Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Gueterres, a publié un rapport contenant ses recommandations sur la MINUSMA. Il suggère que la Mission de l’ONU au Mali, soit prolongée d’un an et que ses effectifs autorisés soient maintenus. Ces recommandations passeront en revue et débattues par les quinze membres du Conseil de sécurité. On attend de savoir le traitement qui sera réservé à ses suggestions, le 29 juin prochain, à l’ONU.
C’est face aux instructions de Gueterres, qui inquiètent plus d’un malien, que le Ministre des Affaires étrangères du Mali, M. Abdoulaye Diop, a demandé le 16 juin dernier, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le retrait sans délai de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), arguant notamment d’une crise de confiance entre les autorités maliennes et la Mission.
Des réactions diverses
La MINUSMA semble devenir une partie du problème en alimentant les tensions communautaires exacerbées par des allégations d’une extrême gravité, a accusé M. Aboulaye Diop qui a de plus constaté qu’après plusieurs années de déploiement des forces de la MINUSMA sur le terrain, la situation sécuritaire, qui concernait jadis le nord du pays, s’est progressivement dégradée dans les autres régions du Mali, notamment le centre. Pour le Gouvernement du Mali, le constat est clair: la MINUSMA n’a pas atteint son objectif fondamental, a-t-il affirmé.
Insistant sur le caractère fondamental que revêt la coopération de l’État hôte, le Chef de la Mission et Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, a assuré au contraire que malgré l’environnement complexe dans lequel elle opère et les restrictions à sa liberté de mouvement, la MINUSMA s’est employée à mettre en œuvre son mandat de la manière la plus efficace qui soit, évoquant notamment son soutien au processus de transition en cours.
Selon M. El-Ghassim Wane, la Mission a d’indéniables avantages comparatifs « qui peuvent et doivent » être mis plus effectivement à contribution pour appuyer l’État malien. Il a plaidé pour un engagement encore plus soutenu du Gouvernement malien à travers un dialogue régulier avec la Mission « pour élargir le champ des possibilités et saisir les multiples opportunités qui existent, au bénéfice des populations ». Dans son dernier rapport sur le Mali, le Secrétaire général de l’ONU établit quatre paramètres déterminant l’efficacité de l’engagement de la Mission: avancement de la transition politique; progrès accomplis dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation; liberté de circulation de la Mission, y compris pour les moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance essentiels à la sûreté et à la sécurité des soldats de la paix; et enfin, capacité d’exécuter l’intégralité du mandat confié par le Conseil de sécurité, y compris les dispositions relatives aux droits humains. Au nom des A3, le Mozambique a également proposé plusieurs pistes pour améliorer l’efficacité de la Mission, dont la protection des civils, le rétablissement de l’autorité de l’État dans les zones vulnérables, et le renforcement de la présence de la MINUSMA dans les zones critiques. Le Conseil de sécurité doit se prononcer le 29 juin prochain sur le renouvellement du mandat de la MINUSMA. Si tous les intervenants se sont inquiétés de la progression du terrorisme au Mali, certaines délégations se sont plus particulièrement alarmées de la situation des droits humains, notamment dans le cadre des opérations menées par les Forces armées maliennes et le groupe Wagner, à Moura en mars 2022.
De fait, pour l’Albanie, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, l’action déstabilisatrice du groupe et la menace qu’il représente pour le peuple malien et la souveraineté du pays n’ont jamais été aussi évidentes.
La Fédération de Russie a dénoncé la réaction négative au renforcement de la coopération russo-malienne, manifestation selon elle d’approches néocoloniales et du « deux poids, deux mesures », soulignant que grâce à son soutien, les Forces armées maliennes ont obtenu des résultats tangibles contre des organisations terroristes dans le centre du pays.
Le représentant russe a ensuite rappelé que dans le contexte du « vide » sécuritaire qui s’est installé à la suite du retrait « honteux », entre autres, de l’opération française Barkhane, le Gouvernement malien développe une coopération avec des partenaires internationaux capables de contribuer à la sécurisation et à la protection de sa population. Grâce notamment au soutien de la Russie, les forces armées maliennes ont obtenu des résultats tangibles « sur le terrain », dont 59 opérations réussies menées, entre février et mars de cette année, contre des terroristes dans le centre du pays. D’ailleurs, s’est-il enorgueilli, le dernier rapport en date du Secrétaire général note que les efforts de l’armée malienne ont permis de réduire le nombre de victimes civiles. Aussi a-t-il dénoncé la réaction négative d’un certain nombre de pays au renforcement de la coopération russo-malienne, manifestation selon lui d’approches néocoloniales et de « deux poids, deux mesures ». Il est nécessaire d’apporter une aide efficace aux autorités maliennes, plutôt que de leur « mettre des bâtons dans les roues », ce que, malheureusement, Paris continue de faire avec ses alliés, y compris en usant de son influence au sein des structures multilatérales, a déploré le représentant en conclusion.
