Trop loin de nous, de notre journal et de notre pays, pour que l’hommage que nous rendons ici au jeune sexagénaire disparu hier ne paraisse opportuniste ou malséant ? Peut-être. Mais c’est seulement à la nouvelle de son décès que ceux pour qui le journal Afrique de Rfi est un culte depuis longtemps, réaliseront qu’ils ne pouvaient mettre un visage sous le nom de Amar Ben Salem. Mais un journaliste a toujours une raison subjective de saluer un confrère disparu : l’illusion de contribuer à la chaîne contre l’oubli consécutif à une voix qui se tait ou à une plume qui se casse. Surtout une voix comme celle de Amar Ben Salem : toujours pleine, parfois mélancolique.
En fait, pour nous ici, la voix algérienne sur la complexe Algérie. Celle des années Fis ou Gia, de la splendeur et de la chute de Bendjedid, des parenthèses brèves ou tragiques de Zeroual et Boudiaf et de la rupture millimétrée à la Bouteflika. En somme de l’Algérie de la « hogra » qui fit se renforcer les islamistes du désespoir de la Casbah comme de l’université aux délirantes réserves financières d’une décennie obligée d’être attentive aux leçons du printemps arabe. Le nom de Ben Salem se confond avec la chronique de l’histoire immédiate de notre puissant voisin du Nord. La dure loi de la brièveté humaine, cruellement, le conjugue désormais au passé, comme elle le fera de nous tous. Mais peu d’entre nous bénéficieront d’éloges aussi splendides que ceux d’El Watan pour le défunt ou de témoignages aussi émouvants que ceux de ses collègues de Rfi.
Adam Thiam