Avant-hier mercredi, en milieu de journée, la nouvelle est tombée sur moi, raide comme un couperet : au bout du fil, El Hadj A.B.HAIDARA, le directeur de ce journal : “Notre ami commun, Dr Moussa Sanogo, vient de nous quitter !”Je n’en croyais pas mes oreilles. Je fronçais les sourcils pour me rassurer que je n’étais dans un rêve. Et la voix presqu’éteinte, je reposais la question à mon interlocuteur : “De quel Moussa Sanogo parles-tu ?”. Le même, celui qui était Pdg de la Pharmacie Populaire du Mali, a-t-il précisé.
C’était très clair, je venais de perdre un ami et un ami qui prenait le temps de lire mes articles, chaque semaine et d’en discuter avec moi. Et il aimait terminer chaque fois par cette phrase : “Je suis content de vous lire parce qu’on sent dans votre journal les efforts de recherche d’informations et on voit que toi, par ton style, tu es de la vieille école !”. Des encouragements que, hélas, nous n’entendrons plus.
Comprenant le choc qu’il venait de provoquer en moi, ABH reprit en ces termes : ” Walaye, notre ami Moussa Sanogo est parti à jamais suite à un AVC qu’il a eu ça fait tout juste une semaine”. Et je venais de constater, quelques minutes auparavant, que depuis trois jours je ne pouvais communiquer avec Dr Sanogo ni au téléphone ni par whatsapp, alors que nous devions discuter de la problématique du vaccin anti-Covid.
Il est parti laissant un vide. Certes partout où il apportait sa contribution, quelqu’un lui succédera mais ne pourra remplace ce baobab du savoir et fier de transmettre, disons de partager ses connaissances.
Les milieux médicaux et pharmaceutiques du Mali ; la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bamako ; plusieurs universités d’Afrique ; des cercles scientifiques d’Afrique, d’Europe et d’Amérique ; les spécialistes de la lutte contre la pandémie de Covid-19, tout ce beau monde pleure la disparition du jeune et brillant Moussa Sanogo.
Docteur en Pharmacie, Docteur en Santé publique (PH.D. Canadien), Spécialiste en Gestion des Systèmes de Santé, diplômé de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal au Canada, diplômé du Cesag de Dakar, enseignant-chercheur, ancien Président directeur général de la Pharmacie Populaire du Mali, Directeur adjoint de Hopital du Point-G puis de Hopital Gabriel Touré, auteur de de 2 livres et de plusieurs articles scientifiques sur la covid19, Co-auteur du livre sur la Santé Mondiale, “Regards croisés sur la covid-19 en Afrique” paru en mai 2021, à l’IRIS, il s’apprêtait à concourir pour le grade de Maître de Conférences au CAMES et à la CNELA (voie nationale). Tout ça, ce fut Docteur Moussa Sanogo. Oui, ce fut, puisqu’il s’est éteint à la fleur de l’âge, pendant qu’il nourrissait encore de grandes ambitions pour son pays, le Mali.
“Mieux vaut mourir avec ses idées que de vivre en permanence avec celles des autres”. Ça, Dr Moussa Sanogo l’a fait. Oui, il est parti, emportant avec lui tout son savoir et Dieu seul sait qu’il en avait ! Il est parti sur la pointe des pieds, après un AVC qui l’a cloué trois jours seulement sur un lit d’hôpital. Nous aurions souhaité avoir Dr Moussa Sanogo à nos côtés pendant encore longtemps, mais l’homme propose et Dieu dispose ! Le Créateur en a décidé ainsi et rien ne peut contre sa volonté.
Dès qu’on voit Dr Moussa Sanogo, on est d’abord marqué par son air jovial, avec notamment un petit sourire au coin des lèvres qui trahissait sa rigueur professionnelle et son sens élevé du travail bien fait. Un perfectionniste à la tête bien faite, mais qui savait défendre ses idées et ses principes : “Mieux vaut mourir debout que de vivre à genou”, aimait-il dire.
Partout où Moussa Sanogo est passé au cours de sa carrière professionnelle, il a marqué les esprits par son désir ardent de changement qualitatif qui le poussait à prendre des initiatives parfois mal accueillies par des esprits obtus, retors à l’évolution parce que, très souvent, voulant se noyer ans l’opacité pour sauvegarder des situations de rente personnelle, au détriment de l’Etat. Ce que Dr Moussa Sanogo abhorrait le plus au monde, lui qui disait souvent qu’il s’étonnait de voir les gens courir toujours derrière des prébendes et largesses de l’Etat sans jamais chercher à donner le minimum de leur sueur et de leur savoir-faire à l’Etat, pour sa prospérité, avant de prétendre à quelque chose en retour.
En un mot comme en mille, il connaissait le sens du devoir citoyen et ce principe qu’il ne négociait jamais lui valait, très souvent à tort, d’être couvert de pou et de boue par des gens qui n’ont d’argument que le mensonge et le dénigrement parce qu’à court d’idées et d’arguments.
“Moi je ne perds pas mon temps à cause de médiocres”, me disait-il une fois, avant d’ajouter : “Je crois en Dieu et je remercie mes parents qui m’ont permis d’étudier pour arriver au niveau où j’en suis. Je ne me comporterai jamais comme un mendiant pour quémander un poste et Dieu merci, quand je postule à un appel à la concurrence, avec mon profil et mon background, je pense pouvoir passer haut la main. Mais puisque dans ce pays on ne met pas encore l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, je suis en train de me frayer un chemin ailleurs et je suis tellement débordé par les sollicitations à l’extérieur que je finis par croire que c’est vrai qu’on n’est jamais prophète chez soi”. Ces propos, il les a tenus lors d’un de nos entretiens récents, au cours duquel je le félicitais pour une brillante prestation qu’il venait de faire dans une conférence internationale au Bénin.
En peu de temps, il a eu une carrière professionnelle bien remplie et on peut dire, même s’il est parti très jeune, que Dr Moussa Sanogo a vécu utile, d’ailleurs très utile, aussi bien au plan professionnel qu’au niveau social et culturel puisqu’il est très attaché à son terroir en tant que Sénoufo. Et ce ne sont pas les membres de l’Association culturelle Yérédon de Kadiolo qui nous démentiront, eux qui, depuis l’annonce de sa disparition, n’en croient toujours pas leurs oreilles. Eux qui venaient tout juste de lui décerner une attestation de reconnaissance, au mois de février dernier, “en reconnaissance de son constant engagement et accompagnement pour la protection, la sauvegarde et la promotion de la culture Sénoufo, à travers les journées culturelles du Lac de Kambo ou lac Zalié, tenues le samedi 22 février 2022 à Kambo”.
Dr Moussa Sanogo, pour nous tu n’es pas parti, tu t’es juste caché pour te reposer après les efforts inlassables que tu déploies au quotidien au Mali et un peu partout dans le monde où tu étais vraiment sollicité.
Homme de valeurs, tu resteras gravé à jamais dans nos cœurs. Dors en paix ! Qu’Allah, le Tout-Bon et le Tout-Puissant, t’accueille au Paradis et te couvre de sa Grâce et sa Miséricorde infinies.
Amadou Bamba NIANG