Ce que pensent les maliens de la MINUSMA
Pour ce qu’on sait déjà, des voix se sont élevées, à plusieurs reprises, pour réclamer le départ pur et simple de ces troupes onusiennes du Mali, le tout dans un concert assourdissant de manifestations violentes qui se sont parfois soldées par des pertes en vies humaines. Pour les croquants, il s’agissait de remettre en cause, la poursuite d’une opération onusienne de maintien de paix qui n’a jamais permis ni de stabiliser la zone où sont déployées les « Casques bleus », ni de protéger les civils. Autant dire que la proposition de Antonio Guterres, de reconfigurer la Mission au Mali, plutôt que de l’amener à faire son paquetage, pourrait être de nature à mettre davantage en courroux les forces hostiles à cette présence.
Autrement, il se dégagera la fâcheuse impression qu’en dépit des initiatives du patron de l’ONU, la MINUSMA n’a pas avancé dans sa quête de résorption de ses nombreux écueils sur le terrain. Des épreuves quelque part imputables à son impossibilité à répondre aux aspirations d’un peuple qui, jusque-là, juge sa présence au Mali, inutile en raison d’un mandat qui est loin de répondre à ses attentes.
Décriant les « conclusions hâtives » du rapport du Haut-commissariat aux droits de l’homme sur l’incident de Moura, le Ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, M. Abdoulaye Diop a décrié pour sa part la volonté de certains États d’instrumentaliser l’ONU pour « nuire et punir le Mali pour ses choix souverains ».
Le ministre Diop, a déclaré que le Gouvernement de transition a pris des mesures fortes et irréversibles pour le retour à un ordre constitutionnel apaisé et sécurisé, dans les délais convenus, précisant que le scrutin référendaire, prévu ce 18 juin 2023, vise à doter le Mali d’une nouvelle Constitution. Le bon déroulement du processus de vulgarisation du projet de Constitution et la campagne électorale y relative augurent un scrutin référendaire apaisé et crédible, a-t-il assuré.
La MINUSMA, une coquille vide
Selon les estimations du Ministre Diop, les prescriptions internationales prodiguées par la MINUSMA depuis sa création en 2013, ont montré leur limite. Sinon comment expliquer le fait que la situation sécuritaire du Mali en 2013 soit bien meilleure à celle d’aujourd’hui? Le réalisme impose le constat de l’échec de la MINUSMA dont le mandat ne répond pas au défi sécuritaire, a-t-il tranché. Il a indiqué que le Gouvernement de transition a donné une place de choix au renforcement des capacités des Forces de défense et de sécurité maliennes qui, a-t-il affirmé, continuent de remporter contre les groupes armés terroristes des victoires décisives.
Concernant le rapport du Haut-commissariat aux droits de l’homme (HCDH) sur les événements de Moura, M. Diop a expliqué que c’est sur la base de renseignements fiables faisant état de la présence dans cette localité de principaux chefs terroristes pour planifier des attaques d’envergue, que les Forces de défense et de sécurité maliennes ont pris la décision de mener une opération à la hauteur de cette menace au cours de laquelle 203 combattants terroristes ont été neutralisés. Il a rejeté vigoureusement « les conclusions hâtives du rapport biaisé » du HCDH, y voyant l’expression d’une volonté réelle de certains États d’instrumentaliser l’ONU pour nuire et punir le Mali pour ses choix souverains. De plus, ce rapport comporte des images obtenues par l’usage satellite à l’insu des autorités nationales ce qui constitue de l’espionnage, a accusé le Ministre qui a signalé que la teneur de ce rapport a également été démenti par de nombreux habitants de Moura.
Après avoir réaffirmé l’engagement du Gouvernement à poursuivre la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, le Ministre a constaté qu’après plusieurs années de déploiement des forces de la MINUSMA sur le terrain, la situation sécuritaire, qui concernait jadis le nord du pays, s’est progressivement dégradée dans les autres régions du Mali, notamment le centre. Pour le Gouvernement du Mali, le constat est clair: la MINUSMA n’a pas atteint son objectif fondamental, a-t-il affirmé. En outre, ni les propositions du Secrétaire général et encore moins le projet de résolution en cours de négociation n’apportent des réponses appropriées aux attentes des Maliens. Ce projet de résolution conforte d’ailleurs la récusation de la France en tant que porte-plume, tant son contenu est hostile à l’égard du Mali, a-t-il ajouté.
Pour le Ministre, la Mission semble devenir une partie du problème en alimentant les tensions communautaires exacerbées par des allégations d’une extrême gravité et qui sont fortement préjudiciables à la paix, à la réconciliation et à la cohésion nationale du Mali. Cette situation engendre un sentiment de méfiance des populations à l’égard de la MINUSMA et une crise de confiance entre les autorités maliennes et la Mission. De ce qui précède, a terminé M. Diop, le Gouvernement du Mali demande le retrait sans délai de la MINUSMA.
Jean Pierre James