Opérations militaires étrangères au Mali : La Minusma, Barkhne et les autres…

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Après Barkhane, Takuba, G5 Sahel, le sort de la Minusma est définitivement scellé dans notre pays. En effet, les Autorités maliennes, après constat de l’échec de cette mission, ont demandé son départ. Une demande acceptée par le Conseil de sécurité de l’ONU. Le départ de la Minusma marque donc la fin de ces missions militaires étrangères, qui ont afflué vers le Mali après l’éclatement de la sécuritaire en 2012. Des missions qui ont connu presque les mêmes résultats : un cuisant échec ! Retour sur le départ des soldats étrangers envoyés au Mali.

En effet, les Autorités maliennes ont entrepris depuis plusieurs mois une nouvelle politique de défense mettant en  avant les forces armées maliennes et de sécurité.  Cette politique qui a débuté par le retrait des forces françaises se poursuit actuellement avec le départ (entamé le 1ère juillet 2023) de la MINUSMA.  Qu’est-ce qui explique ce changement dans la conduite de la politique sécuritaire du Mali ? Comment et pourquoi le Mali a-t-il mis fin à sa coopération militaire avec la France à travers Barkhane, Takuba et G5 Sahel ? Pourquoi le retrait de la MINUSMA ?

Rappel : le 1er août 2014, Serval (3.000 élements ) est remplacé par Barkhane, une opération constitué avec 5.100 éléments. Mais à partir de 2015,  les attaques avec des engins explosifs contre les forces sahéliennes ou étrangères se sont multipliées.

Au départ, Barkhane avait pour mission d’endiguer la menace djihadiste. Mais au fil des ans, les groupes terroristes ont étendu leur emprise dans la zone.

«Dans le Nord du pays, le désarmement des groupes armés n’a guère avancé et le gouvernement a réalisé des progrès insuffisants en matière de rétablissement de l’autorité de l’État, ce qui a aggravé l’absence d’État de droit et le vide sécuritaire, facilitant un banditisme généralisé et le déplacement de nombreuses personnes. Dans le Centre du Mali, la présence de groupes armés islamistes et les mesures d’intimidation à l’encontre de la population se sont accentuées tout au long de l’année, entraînant plusieurs exactions graves, dont des exécutions sommaires de fonctionnaires locaux et de personnes suspectées d’être des informateurs du gouvernement», indiquait  Human Rights Watch dans un rapport 2017 sur la situation au Mali.

En réalité, les soldats français ne sont jamais intervenus contre les groupes radicaux qui occupent le Nord du pays.

Un constat majoritaire chez les habitants qui ne voyaient pas l’utilité de la présence de Barkhane. En effet, malgré Barkhane, le septentrion malien n’a jamais connu de stabilité. Au contraire… Les attaques, malgré l’armada déployée, se sont multipliées contre l’armée et les populations civiles.

Paris était plus généralement accusé de nombreux maux par les habitants qui côtoient ses militaires. Pour les populations locales, l’ex-puissance coloniale dissimulait ses véritables motivations sur les raisons de sa présence au Nord…

Finalement, le 18 février 2022, Bamako a exigé le départ des soldats de Barkhane. Les divergences entre les Autorités des deux pays ont provoqué cette rupture.

TAKUBA, aucun bilan au finish !

Autre force qui opérait au Mali, c’est Takuba. En effet, le 27 mars 2020, les gouvernements de la Belgique, de la République tchèque, du Danemark, de l’Estonie, de la France, de l’Allemagne, du Mali, du Niger, des Pays-Bas, de la Norvège, du Portugal, de la Suède et du Royaume-Uni avaient publié une déclaration politique exprimant leur soutien à la création d’un groupe de travail intégré au commandement de l’opération (menée par la France au Sahel et au Sahara) et visant à lutter contre les groupes terroristes dans la région du Liptako (une vaste région historique située aux frontières entre le Burkina Faso, le Niger et le Mali). La task force était constituée et prenait le nom de Takuba ; signifiant « sabre » en tamasheq ; elle avait pour buts de conseiller, assister et former les forces armées maliennes…

Suite aux multiples tensions intervenues (renvoi de l’ambassadeur français au Mali, fermeture des médias français…) entre le Mali et la France, le Président Macron a annoncé le retrait (foré ?) des forces françaises opérant dans les opérations Barkhane et Takuba.

Et la réplique des autorités maliennes a été sans équivoque ! Dans un communiqué, en février 2022, le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga avait qualifié l’annonce du désengagement français de « violation flagrante » des accords entre les deux pays. Et le gouvernement malien a invité, les Autorités françaises,  à retirer sans délai, les forces Barkhane et Takuba du territoire national sous la supervision des autorités : « Le gouvernement du Mali prend acte de la décision unilatérale des autorités françaises de procéder au retrait des forces militaires de Barkhane et de Takuba en violation des accords liant la France et le Mali impliquant d’autres partenaires ». Selon le gouvernement : « Cette décision fait suite aux annonces également unilatérales de la France, le 03 juin 2021, de la suspension des opérations conjointes avec les Forces armées Maliennes et le 10 juin 2021 de la fin de l’opération Barkhane, sans préavis et sans consultation préalable de la part malienne ».

Avant de poursuivre : « ces décisions unilatérales constituent des violations flagrantes du cadre juridique liant la France et le Mali ».

« Au regard de ces manquements répétés des accords de défense, le gouvernement invite les autorités françaises à retirer, sans délai, les forces Barkhane et Takuba du territoire national, sous la supervision des autorités maliennes», avait indiqué Colonel Abdoulaye Maïga.

