Edito International / Pius Njawe : Plus que les risques, l’honneur du métier

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La Virginie a donné Georges Washington à l’Amérique mais à l’Afrique, elle a pris Pius Njawe, la vitrine jamais lézardée de la presse africaine libre. A cinquante trois ans, et comme son épouse qu’il ne cessa jamais de pleurer, c’est la route qui l’a emporté. Après trente ans de combat, pied à pied, pour la démocratie, l’état de droit, l’espoir tout court pour l’homme.

Un parcours inégal, certes car il n’y a pas de roc devant la torture systémique, surtout lorsque comme Njawe la liberté était devenue l’exception et la prison la norme. Mais au bout du compte, il n’aura jamais ni plié ni supplié. Plus qu’un résistant, Njawe qui n’était pas aimé de tous mais que tous respectaient, était un missionnaire. Du missionnaire authentique, il avait la profonde humilité, le sens de l’abnégation et l’obsession de la catéchèse fut-elle droitdelhommiste. Ses détracteurs lui reprocheront, sans doute, ses haines intransigeantes et son penchant à prendre sa vérité à lui pour la bible.

Mais tout cela était cent fois rien par rapport aux qualités qui furent celles de l’homme : ténacité, rigueur, courage. C’était un homme de vérité et de principe, de valeur et de valeurs. L’admiration dont il jouissait tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de son pays, loin d’être usurpée, se justifiait entièrement. Ce qu’il nous laisse en héritage, mais c’est très lourd et déjà trop tard pour la majeure partie des journalistes du continent, c’est déjà d’apprendre à nous méfier des compromis car ceux-ci sont un pas décisif dans la mauvaise direction : la compromission. Si nous devions proposer une épitaphe à ce mort chargé de symboles, ce serait ! Ci gît Pius Njawe, 1957-2010. Que la terre lui soit légère à lui qui ne le fut jamais.

Adam Thiam


Dors en paix, Puis Njawé : Infatigable combattant des libertés !

Dors en paix, Puis Njawé, infatigable combattant des libertés, militant de l’émancipation de l’homme africain ! Pionnier de la presse privée indépendante africaine,   je viens d’apprendre ta disparition des suites d’un accident de route aux Etats Unis. Dieu de nos pères, seigneur de longue connaissance, ainsi avez-vous donc décidé de notre condition d’homme : partir comme nous sommes arrivés sans pouvoir crier gare ? Puis, je me rappelle, mais tes amis de Bamako se rappellent aussi de ton passage récent dans la capitale, tu venais alors de célébrer les 30 ans du Messager et tu t’apprêtais à nouveau de prendre rendez vous avec tes lecteurs afin que ce continent qui a tant fait pleurer ses enfants, les console. Rendez vous plein de promesses, rendez-vous de tous les défis ! J’ai eu alors le privilège de te voir, de te rencontrer. J’avais été émue de t’accueillir à Cauris Editions, toi l’icône, qui a alterné ta vie entre salles de rédaction et cellules de prison, des cellules qui ne t’ont rendu que plus libre ! J’avais été émue de te recevoir, moi ta cadette de plusieurs années…              

J’en étais presque gênée. Par quel hasard heureux du destin, cela a-t-il donc été possible ? Tu venais certainement pour me remettre le prix décerné à « Alfa » mon, père, prix de l’intégration africaine, à la suite de la célébration du trentenaire de ton journal. Mais je crois aussi sans me tromper – du moins je l’espère – que tu venais aussi pour tâter le pouls de cette Afrique pour laquelle tu as dédié ta vie, cette Afrique jeune, cette Afrique ingénieuse, cette Afrique qui voudrait gagner la bataille de l’émancipation et d’un mieux être grâce à la force des mots et à la pertinence des idées.           

Mais Puis, de cette rencontre, j’ai surtout retenu ton regard, un regard habité par   l’angoisse, certainement l’angoisse nègre pour paraphraser Césaire… un regard las. Cette lassitude m’avait inquiétée car comment ton regard, le regard d’un combattant de ton calibre pouvait-il se lasser ? Le moment était-il déjà arrivé de renoncer, de passer la main après avoir accompli ta part de devoir afin de ne pas jamais rompre le serment du devoir de génération ?             

Et aujourd’hui, pendant que des milliers de voix s’élèvent à travers l’Afrique mais aussi à travers le monde pour te rendre hommage, à toi le pionnier, à toi le martyr, je fouille dans ma mémoire afin que ton regard de héros qui tire sa révérence continue de nous illuminer sur Afrique de nos pères !                      

Dors en paix !!!

Kadiatou Konaré

Editeur- Cauris Editions



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