Burkina/Deuil : Le pèlerinage « sans retour » de Ladji Kanazoé

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Cette fois-ci, c’est confirmé. Dans la nuit du 18 au 19 octobre, El Hadj Oumarou Kanazoé, fondateur de la prestigieuse entreprise qui porte son nom, s’en est allé, du haut de ses 84 ans de vie bien remplie. Qui a été cet homme richissime dont le nom se confond avec la réussite financière au Burkina, et même dans la sous-région ?

Telle une trainée de poudre la nouvelle est partie du quartier Pissy, pour se répandre dans toute la ville et tout le pays. En effet El Hadji Oumarou Kanazoé n’est plus, le président de la Fédération des associations islamiques du Burkina est parti au moment où plusieurs fidèles musulmans s’apprêtent à effectuer le pèlerinage sur les lieux saints de l’Islam. Il n’aura donc pas l’occasion, comme à son habitude de leur rendre visite avant leur départ. Parce que, est-on tenté de dire, Ladji a effectué un pèlerinage, mais cette fois-ci, sans retour.

Oumarou Kanazoé était un homme difficile à classer dans ce pays. Tellement il occupait de responsabilités. A 84 ans, il était considéré comme le plus fortuné du pays, fondateur de l’Entreprise Ok, dont la renommée a dépassé nos frontières ; Président de la Chambre de Commerce du Burkina, Président de la Fédération des associations islamiques du Burkina. Au plan familial, El hadj Oumarou Kanazoé est marié à quatre épouses et père d’une trentaine d’enfants qui ont fait de lui un vénérable grand-père.

Sans instruction scolaire, il a su réussir

Oumarou Kanazoé, de la hauteur de sa richesse, était considéré comme un bon père de famille, un rassembleur, un homme attaché à sa religion. Oumarou Kanazoé est aussi considéré comme un infatigable travailleur, qui se lève tôt et se couche tard. Il a su bien garder sa personnalité bien qu’étant partagé entre les honneurs, l’argent, le pouvoir et la foi. Il semble être l’échantillon d’une génération ancienne où les vertus du partage, et la croyance profonde en Dieu sont des références quotidiennes. Tentons de remonter le cours de la vie du plus grand entrepreneur du Burkina.

Parcours d’un milliardaire

Oumarou Kanazoé est né à Yako en 1927. Il est issu d’un milieu modeste et est de la famille des Yarcé. Tout comme les familles Sanfo, Kouanda, Soré, Rabo, Bikienga, la famille Kanazoé est de tradition plus apte aux pratiques commerçantes et bien reconnues comme colporteurs. Issu donc d’un tel milieu, il a fréquenté l’école coranique à l’âge de 7 ans. Fils unique de sa mère et ayant perdu son père à l’âge de 12 ans, il est très vite attiré par le commerce. Ainsi le jeune Oumarou a commencé à vendre des tissus, de la cola, du sel et autres objets en faisant les voyages vers les pays voisins comme le Mali et le Ghana. Bénéficiant de la discipline de l’école coranique, la rude vie du village et la rage de réussir de quelqu’un qui est né d’un milieu modeste, il réussit à économiser et ouvre sa première boutique et un restaurant en 1950 à Yako. Ses affaires prospèrent et il achète son premier camion de transport appelé « T 45 » en 1955 et se lance dans le transport de diverses marchandises. En 1970, il diversifie ses activités et en 1973, il crée l’entreprise Oumarou Kanazoé. Il arrache son premier contrat qui est la réalisation d’un tronçon de route de 50 km.

Entreprise Omarou Kanazoé, un empire économique

Parti donc de rien, Oumarou Kanazoé a bâti un véritable empire économique qui injecte dans le pays près de 20 milliards de F CFA. Il s’est lancé dans les secteurs stratégiques comme le bâtiment et le bitumage des routes. C’est une entreprise familiale avec la participation active de ses enfants dont l’aîné Madi Kanazoé, est depuis longtemps le PDG, secondé par son cadet Yacouba. Son fils Djibril est dans l’automobile avec la distribution de marque Ford et GWM avec Africa Moto Burkina. L’Entreprise Oumarou Kanazoé emploie plus de 1000 personnes et détient près de 400 véhicules pour travaux et une dizaine de scrapers (200 millions l’unité). Kanazoé, dépenserait chaque année près de 200 millions pour l’entretien de son parc automobile. Il possède deux avions acquis respectivement en 1977 et en 1980. L’Entreprise OK a acquis depuis un certain nombre d’années une envergure sous-régionale, particulièrement au Mali, au Benin et au Niger où elle a fait le bitumage Niamey-Zinder. Pour ses grands travaux, Kanazoé a été récompensé du Trophée international de la construction à Madrid en 1992.

Kanazoé, président de la Chambre de commerce du Burkina

Le monde du commerce et de l’industrie est un monde complexe et il a fallu un homme pour diriger la Chambre de commerce et d’industrie. Kanazoé y a été élu depuis le 2 novembre 1995. Son entreprise au top de la concurrence rafle presque chaque fois tous les appels d’offres concernant les grands travaux et en solidarité avec les autres commerçants, il a renoncé depuis un certain temps à soumissionner aux constructions de villas, écoles et barrages.

Kanazoé, le religieux et le généreux

Oumarou Kanazoé était actif sur le plan de la religion musulmane. Il réconciliait, tempérait, concertait, conseillait. Il mettait même la main dans à poche pour créer le consensus et la cohésion dans les différents compartiments de la religion musulmane. A plusieurs reprises, il est intervenu pour mettre fin à certaines querelles intestines au sein de la communauté musulmane.

Il a construit gracieusement plusieurs mosquées à travers le pays et même des églises et des écoles. Il a construit des barrages et bitumer des rues à son compte. Sont de celles-ci la rue Oumarou Kanazoé qui passe côté Ouest du Lycée Bambata à Ouagadougou. En 2006, il a rénové la cour de la TNB à hauteur de 70 millions. En 1994, il a construit gracieusement le barrage de Nakambé à 135 kilomètres de Ouagadougou et aménagé des zones de cultures pour les paysans. Pendant la coupe d’Afrique des nations en 1998, il a offert gracieusement des billets d’entrée au stade pour soutenir les Etalons, l’équipe nationale. Il a offert 100 millions de F CFA aux sinistrés suite aux inondations du 1er septembre 2009. C’est ainsi qu’à des moments difficiles de l’année, il distribuait souvent des vivres au profit des couches défavorisées. Sa cour était ouverte à tous. Ses bureaux situés à côté de sa résidence ne désemplissaient pas de monde qui voulait voir Ladji, soit pour des problèmes professionnels, soit pour des problèmes à caractère personnel.

Kanazoé, le politique

Vu l’envergure de son empire économique, Kanazoé n’a pas échappé à l’approche politique. Il a toujours travaillé à concilier les besoins de ses activités à la marche de la politique. C’est ainsi qu’il était considéré comme celui-là qui était plus proche du parti CDP et sa position compte pour les populations, particulièrement de sa région qu’est Yako. On peut dire que celui que tout le monde pleure aujourd’hui, fut un homme comblé. Issu d’un milieu rural, il a pu gravir les échelons du monde des affaires. Père de plusieurs enfants, il a eu l’argent et les honneurs. Ladji Oumarou Kanazoé a été inhumé hier dans son village natal à Yako en présence d’un nombreux public qui a fait le déplacement à la hauteur de ce que l’homme fut. Plusieurs boutiques, surtout autour des mosquées ont fermé en guise de deuil. Qu’il repose en paix.

Augustin KABORE

L’Express du Faso (via lefaso.net) – 20 octobre 2011

 

 

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