Disparition de Tenema Sanogo : La comédie malienne perd une figure emblématique

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Ténéma SANOGO dit l’Adjudant "KENEKARABA", artiste comédien

Toufina Babilen l’avait prédit dans l’une de ses très rares interviews accordée à Le Reporter (la seule à notre connaissance) que 2016 allait marquer les esprits et éprouver les cœurs. Il annonçait cette année comme une année noire pour les dirigeants, les célébrités dont l’une au niveau nationale a été arrachée à notre affection dans la matinée de ce dimanche 4 décembre 2016. Il s’agit du comédien Ténéma Sanogo, plus connu comme Lassidan (l’Adjudant, l’ancien combattant) et affectueusement appelé Vieux par les proches. Dès l’annonce du décès de ce natif du Kénédougou (Sikasso où il est né en 1963), c’est un hommage unanime qui a été rendu à cet immense homme des arts et de la culture sur les réseaux sociaux.

«Allahou Akbar, le Mali vient de perdre un As de la culture, un monstre sacré de la comédie théâtrale» ! Telle est la réaction d’un confrère en apprenant le décès de Ténéma Sanogo alias Lassidan ou Zantigui, un grand comédien dont l’accent sikassois et son humour lui ont vite valu l’estime et l’admiration du public et des téléspectateurs.

Vieux en famille, et scène Fodé le vendeur de café (dans la pièce Wari), Zantigui, Sambourou, Bina, One-one, Lobby, Lassidan… l’inégalable Ténéma Sanogo était sans doute la grande attraction du groupe Nyogolon depuis la mort de «Zankè».

Une formation initiée par une poignée de sortants de l’Institut national des Arts (INA) dans les années 90 avec les Dougoutigui (Seydou Touré), Zankè, Hamady, Dikoré (Oumou Berthé), Salimata Sidibé, Fatoumata Coulibaly…

Elle s’est spécialisée dans l’IEC (Information-Education-Communication) voire dans ce que nous pouvons appeler le théâtre de sensibilisation pour l’éveil des consciences et pour le changement des comportements. Le Très regretté Ténéma était aussi très sollicité dans les publicités à la télévision nationale (ORTM). C’est donc la comédie malienne et le théâtre d’éducation et de sensibilisation qui viennent de perdre un immense talent. Cet homme jovial à l’humour contagieux a été un monument du théâtre malien.

Rongé par un diabète, il n’a jamais renoncé à la scène pour laquelle il avait une passion dévorante. Joint au téléphone, son compagnon et confident, Salim Sylla, encore sous le choc, précise qu’ils ont tourné ensemble hier (samedi 3 décembre 2016). Très fataliste, il exhorte les proches et les fans de Lassidan à trouver le réconfort dans la foi. «C’est son jour qui est arrivé sinon chacun de nous traîne une maladie. Moi-même qui vous parle, je souffre d’une maladie, mais quand ton jour arrive, il n’y a rien à faire», a souligné Salim Sylla.

L’hommage unanime de la nation

Depuis l’annonce de ce décès, les témoignages ne cessent de pleuvoir sur les réseaux sociaux. À commencer pas la grande famille de la comédie nationale voire du théâtre malien.  «Nous avons appris avec amertume le décès ce matin de Ténéma Sanogo dit Lassidan, notre frère, notre ami, notre compagnon de route et de lutte, notre collègue. Nous tenons à manifester notre profonde compassion et présentons nos condoléances les plus attristées à Sali (Salimata Sidibé) son épouse, aux enfants, aux parents, collègues et amis. Que la terre lui soit légère», a témoigné le grand Habib Dembélé alias «Guimba National» depuis la France.

Ils avaient récemment partagé la scène avec Ténéma dans la reprise de la célèbre pièce Wari à l’occasion des Journées théâtrales organisées à Bamako par Guimba. «Ténéma Sanogo dit Vieux pour sa famille, Lassidan ou Zantigui pour d’autres ! Moi je l’appelais Kambreké et lui m’appelait Diamounténé. Il vient de nous lâcher créant un grand vide. Je n’ai pas de mot sauf que remercier le bon Dieu. J’ai mal, mais Dieu est grand», pleure la talentueuse Maïmouna Hélène Diarra.

Dans un communiqué publié dimanche en fin d’après-midi, le ministre de la Culture s’est incliné devant «la mémoire de cette grande figure du cinéma malien qui a su mettre son talent au service du développement socio-économique et culturel de notre pays, en alliant son art à l’éducation pour le développement».

Pour Mme N’Diaye Ramatoulaye Diallo, «Lassidan Kènèkaraba» a su être «le moralisateur à l’écran, le grand défenseur et gardien des valeurs de la culture malienne. Son parcours est une fierté nationale qui marquera à jamais la mémoire et son exemple continuera à inspirer les jeunes générations».

«J’ai collaboré avec lui dans la production de Fatobougou dans lequel il a tenu avec professionnalisme un des rôles principaux : le pseudo rebelle féticheur Bourama ! Ténéma Sanogo nous a été pris par la mort, mais ses interprétations nous resteront et serviront de documents à l’histoire de l’art au Mali», a témoigné l’entrepreneur culturel et promoteur de Blonba, Alioune Ifra Ndiaye.

«Hier, tu nous as fait rire aux larmes. Aujourd’hui, nous te pleurons à chaudes larmes. Sans aucun doute, tes condisciples tenteront de sécher nos larmes. Mais, avec toi, nous aurions aimé verser encore ces larmes. Avec toi, du début à la fin, on ne retient pas ses larmes. Sûrement, nous t’accompagnerons en larmes. Pour longtemps, dans ton souvenir, nous resterons en larmes. Vieux, te connaissant, tu aurais été peiné de me voir en larmes. Mais, dans ces circonstances, ma gratitude s’exprime par les larmes. Pour toi, des larmes, des larmes et encore des larmes»,  a témoigné notre confrère et cousin de l’illustre défunt, Diarra Diakité.

«Il a été l’un des premiers soutiens de HVC lors de la marche contre les violences conjugales. Je me rappelle ton fou rire lorsqu’on nous évoquions les matchs de foot qu’on organisait à Koulouba. Qu’Allah te récompense pour le bonheur que tu as distillé dans nos familles avec tes théâtres, sketchs et autres publicités», témoigne Balla Mariko, président de la Solidaris223 (association humanitaire) et membre fondateur de Halte à la violence conjugale (HVC).

«J’ai appris avec une très grande tristesse le décès de Ténéma Sanogo dit Lassidan du groupe Nyogolon, un des géants du théâtre et des arts de notre pays… Une grande perte pour notre pays», a pour sa part déclaré le président de Yèlèma et ancien Premier ministre, Moussa Mara.

Pour le Bureau Politique National et l’ensemble des militants du Rassemblement pour le Mali (RPM), «le décès de cet artiste comédien hors pair, humoriste et homme de culture et sociétaire du groupe Nyogolon est une perte immense pour le monde des arts et de la culture mais aussi pour l’ensemble de notre peuple».

Chevalier de l’Ordre national, son enterrement est prévu cet après-midi (lundi 05 novembre 2016) chez lui à l’ACI 2000.

Qu’il repose en paix dans la Grâce éternelle d’Allah, le Tout-Puissant et le Très miséricordieux !

Moussa BOLLY

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