Mangala était un artiste très talentueux qui avait une des plus belles voix africaines. Il avait un look très artistique qui vivait l’art dans toute sa vivacité et sa splendeur. En un mot, il incarnait l’art. Moi, particulièrement, je l’ai connu il y a peu de temps.
J’ai produit trois de ses albums ”Mousagué”, ”Fitriwalé” et ”Kélé Magni” avec l’intermédiaire de son producteur qui était en France. J’ai assisté à de nombreux spectacles qu’il a donnés à Paris. C’est à la suite d’un spectacle qu’il a donné au Bateau phare, en face de la bibliothèque nationale à Paris, que j’ai décidé de l’encadrer. Je l’ai ensuite confié à une amie pour le suivre. A l’époque, comme je travaillais avec la Fondation Partage, j’ai fais venir Mangala pour spectacle de la Fondation. Après cet événement, il est resté à Bamako pour d’autres spectacles. Ensuite, il a voulu rentrer en France, malheureusement son titre de séjour était périmé, ce qui l’a donc obligé de rester au Mali. C’est ainsi qu’il a commencé à travailler avec Toumani Diabaté, jusqu’à son précédent album ”Miyé Miyé”, une œuvre produite par Syllart Production. C’est dommage pour lui, car il venait à peine de finir son dernier album. Mais ce que Dieu fait est bon. Nous allons gérer et préserver l’héritage qu’il nous a laissé. C’est un artiste qui a laissé ses empreintes sur la musique malienne durant ces dernières années. Il était le meilleur à cause de son look, sa taille et son style. Il était un artiste complet. Mangala fut un artiste qui a inspiré beaucoup de grands noms de la musique, en Europe comme en Afrique. Il a fait des compositions pour de nombreux artistes en Europe. En un mot, en tant qu’artiste, il a dominé la musique malienne. Il était un rebelle. Il n’aimait pas l’injustice, la dictature et était contre le comportement des occidentaux pour les politiques d’immigration. Il défendait aussi la cause des noirs et conservait toujours ses valeurs culturelles. Comme je l’ai dit au départ, le flambeau qu’il a laissé nous allons toujours le laisser allumer et cela ne se fera qu’avec le soutien de tous les artistes".
Soufiana Kaba, responsable du studio Bogolan et co- producteur du nouvel album de Mangala :
"Cet album, s’il sortait de son vivant, allait une fois de plus apporter un plus à sa starmania"
Bamako Hebdo : Vous avez travaillé avec Mangala Camara dans son nouvel album, si on vous disait de juger l’artiste?
Soufiana Kaba: Mangala Camara, à part de sa vie privée, est un homme extraordinaire. Durant les 20 jours de l’enregistrement de l’album, tous les musiciens qui ont participé à cet album ont tous joué gratuitement. On a passé de bons moments ensemble. C’est au studio que j’ai réellement connu le vrai Mangala. C’est quelqu’un de très sympa, il est sans problème.
Pouvez-vous nous parler de ce dernier album?
Ce dernier opus de Mangala est baptisé ”Renaissance” et comporte douze titres. C’est un album réalisé en live, sans programmation. Cet album, s’il sortait de son vivant, allait apporter un plus à sa starmania. C’est dommage pour lui, mais tout ce que Dieu fait est bon. C’est un album qui a été entièrement financé par l’un de ses fans, et gratuitement. Un album qui a aussi vu la participation de Mamadou Diabaté, le Grammy Award. Cette œuvre, dès sa sortie, sera un succès. Les Maliens verront un autre Mangala à travers cet opus. Il est le seul artiste au Mali qui a une voix unique et rare. Il était le ”off” comme on le dit.
Après cette triste stratégie, quel sera l’avenir de cet album?
Pour l’instant, je suis en pourparlers avec celui qui a financé l’album pour voir quelles sont les mesures que nous allons entreprendre. De son vivant, il voulait que l’album sorte à la veille du Cinquantenaire, mais compte tenu des activités qui étaient au programme des festivités, on avait préféré commencer la promotion en octobre. Et programmer la sortie officielle en fin d’année. Vue la triste situation, on va attendre un peu pour voir ce qu’on va faire. Sinon, le producteur de l’album disait qu’après la sortie, tous les revenus étaient pour Mangala. Il ne voulait rien en retour. Après une dernière concertation, Mangala a souhaité que l’album sorte et que les revenus reviennent à sa femme et à ses enfants. J’aimerais dire aux Maliens de nous aider, dès la sortie de l’album de l’acheter avec le sticker du Bureau malien des droits d’auteur, afin que les fonds reviennent à la famille de Mangala.
Fantani Touré, artiste-chanteuse et secrétaire générale de la Fédération des Artistes du Mali (FEDAMA) :
"Je n’ai jamais aussi entendu un artiste parler mal de Mangala à plus forte raison être entre conflit avec lui"
Moi j’ai connu Mangala Camara, il y a plus de 15 ans. D’abord chez Toumani Diabaté avec le groupe Symetric Orchestra. En ce temps-là, on jouait ensemble à Akwaba et au Hogon. Au-delà de cel,a on a beaucoup travaillé ensemble. Notre dernière collaboration était lors de la Nuit des artistes du Mali, organisée par la FEDAMA. Mangala Camara était un homme très sociable. Tout son problème était entre lui et lui-même. Sa vie privée ne concernait que lui-même. A ma connaissance, il n’a jamais fait du mal à un artiste ou à quelqu’un. Et je n’ai jamais aussi entendu un artiste parler mal de Mangala, à plus forte raison être entre conflit avec lui. Entre lui et moi, il n’existait que de très bons rapports. Il avait beaucoup de respect pour moi. C’est l’une des meilleures voix de la musique que le Mali vient de perdre. Au-delà du Mali, il était aussi l’une des meilleures voix d’Afrique ".
Amadou Bagayogo, président de la FEDAMA :
"Nous avons perdu quelqu’un de grand"
Mangala est un artiste que j’ai connu depuis 1986 en Côte d’Ivoire, lorsqu’il a participé au concours Découvertes RFI. Après la Côte d’Ivoire, on se rencontrait toujours en France où d’ailleurs on a beaucoup joué ensemble. Il était un grand musicien. Tout le monde était d’accord qu’il avait une voix unique en son genre et qu’il savait chanter. Il est aussi l’un des grands artistes et l’une des plus belles voix du Mali. C’est l’un des seuls artistes qui incarnait plusieurs talents. Il était très complet et jouait à plusieurs instruments de la musique. Entre Mangala et moi, il existait de rapports cordiaux et fraternels. Je dirai même que j’ai été l’une des dernières personnes à parler avec lui avant sa mort car c’est lui qui était désigné pour animer l’inauguration du nouveau siège de notre fédération ce vendredi. Je l’ai eu au téléphone à 14 heures et il m’a donné son OK. Et, aux environs de 16 heures, on m’appelle pour m’annoncer sa mort. En tant que président de la Fédération et au nom de tous les artistes du Mali, nous présentons à la famille Camara toutes nos condoléances. Car, nous avons perdu quelqu’un de grand."
Réalisé par Bandiougou DIABATE, Falé COULIBALY