Le dimanche 8 mai 2022, Mohamed Cheick Tabouré, l’une des plus grandes figures politiques, syndicales et intellectuelles de notre pays, tirait dans la plus grande discrétion, sa révérence des suites d’une longue maladie, à soixante-quatorze (74) ans.
On peut être un militant de la justice sociale et économique, mais rarement on peut atteindre le degré de combativité et d’engagement de Tabouré. Tant l’homme croyait à la lutte comme seul moyen pour les peuples de faire des conquêtes en vue de transformer les structures politiques, sociales et économiques (laissant encore à désirer) et avait des convictions profondes pour son pays.
De Bamako, à Dakar et en France, l’homme y a posé des actions politiques d’envergures qui lui ont souvent beaucoup coûté. Le front politique, social et syndical, lui était familier. Lui qui s’est toujours dédié corps et âme pour la défense des masses laborieuses, dont il voulait l’affranchissement des jougs de la bourgeoise politico-affairiste et compradore à travers l’instauration d’une démocratie socialiste.
Acteur politique de premier plan de l’histoire politique contemporaine, ce fils de cheminot, né le 16 mai 1948, à Toukouto, était aussi un acteur du mouvement social, ayant participé à toutes les luttes sociales pour la défense des intérêts catégoriels des travailleurs de l’Huilerie cotonnière du Mali (HUICOMA), de la Régie du Chemin de Fer, des ouvriers de Morila, et des immigrés expulsés. À son actif plus de cinquante ans de vie militante intense pour l’édification d’une société démocratique, socialiste, dans laquelle la richesse nationale ne serait pas concentrée entre les mains d’une infime minorité, vouant à la misère l’écrasante majorité.
Avec le Comité de Défense des Libertés Démocratiques (CDLD) en France et le journal Sanfin (La nuée) qu’il fonda, en 1989, comme organe de propagande pour la mise en place du mouvement ouvrier et populaire, Tabouré joua un rôle déterminant dans la lutte du mouvement démocratique contre la dictature militaro-bourgeoise de la clique CMLN /UDPM du général Moussa Traoré.
Derrière sa carapace de militant engagé, se cachait un homme affable, avec de grandes qualités humaines et sociales. Militant anti-impérialiste, panafricaniste, tiers-mondiste, pour l’union libre des peuples libres, Tabouré et moi, nous nous sommes connus dans le feu de l’action politique. C’était en 2004 à l’Espace d’expression démocratique Kayira, haut lieu de discussions et de remise en cause de l’ordre établi. Lui était du Groupe Sanfin et moi du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI) dans lequel j’ai milité dix-huit (18) hivernages durant.
Séduit par ses prises de positions courageuses et remarquables sur les grandes questions nationales et internationales, je pris contact avec lui. Au fil du temps, s’est établie entre nous une relation de camaraderie cordiale, franche et sincère, ayant résisté à l’usure du temps. Je lui vouais une énorme estime au point de verser dans l’idolâtrie, lui, me témoignait aussi une grande affection, cela malgré l’énorme écart d’âge qui existait entre nous.
Des fois, je l’envoyai des contributions sur les questions de gouvernance dans son journal «Sanfin» qui relayait nos luttes. Ensuite, je l’aidais à l’écouler (Le journal Sanfin) au cours des marches, meetings et conférences-débats. Nous nous rencontrions souvent pour échanger sur la situation nationale, les perspectives de développement des luttes démocratiques et populaires….
Tabouré est parti dans ce lieu de repos éternel en un moment où les forces progressistes et patriotes et le pays (en pleine transition politique marquée par le recul des conquêtes démocratiques) en proie à une guerre impérialiste imposée, greffée aux conjectures internes, avaient plus que jamais besoin de ses analyses incisives et lumineuses.
Tabouré, les autorités en charge de la nation n’ont pas voulu t’honorer à la hauteur de ton engagement. Mais rassure-toi, tes amis, collègues, ta famille biologique, et les militants politiques et syndicaux de tout bord, se sont massivement mobilisés pour t’accompagner en ta dernière demeure, où tu reposes pour l’éternité dans le Panthéon de l’imaginaire populaire auprès de tes camarades de luttes patriotes tels que: Gabriel d’Arboussier, Tiémoko Garan Kouyaté, Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni, Pr Kari Dembélé, Ibrahima Ly, etc.
Adieu camarade
À un de ces jours !
Alpha Sidiki SANGARÉ