Mercredi 29 septembre dans l’après-midi, alors que nous étions en train de nous rappeler qu’il y avait tout justement quinze jours que disparaissait, jour pour jour, Chéché Dramé, la nouvelle de la mort de Mamoutou Camara dit Mangala nous est parvenue, tombant raide comme un couperet. Incrédules au départ, nous avons commencé, presque tous ensemble, à pianoter sur les claviers de nos téléphones portables. Chacun voulait toucher ses sources pour vérifier cette terrible information. La réponse des interlocuteurs avisés était partout la même : " Hélas, Mangala vient de tirer sa révérence à l’hôpital Gabriel Touré. Il est décédé des suites d’une courte maladie ". Il sera enterré cet après-midi après la prière du vendredi.
Agé de cinquante ans, celui dont les jours ont accompagné l’indépendance du Mali qui vient de fêter son Cinquantenaire, nous a quittés, non sans nous laisser des souvenirs vivaces de sa silhouette longiligne, se dandinant sur la scène.
Qui n’a pas connu et aimé Mangala Camara ? Qui n’a pas apprécié sa façon singulière de chanter et de danser ? Mangala, c’était un anticonformiste, dont chaque apparition nous rappelait cette maxime d’un des gourous du marketing, à savoir qu’il faut briser les conventions pour se distinguer des autres.
Comment vous dire, qu’il venait de faire vibrer de sa voix grave les festivités organisées par les populations de Kayes, à l’occasion d’une fête de réception d’un nouveau train le weekend dernier ? Mais comme toutes les bonnes choses ont une fin, acceptons humblement la décision du créateur de le rappeler vers lui. Oui ! De Dieu nous venons et à lui nous retournons. C’est douloureux et selon l’enseignement d’Hérodote : " la pire douleur qui soit au monde, c’est bien d’y voir clair et d’être sans pouvoir ".
Ce fils d’un militaire devenu commerçant à sa libération de l’armée française, né à Kéniéba en 1960, a certainement attrapé le virus de l’art à partir de sa mère qui était comédienne et danseuse. Mais que n’a pas fait la famille pour l’empêcher de faire carrière dans la musique, lorsqu’il en manifestait les premiers désirs dès le bas-âge ? Mais rien n’a pu arrêter Mangala qui tenait à répondre, vaille que vaille à l’appel de la musique, cet art qu’il chérissait tant. Voir Mangala sur scène était un plaisir des yeux et des oreilles.
Une fois sur scène, Mamoutou Camara dit Mangala faisait plaisir à ses nombreux fans, mais se faisait lui-même plaisir. Il lui a été peut-être enseigné, à l’image de Ralph Waldo Emerson, que " le bonheur est un parfum qu’on ne peut verser sur les autres sans en recevoir soi-même quelques gouttes ".Mangala vient de fausser compagnie à Toumani Diabaté, dont il est le chanteur attitré à Bamako au sein du Symetric Orchestra. Et aussi à Mbaou Tounkara et Djénéba Dansoko, qui ont assuré le chœur de son chef d’œuvre " Minyé Minyé ". Mais il rejoint une autre diva de la chanson malienne qui lui avait prêté sa voix dans le même album. Il s’agit de Ramata Diakité, décédé il y a seulement un an.
Mangala s’en est allé, laissant dans les méandres de nos mémoires, le souvenir évanescent de cette haute stature, dont la voix rocailleuse et imposante divorce d’avec des gestes souples et une allure nonchalante qui semble mesurer le battement du temps pour l’accorder au tempo de sa vie. Dors en paix Mamoutou. Tu es certes parti pour le très long voyage, mais en prenant soin de nous laisser des œuvres musicales, qui figureront toujours en bonne place dans le patrimoine culturel national. Que la terre te soit légère !
Amadou Bamba NIANG