Finalement, le 17 février 2022, les alliés européens ont annoncé un retrait coordonné du Mali. Ce retrait faisait suite, à la  demande, le 24 janvier 2022, du gouvernement malien au Danemark de retirer ses 90 soldats. Le gouvernement malien indique que ce déploiement est intervenu sans son consentement et sans considération du protocole additionnel applicable aux partenaires d’opérations européens devant intervenir au Mali, dans le cadre de la Force Takuba, lequel prévoit la conclusion d’un accord bilatéral entre la République du Mali et les pays partenaires.

G5 Sahel, une force non opérationnelle

Concernant le G5 : le Mali avait annoncé, le dimanche 15 mai 2022, se retirer du G5 Sahel et de sa force militaire anti-djihadiste, formée avec la Mauritanie, le Tchad, le Burkina Faso et le Niger. Huit ans après sa création, l’avenir de cette organisation régionale, lancée pour tenter d’endiguer la menace terroriste qui ne cesse de gagner du terrain au Sahel, semble  remise en cause.

Elles (les autorités maliennes) invoquaient une « perte d’autonomie » et « une instrumentalisation » au sein de l’organisation. Les autorités de transition maliennes ont fait parvenir un communiqué le 15 mai 2022 annonçant leur retrait du G5 Sahel.

« […] La République du Mali se verra dans l’obligation de suspendre sa participation aux organes du G5 Sahel y compris la Force conjointe». Le ton était ferme, le propos revendicateur. Le communiqué parvenu le 15 mai 2022 signé par les autorités de transition malienne annonce sans retenue le retrait des « organes du G5 Sahel y compris la Force conjointe».
La raison invoquée dans le texte mentionne la non-tenue du sommet des chefs d’états du G5 Sahel qui, traditionnellement a lieu en début d’année afin de remettre la présidence tournante à un des pays membres. Ce sommet, qui aurait dû se tenir à Bamako, n’aurait pas eu lieu « en dépit des multiples initiatives prises par le Mali ».

La présidence du G5 Sahel aurait dû être reprise par le Mali à cette période.
Une responsabilité dont il avait été écarté, selon les autorités de transition, par « un État membre du G5 Sahel qui avance la situation politique interne nationale pour s’opposer à l’exercice par le Mali de la présidence du G5 Sahel». Cette opposition de certains pays membres serait, elle-même, « liée aux manœuvres d’un État extra-régional visant désespérément à isoler le Mali ». L’institution ferait face à une « perte d’autonomie », « une instrumentalisation et un dysfonctionnement grave ».

Le colonel Abdoulaye Maïga avait cependant précisé dans la soirée du 15 mai 2022 sur la télévision publique malienne, que les relations bilatérales avec les pays du G5 Sahel « restent maintenues ».

Adieu la Minusma !

La dernière série de ces départs forcés a été la résolution pour mettre fin au mandat de la mission onusienne adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU, le vendredi 30 juin 2023. L’ONU répondait à une demande des autorités maliennes qui avaient demandé le retrait sans délai de cette mission. Les casques bleus s’apprêtent donc à quitter notre pays après dix ans de présences.

Dès le 1er juillet 2023 la Minusma devra mettre fin à toutes ses activités pour se consacrer aux efforts qu’exige son retrait total à la fin du 31 décembre 2023, avec cependant la possibilité de protéger les civils à proximité de leurs camps jusqu’à la fin du mois de septembre.

La Minusma  était la plus grande mission de paix déployé par l’ONU dans le monde en terme de moyens et hommes avec  un effectif de 13 300 soldat et 2000 policiers mobilisés par 55 pays contributeurs et doté  d’une impressionnante armada de guerre (avion, hélicos, engins blindés et drones). Elle était aussi  la plus coûteuse de l’ONU sur le plan financier avec (1,2 milliard de dollars par an),  elle est « l’opération de paix où les Casques bleus ont payé le plus lourd tribut, avec plus de 200 soldats tués dans l’accomplissement de leur mission », avait déclaré  le chef de la mission…

Rappel : le Autorités  ont  porté  à plusieurs occasions de nombreuses réserves pour adapté  les moyens de la mission aux réalités du terrain  (qui n’ont pas été prises en compte) lors des renouvellements de mandat.

Lors de la réunion consacrée au renouvellement du mandat de la Minusma devant le Conseil de sécurité, le 13 juin 2022, Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale avait demandé à ce que la nature de la Minusma soit adaptée pour mieux protéger les populations : « Dans cette perspective, il est indispensable de mieux définir et articuler la notion de protection des civils dans un contexte de guerre asymétrique (…) Le mandat de la Minusma doit obligatoirement prendre en compte la montée en puissance des forces de défense et de sécurité du Mali, qui sont désormais en première ligne face aux groupes terroristes».

L’autre pomme de discorde entre l’ONU et notre pays était libre circulation de la Minusma sur le territoire national. A ce sujet, l’Ambassadeur Représentant permanent au Nations-Unies, M. Konfouro a réitéré la « ferme opposition » des autorités de la transition quant à la liberté de mouvement de la Minusma dans l’exécution de son mandat dans le domaine des droits de l’homme. Le Mali a toujours coopéré de bonne foi avec la force onusienne depuis sa mise en place en 2013, a-t-il affirmé. Toutefois, pour des impératifs de respect de la souveraineté du Mali, de coordination et de sécurité, les « mouvements de la Minusma ne peuvent se faire qu’avec l’accord des autorités compétentes maliennes », a-t-il déclaré.

Avec  ce retrait, la Minusma a montré des limites inhérentes aux mandats de stabilisation. La fin de la mission onusienne tournera certainement aussi la page des imposantes opérations multidimensionnelles de stabilisation, alors que l’ONU est de plus en plus confrontée au risque d’une marginalisation politique et d’une remise en cause des normes libérales qu’elle a traditionnellement promues.

Mohamed Sylla

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