Le Conseil de sécurité a décidé, par 13 voix pour et 2 abstentions de proroger d’un an, jusqu’au 30 juin 2023, le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) avec les mêmes effectifs maximums de 13 289 militaires et 1 920 policiers et les deux mêmes priorités stratégiques : «appuyer» la mise en œuvre de l’Accord par les différentes parties et «faciliter» l’application par les acteurs maliens d’une stratégie politique globale et inclusive visant à lutter contre les causes profondes et les facteurs des conflits violents, à protéger les civils, à réduire les violences intercommunautaires et à rétablir la présence et l’autorité de l’État ainsi que les services sociaux de base dans le centre du Mali.
Lors de l’adoption du renouvellement du mandat un seul point – notamment la compétence de la Mission en matière d’enquête sur les allégations d’atteintes aux droits de l’homme – a divisé les membres du Conseil. Quant au Mali, il a fermement rejeté les dispositions concernant la libre circulation des membres de la Minusma dans ce domaine, à l’opposé de la France qui insistait sur cette nécessaire liberté de la Minusma face aux multiples accusations de violation des droits de l’homme imputées tant aux groupes terroristes qu’aux Forces armées maliennes et aux « mercenaires du groupe Wagner ». Toutefois, la résolution a autorisé la Mission à utiliser « tous les moyens nécessaires » pour accomplir son mandat.
Sur la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation, alors que les autorités maliennes parlent de révision intelligente, le Conseil tout en demandant la reprise des réunions de tous les organes chargés d’assurer l’exécution de l’Accord, a invité les parties à prendre rapidement des mesures fortes, effectives, concrètes et irréversibles pour mettre en œuvre les dispositions de l’Accord.
Une autre réserve a trait par ailleurs au respect des dispositions en place en vue d’une cessation des hostilités. A cet effet, le Conseil de sécurité exige des groupes armés, en plus de renoncer à la violence, qu’ils rompent tous liens avec des organisations terroristes et la criminalité transnationale organisée, de prendre des mesures concrètes pour prévenir les atteintes aux droits humains des civils, de mettre fin au recrutement et à l’utilisation d’enfants soldats ainsi qu’aux activités entravant la restauration de l’autorité de l’État et le rétablissement des services sociaux de base, puis de reconnaître sans condition l’unité et l’intégrité territoriale de l’État malien, dans le cadre de l’Accord. Et d’appeler par la même occasion à la pleine coopération de la Minusma avec le Représentant spécial du Secrétaire général ainsi qu’avec le Centre Carter qui joue le rôle d’Observateur indépendant dans l’application de l’Accord, aux fins d’assurer la sécurité et la libre circulation du personnel onusien.
Tout en prenant acte de la prorogation de la transition de 24 mois à compter du 26 mars 2022, la résolution plaide pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel ainsi que pour des élections inclusives, libres, régulières et transparentes et un calendrier crédible et acceptable pour ce faire.
Sur la future présidentielle, l’éventualité d’une candidature des premiers responsables de la Transition a été tranchée par le Conseil de sécurité, qui rappelle son attachement aux dispositions de la charte selon lesquelles le président et le chef du Gouvernement de Transition, entre autres acteurs, ne peuvent aucunement compter parmi les candidats à la magistrature suprême.
Attentes et réserves du Mali ignorées…
Si pour des observateurs la reconduction du mandat de la Minusma au Mali a été équilibré avec l’abandon des vols français d’appui à la Minusma, et la non stigmatisation directe des forces russes en présence sur le territoire malien, le Mali, par la voix de son représentant auprès des nations Unies, a exprimé son insatisfaction de cette résolution finale sur fond de velléités d’opposition à son application. Et pour cause, le nouveau mandat privé la Minusma de recours à l’appui aérien des forces françaises, mais carte blanche est donnée à cette mission onusienne pour mener des enquêtes sans entrave sur des cas de violations de droits l’Homme. Et c’est ce que l’ambassadeur Issa Konfourou a relevé dans sa déclaration explicative, en martelant l’opposition du Mali. Selon lui, «pour des impératifs de respect de la souveraineté du Mali, de coordination et de sécurité, les mouvements de la Minusma ne peuvent se faire qu’avec l’accord des autorités compétentes maliennes et le Mali n’est pas en mesure de garantir la liberté de mouvement de la Minusma sans au préalable son accord. En définitive, le Mali n’entend pas exécuter ces dispositions en dépit de leur adoption par le Conseil de sécurité, a-t-il laissé entendre en déplorant au passage la non-prise en compte de certaines de réserves de l’Etat malien dans la version finale de la résolution. Il en a profité pour rappeler les attentes des populations maliennes de la Mission onusienne, à savoir : une contribution de la Minusma à la recherche de solutions durables aux défis. Les droits de l’homme ne sauraient être utilisés à des fins politiques inavouables, a-t-il laissé entendre tout en exprimant la reconnaissance du peuple et du Gouvernement du Mali à l’Organisation des Nations Unies pour son soutien constant à nos efforts de sortie de crise.
Amidou Keita
Renouvellement du mandat de la Minusma
Les Maliens se prononcent
Après le renouvellement du mandat de la Minusma d’une année supplémentaire, nous avons recueilli l’avis du malien lambda. Tout comme les plus hautes autorités maliennes qui ont dénoncé la non prise en charge de leurs réserves sur certaines questions, la plupart des Bamakois interrogés ont abondé dans le même sens et exprimé leur mécontentement.
Moussa Sangaré, un commerçant de la place dit ne trouver aucune utilité à ce que la Minusma poursuive ces activités dans notre pays. «Qu’elle reste au Mali n’a aucun intérêt pour nous», a-t-il confié en soutenant que le Mali ne devait pas accepter le renouvellement du mandat d’une mission qui n’obéit qu’à la France. Et tant que la Minusma est là, selon lui, le Mali ne connaîtra jamais la paix. Quant à Aly Guindo, il s’interroge sur la présence de la Minusma en ces termes : «ils disent qu’ils sont là pour protéger la population et depuis leurs arrivée le nombre de civils tués dépasse ceux des militaires. À quoi bon continuer dans cette voie de l’échec
? ».
Pour Abba Tall un mécanicien, «si la Minusma doit rester, elle doit joindre ses efforts à l’armée malienne pour combattre et mettre fin à cette guerre qui fait des ravages depuis une décennie, au lieu d’apporter leurs aide au terroriste».
Daouda Diarra, un retraité, ne comprend pas pour sa part que la situation continue de s’aggraver en dépit des milliers de soldats de la Minusma déployés sur le territoire malien depuis 2013 pour assurer la sécurité de la population et s’interroge par conséquent sur la persistance de la mission à vouloir demeurer.
Mme Ba Aïchatou Diallo, femme de ménage, est beaucoup plus tranchante avec le coup de gueule suivant : «nous ne voulons plus de Minusma, ni de la France ni d’autre organisation internationale qui cherche à nuire aux intérêts du gouvernement de transition et du peuple malien». Et notre interlocuteur Ismaël Traoré de renchérir en qualifiant la Minusma de marionnette au service de la France qui doit quitter le territoire malien.
Aly Poudiougou