Les membres du Conseil de sécurité étaient au Mali dimanche et lundi pour accélérer le processus de paix. Mais de nombreux points de blocage persistent.
Tout le monde est “rassuré” et tout est “rassurant”. À entendre les déclarations des 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU en visite au Mali, le processus de paix dans le Nord n’avance pas assez vite – sinon ils ne se seraient probablement pas déplacés depuis New York -, mais le président malien Ibrahim Boubacar Keïta s’est bel et bien fortement engagé sur les voies du dialogue et de la négociation avec les groupes armés. Pourtant, impossible de vérifier les intentions d’IBK : comme toutes les réunions de ces deux derniers jours, les échanges ont été tenus secrets, à l’abri des journalistes.
Un climat de crispation planait lors de cette visite onusienne au pas de course qui avait pour but, entre autres, d’estomper – du moins devant les caméras – la mésentente entre Bert Koenders, le patron de la mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), et le gouvernement malien. Mais la relation compliquée qu’ils entretiennent depuis plusieurs mois a malgré tout ressurgi. Le gouvernement malien et une partie de la population reprochent en effet aux troupes de la Minusma leur manque d’efficacité et leur attentisme sur le terrain, en particulier après l’épisode de Kidal, à la fin du mois de novembre, lorsque l’avion du Premier ministre n’avait pas pu atterrir à l’aéroport, pris d’assaut par des rebelles touareg.
Que négocier et où négocier ?
Alors, l’ONU et le gouvernement ont tout fait pour afficher leurs convergences. Selon Gérard Araud, représentant de la France au Conseil de sécurité et coleader de la délégation en visite au Mali, les autorités locales devraient même livrer les grandes lignes de la feuille de route des négociations avec les rebelles “dans les prochains jours”. Mais le discours affiché révèle cependant quelques discordances. Si IBK insiste depuis plusieurs mois sur la nécessité de désarmer les groupes armés, dont le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), avant toute négociation, Gérard Araud a pour sa part fortement insisté lundi soir sur le fait que le désarmement était un objectif de la négociation, et non un préalable : selon lui, l’urgence de cantonner ces groupes armés prime le fait de les désarmer.
Par ailleurs, le lieu des négociations, point de blocage important entre le gouvernement malien et les groupes armés, a rapidement été évoqué par le Conseil de sécurité : la question est soigneusement laissée au “génie diplomatique” malien. Gérard Araud a néanmoins souligné qu’il était important que la décision “finale” soit prise à Bamako, comme le souhaite le gouvernement. Les groupes armés, eux, évoquent Ouagadougou, l’Algérie ou le Maroc, pays récemment sollicité par le MNLA. “Pour nous, jusqu’à preuve du contraire, le médiateur est le Burkina Faso, mais nous voulons aussi que le roi du Maroc joue au facilitateur”, a souligné lundi Mahamadou Djéri Maïga, vice-président du MNLA. Mohamed Ag Arib, porte-parole du HCUA (Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad), a affirmé de son côté qu’il souhaitait que l’Algérie – rivale du Maroc – “joue un rôle important dans le règlement de la crise dans le nord du Mali”. Mais IBK a insisté : il est temps que “le Mali s’approprie le dossier Mali”. Quoi qu’il en soit, Gérard Araud rappelle le “sentiment d’urgence” dû aux “risques de radicalisation au sein des groupes”.
La Minusma toujours en sous-effectif
Beaucoup d’incertitudes planent donc encore sur la mise en place de ces négociations de paix. Et à l’heure où les troupes françaises de Serval prévoient leur retrait du pays – les militaires français, qui sont encore 2 500 au Mali actuellement, devraient être 1 600 à la fin du mois de février, puis 1 000 au printemps -, ce sont les troupes onusiennes de la Minusma qui sont censées prendre le relais. La résolution du Conseil de sécurité prévoyait la présence de 11 200 soldats, mais sept mois plus tard, seule la moitié des effectifs prévus sont arrivés sur le sol malien, et l’envoi de renforts ne cesse d’être reporté. “Nous prévoyons d’arriver à 90 % de l’effectif prévu au mois de juin”, a déclaré Bert Koenders lors d’une conférence de presse lundi soir, rassurant, lui aussi.
Le Point.fr – Publié le 04/02/2014 à 17:28