Un proverbe bambara, célèbre chant de fillettes, nous enseigne que " le monde est devenu comme un oignon frais, celui qui l’épluche n’y trouvera pas de graine ". En d’autres termes, dans le monde il est rare de rencontrer la justice et la vérité. Sinon, comment comprendre que Chéché Dramé, décédée à la fleur de l’âge et pendant qu’elle était au summum de son art, devienne plus adulée, au moment où son corps gît sous terre ? Ses œuvres, déjà raflées sur le marché de son vivant, sont actuellement très recherchées et les vendeurs s’en frottent les mains. Mais sa fille, la seule ombre qu’elle a laissée, profitera-t-elle de cette manne financière, elle qui a avisé sa mère de ce qui allait arriver avant le départ fatal pour la Mauritanie ?
Certes, nous avons envie de laisser l’âme de Fatoumata Dramé dite Chéché reposer en paix, mais aussi le devoir de vérité et d’informer nous interpelle et nous dicte de revenir, une fois de plus, sur celle qui est partie furtivement, laissant nos cœurs et nos esprits orphelins. Cette silhouette dandinant sur la scène, avec des pas de danse empreints de charme, est certes partie pour le grand voyage, mais n’a pas vécue inutile. En effet, de son vivant, deux albums lui ont suffi pour arriver à un niveau qui reste un horizon vers lequel tendent, sans jamais l’atteindre, la plupart des artistes de sa génération et une kyrielle de divas qui l’ont précédée dans le monde de la musique.
Ses cassettes et CD s’arrachaient sur le marché, au point que celui qui s’occupait de son dossier d’inscription au concours découvertes RFI 2010, au mois d’avril dernier, avait bien du mal à trouver les exemplaires de ses œuvres qui devaient accompagner ledit dossier. Et pourtant, à trois reprises, le marché a été alimenté par le distributeur.
A sa mort, c’est comme si elle était encore plus que vivante et qu’elle venait de mettre sur le marché un nouvel album. Des millions de gens, du monde entier, cherchent à acquérir ses albums. Chacun tient à les trouver pour les ranger en bonne place dans sa collection musicale, à l’image de cette dame sénégalaise vivant aux Etats Unis, qui nous a saisis depuis ce pays, par internet, pour nous supplier de lui trouver les deux albums de Chéché Dramé. On pouvait dire que c’est tant mieux pour sa fille, la seule ombre et héritière qu’elle nous a laissée, si le produit de la vente de ces milliers de cassettes n’allait pas se perdre dans les caisses de pirates et autres distributeurs bouffons.
La fille de Chéché Dramé, la petite Babani, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, avait pourtant avisé sa mère des dangers qui la guettait pendant ce voyage fatal en Mauritanie. Selon des témoignages concordants, elle aurait dit à sa mére et à sa tante, Ami Simaga, choriste de Chéché, qui étaient en train de se préparer à prendre la route : " Si vous ne partez pas, je vous pardonne, mais si vous partez je ne vous pardonnerai pas parce que je sais que nous n’allons pas nous revoir ".
Simples paroles d’enfant, a considéré sa mère, encore trop jeune pour comprendre certains propos d’une innocente et illuminée petite fille. Surtout que Chéché lui cachait qu’elle allait en Mauritanie. Elle lui avait en effet annoncé qu’elle partait en France par avion pour revenir rapidement et qu’elle allait lui rapporter de beaux cadeaux. Mais la fille, incrédule, avait répliqué : "Ce n’est pas en France. Je sais où vous allez, mais je ne vous le direz pas ! ".
Toujours selon les témoignages recueillis par-ci par-là, Chéché alternait nervosité et anxiété lors de la semaine qui a précédé son décès. Comme si elle sentait la mort frapper à sa porte. Elle semblait vouloir accélérer tout ce qu’elle faisait, ou ce qu’elle devait faire. Elle n’a pas voulu attendre la fin du mois de ramadan pour se remarier, tout comme elle a pris soin d’ouvrir un compte bancaire au nom de sa fille, quelques jours seulement avant sa mort.
En plus, elle demandait pardon aux gens, au point d’irriter quelques uns de ses proches, par sa propension à demander pardon pour un oui ou un non. Tout comme, malgré l’insistance de plusieurs membres de son staff et des conseillers pour la dissuader de voyager en voiture, elle a renoncé à prendre l’avion.
Un comportement prémonitoire ! Il n’y a pas de sacrifice capable de changer le cours du destin. Peu avant l’accident, c’est elle qui insistait beaucoup plus pour que le chauffeur mette le turbo, pour rouler à tombeau ouvert. Elle était en train de répondre à l’inévitable rendez-vous avec la mort, même si, le fait qu’elle soit la seule à disparaître -sur le champ- à la suite de cet accident, est un sujet de polémiques au sein de la population malienne.
Certains sont allés jusqu’à faire un parallèle avec l’accident et la mort d’une autre grande chanteuse disparue de façon prématurée comme elle, dans les mêmes circonstances. Il s’agit de Tata Diakité. Mais croyons en une chose : "Ce qui est debout se couchera un jour". Laissons tout le reste à Dieu seul décideur ici-bas et dans l’au-delà. Dors en paix Fatoumata dite Chéché. Nos prières t’accompagnent, pour qu’Allah te couvre de sa grâce et de sa miséricorde.
Amadou Bamba NIANG