NÉCROLOGIE. L’ancien Premier ministre ivoirien et ex-gouverneur de la BCEAO, s’est éteint à Paris des suites du Covid-19, ce 10 septembre. Il avait 78 ans.
Atteint du coronavirus à Abidjan, l’ancien Premier ministre ivoirien Charles Konan Banny avait été transféré la semaine dernière à l’hôpital américain de Neuilly où il est décédé ce vendredi 10 septembre, à 78 ans.
Charles Konan Banny a été durant onze ans gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, avant d’être nommé Premier ministre de Laurent Gbagbo, en 2005, après d’âpres négociations placées sous l’égide de la Communauté internationale. Parmi ses dernières fonctions officielles, il avait présidé la Commission pour le dialogue, la vérité et la réconciliation (CDVR) suite à la crise postélectorale de 2010-2011 qui avait fait 3 000 morts.
Un gestionnaire et un banquier doué
C’est à l’âge de 63 ans, que Charles Konan Banny a fait une entrée inattendue sur la scène politique ivoirienne, lui qui avait consacré toute sa carrière au monde économique et financier. Né le 11 novembre 1942 à Divo, dans le Sud, ce fils de planteur baoulé – un des plus importants groupes ethniques du pays — est diplômé de la prestigieuse École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) de Paris. Il commence sa carrière dans les matières premières, le café et le cacao, les deux piliers du miracle économique ivoirien. En 1976, il entre à la BCEAO, à Dakar et après un parcours sans faute, il en devient le gouverneur par intérim en 1990, prenant la succession d’Alassane Ouattara, alors nommé chef du gouvernement par Félix Houphouët-Boigny. Il accède au poste de gouverneur plein en janvier 1994.
Sous son mandat, la BCEAO traverse des crises majeures comme la dévaluation du franc CFA ou encore la faillite d’Air Afrique. Des chantiers qui ont marqué pour longtemps de nombreux pays africains. Doté d’une forte personnalité, Charles Konan Banny défend ces dossiers sur la scène internationale aux côtés des institutions financières internationales et des États, il se fait remarquer.
Homme du recours
Se réclamant du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), le parti unique de Houphouët-Boigny, sans être encarté à cette époque à cause de sa fonction de gouverneur d’une banque centrale régionale, il accepte de devenir le Premier ministre de la transition sous Laurent Gbagbo, alors que son mandat à la BCEAO arrivait à expiration. Là aussi sa tâche est immense. Il est en effet chargé de diriger un gouvernement de transition dont la mission principale était de conduire la Côte d’Ivoire à l’élection présidentielle d’octobre 2006. Le pays est alors divisé en deux depuis l’irruption des rebelles des forces nouvelles (FN) dans le nord de la Côte d’Ivoire. Les accords de Linas-Marcoussis de 2003, signé par tous les acteurs de la vie politique ivoirienne n’avaient rien réglé de la situation. Seydou Diarra, son prédécesseur à ce poste, décédé en juillet 2020 avait échoué. Le bras de fer avec Laurent Gbagbo, les différents blocages au sein de l’appareil de l’État ont longtemps maintenu le pays dans un statu quo. Stratège, Charles Konan Banny avait finalement choisi de constituer un tandem avec le président Gbagbo qui ne lui céda aucun pouvoir et annula certaines de ses décisions. Il jeta l’éponge un peu plus d’un an après avoir été nommé, en avril 2007.
Charles Konan Banny avait de nouveau été appelé en 2011 pour jouer les pacificateurs et tenter de réconcilier un pays profondément divisé. C’est lui qui avait été nommé président de la Commission vérité et réconciliation (CDVR), un poste stratégique après la sanglante crise postélectorale de 2010-2011 qui avait fait au moins 3 000 morts.
Entendre victimes et bourreaux de tous bords, diagnostiquer et guérir les maux ivoiriens, réconcilier pro-Ouattara et partisans du président déchu Laurent Gbagbo : « CKB », en héritier autoproclamé du premier chef d’État Félix Houphouët-Boigny – avec lequel il avait des liens familiaux -, avait obtenu des résultats contrastés. Malgré des témoignages poignants et l’audition de 72 000 victimes, la CDVR a eu un très faible écho dans la population et n’avait pas suscité la « catharsis » espérée en Côte d’Ivoire.
Bien que membre du PDCI, Charles Konan Banny a changé d’alliances au gré de sa carrière politique, d’abord en soutenant Alassane Ouattara en 2010 puis en se présentant contre lui en 2015, à la tête d’une coalition d’opposition. Il s’était finalement retiré à la dernière minute, affirmant refuser de participer à une « mascarade électorale ».
De toute l’Afrique, la classe politique salue la mémoire de l’ancien Premier ministre. « C’est avec consternation que je viens d’apprendre la disparition de mon aîné, le Premier ministre Charles Konan Banny, ex-Gouverneur de la BCEAO. La Côte d’Ivoire vient de perdre l’un de ses illustres fils », a déclaré Jeannot Ahoussou-Kouadio, le président du Sénat ivoirien.
« J’apprends avec la plus grande tristesse, le décès de M. Charles Konan Banny, ancien Premier ministre de Côte d’Ivoire. Un homme, qui s’est engagé dans la vie politique du PDCI-RDA et de notre pays. Les relations personnelles qui nous ont liées étaient et demeurent fortes » a déclaré Jean-Marc Yace, le maire de la commune de Cocody, à Abidjan.
« Il a changé ma perception de la politique ivoirienne et de certains de ses acteurs », a rapidement réagi Guillaume Soro, un autre ancien Premier ministre, aujourd’hui en exil.
« L’Afrique vient de perdre un de ses illustres fils, Charles Konan Banny. À ses proches et à la Côte d’Ivoire, je présente mes condoléances attristées. Que son âme repose en paix », a tweeté, Umaro Sissoco Embaló, le président de la Guinée-Bissau.
« Hommage à Charles Konan Banny, ancien Gouverneur de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), décédé de Covid même après le vaccin. Je garde d’excellents souvenirs de notre travail ensemble sur le système financier ouest-africain, sur la BCEAO et le Franc CFA » a réagi le congolais Noël K. Tshiani Muadiamvita.
Source: https://www.lepoint.fr/afrique