUS QUI SOMMES VIVANTS AUJOURD’HUI, SOYONS COURAGEUX ET FAISONS TOUT POUR CONTINUER A SERVIR LE MALI.
M. DIAWARA DU COURAGE, C’EST PAS FACILE DE PERDRE UN AMI SI CHER…
A TOUTE SA FAMILLE NOS CONDOLEANCES LES PLUS ATTRISTEES.
Une excellente plume ce cher défunt Mr Ousmane Sow.Que la Terre lui soit legére.
Que son âme repose en paix.
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