Hommage à Mangala Camara : Le rossignol de Kéniéba s’en est allé

0





Son talent de chanteur était apprécié. Il était adulé par tous. On pouvait tout lui reprocher, sauf dire qu’il ne savait pas chanter. Pétri d’un talent hors pair, Mangala Camara, en plus de sa belle voix et de la bonne orchestration de ses oeuvres, ne chantait pas seulement pour le plaisir de chanter. Il le faisait, dans des paroles dont il est le seul à en avoir le secret, pour nous pousser à la réflexion.  Mais la vie étant ce qu’elle est, quand on naît, il faut bien qu’on parte. Mamoutou Camara, Alias Mangala, s’en est allé, dans la surprise générale de ses fans et de nombreux mélomanes. Et, il n’y a aucun doute, notre pays aura des artistes, mais difficilement, nous aurons un autre Mangala.

Avec le décès de Mangala Camara, le 29 septembre 2010, la musique malienne et les mélomanes maliens viennent de perdre une valeur sûre. Quoi qu’on dise, Mangala Camara était celui qui avait la petite manie de plaire à tous. Rares étaient les Maliennes qui ne lui vouaient une admiration pour son talent de chanteur. Et l’artiste avait toute une gamme de faits et gestes, même de codes verbaux que seuls ses admirateurs pouvaient décrypter. « Alouou bedja », est la sempiternelle question que Mangala sur scène posait aux spectateurs, pour se rassurer qu’ils sont présents et dans le coup. Révélé à la nouvelle génération par son « Minyé Minyé », sorti en 2006, Mangala Camara était à classer dans la catégorie des grands artistes du Mali. Au moment où le pays célèbre le cinquantenaire de son indépendance, celui qui faisait partir des fils et filles du pays que nous pouvons considérer comme les enfants du cinquantenaire a attendu son cinquantième anniversaire pour quitter ses nombreux fans à jamais. Né à Kéniéba, d’un père ancien militaire dans l’armée française, reconverti en commerçant et d’une mère comédienne-danseuse, il est pratiquement impossible de dire à quel âge cet artiste a commencé à pratiquer la musique. Dès sa tendre enfance, malgré la réticence de sa famille, il va s’accrocher crânement à son amour : la musique. Et le destin va le lui reconnaître. Selon des témoignages concordants, en 1971, lorsqu’il n’avait que onze ans, il intègre l’orchestre régional de Kayes. En 1992, il participe à la création du groupe African Sofa avec un autre Malien, deux Guinéens, un Camerounais et un Capverdien. Mais, auparavant, repéré par Salif Kéita, il intègre « Les ambassadeurs » en qualité de batteur et de choriste. Et, c’est avec l’enfant « terrible » de la musique malienne natif de Djoliba qu’il va fouler pour la première fois, en 1985, le sol européen dans le cadre d’une tournée. En 1986, comment, il fallait s’y attendre, le talent de Mangala ne pouvait plus souffrir de se faire une place sur la scène internationale. Premier message fort, il remporte le grand prix « Découverte » de Rfi. Quelques temps après, il fonde avec Alain Lecointe, le groupe « Donké » ou dansez en bambara. Et, il a fallu attendre 1988, pour les voir produire un premier album, intitulé « Paris-Bamako ». Mais, pétri de talent et dans une certaine illumination, parallèlement, Mangala réalise un projet musical autour des musiques traditionnelles mandingues qui voit le jour avec la sortie en 1993 de l’album « Complaintes mandingues blues ». En 2001, après 18 années de carrière en France soldées par 5 albums, Mangala Camara décide de regagner le bercail. Devenu chanteur attitré du groupe Symetric Orchestra de Toumany Diabaté, ce qui ne l’empêche pas de produire en solo, Mangala, rapidement va s’installer dans le cœur de ses compatriotes comme s’il n’avait jamais séjourné au-delà des frontières maliennes. Et, comme le vin qui se tonifie en vieillissant, Mangala Camara, après plus de trente ans de carrière, allait se révéler aux Maliens, avec son album « Minyé Minyé », sorti en 2006, qui fait désormais partie de la catégorie supérieure des artistes maliens. « Tôt ou tard, on connaît qui est qui. L’apparence peut tromper, mais pas pour longtemps parce qu’on ne change pas facilement sa nature » ! Et, oui, qui peut contredire Mangala Camara, tant la véracité de ses propos est patente.

Assane Koné

Commentaires via Facebook :