Au Mali, aveuglés par la méchanceté et par l’égoïsme, nous ne sommes plus en mesure de poser des repères. En vue de nous faire une fumeuse idée de nos nobles valeurs anciennes, nous en sommes réduits à remonter très loin, jusqu’à l’époque de Soundiata, au 13ème siècle. Depuis, il n’y a plus eu aucune gloire qui n’ait été vilipendée, traînée dans la boue. On s’acharne à médire sur le parcours de chacun et à affabuler des hommes et des femmes qui pourtant, toute leur vie durant, n’ont rien ménagé pour mériter de la Nation. Si Dieux nous avait créé parfait, certainement qu’Il aurait renoncé de nous enseigner quoi que ce soit.
Mamadou Lamine Traoré (paix à son âme) n’est donc pas un homme parfait. Mais, incontestablement, au double plan professionnel et politique, il a marqué de son empreinte ces trente dernières années. N’eut été la féroce méchanceté qui nous animent au Mali, celui que nous appelons affectueusement Mala aurait été, bien avant sa mort survenue ce 22 juillet 2007, élevé au rang de modèle voire même de repère pour les générations futures. Et pourquoi pas ?
Parce qu’en effet, rares sont les Maliens qui peuvent se glorifier d’un cursus scolaire et universitaire aussi brillant. Son doctorat en philosophie est émaillé de glorieuses anecdotes. De même que son parcours d’enseignant modèle.
Autour d’une table de débat sur les dix ans d’anniversaire de la révolution de janvier-mars 91, nous l’avions vu très irrité, révolté même face à l’accusation d’endoctrinement de ses milliers d’étudiants à l’Ensup (école normale supérieure de Bamako). Le professeur Mamadou Lamine Traoré (MLT) n’a donc jamais fait l’amalgame entre ses fonctions d’enseignant émérite et son engagement politique. Il a été des plus turbulents et des plus irréductibles opposant aux 23 ans de régime militaro-civile du général Moussa Traoré. Plusieurs fois il sera emprisonné, déporté avant que le destin l’appelle à jouer un rôle déterminant dans les évènements de mars 91 suite à de longues années de lutte dans la clandestinité. Son verbe très percutant le prédisposait plutôt à la dénonciation, à la contestation, à l’opposition.
Jusqu’au soir du 26 mars 91 quand l’accélération des évènements politiques le propulsèrent au sommet des instances dirigeantes du pays, au Ctsp. Inutile de dire que lui et nombre de ses camarades n’étaient nullement préparés à jouer de si tôt les premiers rôles au niveau de l’Etat. Surtout pas celui de premier ministre (1992) comme on l’avait laissé entendre à la faveur de la victoire de son parti, l’Adéma (le mot est de lui), parti africain pour la solidarité et la justice. A la tête de ce parti, il succède à Alpha Oumar Konaré qui vient donc d’être élu président de la République en mai 1992. Il cumule alors ses fonctions de président de l’Adéma avec celles de ministre d’Etat chargé de l’administration territoriale puis de la défense.
L’opposant qu’il fut n’était nullement porté à la répression et au durcissement du régime malgré les temps troubles de l’après révolution. En face de lui et au sein de la même Adéma, il y avait un certain Ibrahim Boubacar Kéïta, (IBK) ; un fonceur promu premier ministre par le président Alpha. Après l’avoir obligé à la démission de ses fonctions de ministre d’Etat, le camp du président Alpha lui préfère à IBK à la tête de l’Adéma-Pasj, le parti de l’abeille. Il n’avait jamais cru cela possible. « Sauf si, comme il l’a dit, les frelons envahissaient la ruche». Et ce fut le cas à l’issue d’un congrès mouvementé. IBK est élu président, en succession à MLT.
Craignant que sa disgrâce ne tourne à l’humiliation politique du combattant qu’il a toujours été, il crée le Miria avec des camarades du groupe clandestins du Pmdr. Un des clans qui avait fusionné avec le Pmt pour créer l’association puis le parti Adéma.
Opposant il fut, opposant il redevient. Cette fois ci à la tête d’un regroupement politique radical appelé le Coppo (collectif des partis politiques de l’opposition). Il s’agit d’une quinzaine de partis indignés par l’organisation des législatives de 1997, élections d’ailleurs annulées par la Cour constitutionnelle. Avec ses camarades du Coppo dont la majorité soutien aujourd’hui ATT, Mamadou Lamine Traoré verse dans la contestation acerbe. Il n’hésité pas à donner de la voix et même à arpenter les rues pour manifester contre le régime Alpha.
Nous ne savons s’il s’était définitivement réconcilié avec l’ancien président Alpha duquel il était très déçu. Malgré le parcours commun qu’ils ont eu ensemble. Il a toujours estimé que Alpha lui doit.
A la faveur de la fin des dix ans de règne du président Alpha, il fait l’option ATT, son compagnon au Ctsp de l’après mars 91. Arrivé aux affaires en 2002, le président ATT lui tend une longue perche en le nommant ministre de l’éducation nationale dès l’entame de son premier mandat qui vient de s’achever. Sa volonté de reformer le secteur de l’éducation- le seul pour lequel il a en fait vécu- est indéniable. Mais il rencontre de farouches oppositions à cause des mesures très impopulaires qu’il avait dû prendre comme par exemple, le concours pour le recrutement des directeurs de Cap. D’autres mesures et moult prises de position impopulaires suivront après. Mais le professeur s’est assumé jusqu’au bout. Essuyant critiques, réprobations et accusations souvent graves. Mais le président ATT qui lui a chaque fois réitéré sa confiance ne lâchera pas.
Il ne s’est jamais senti proche de son but que le jour où il a préparé et fait signer par l’ensemble des partenaires de l’école en 2005, le Protocole pour une école malienne apaisée et performante.
Le monde enseignant, scolaire et universitaire et le monde politique lui doivent une éternelle reconnaissance.
Belco TAMBOURA
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